Turquie : une ville de 12 000 ans va disparaître sous les eaux

mis à jour le Vendredi 29 novembre 2019 à 16h43

lepoint.fr | 29/11/2019 |

Un lac artificiel va recouvrir la ville d'Hasankeyf, qui était menacée par un projet de barrage sur le Tigre depuis 2006, souligne « The Independent ».

La ville d'Hasankeyf va bientôt être entièrement recouverte par les eaux. © Christine-Felice Röhrs / DPA / dpa Picture-Alliance/AFP

Une page d'histoire plurimillénaire va se tourner à Hasankeyf, une ville située au sud-est de la Turquie. Alors que des populations humaines vivent, là, sur les rives du Tigre, depuis douze mille ans, le territoire va bientôt être recouvert par les eaux après la mise en service d'un barrage, explique The Independent.

Le barrage d'Illisu, sur le Tigre, ce fleuve qui prend sa source en Turquie avant de parcourir l'Irak, va bientôt être rempli par le pays de Recep Tayyip Erdoğan. La zone, bientôt recouverte par les eaux, pourra abriter jusqu'à 10 milliards de mètres cubes destinés à produire de l'électricité. Mais sous les flots se trouveront Hasankeyf et près de 200 villages qui se situent aussi dans la vallée. Les habitants ont commencé à déménager, leurs affaires ont été transférées vers des maisons construites sur les hauteurs, où se trouve une ville baptisée « New Hasankeyf ». « Ils ont transformé les habitants d'Hasankeyf en victimes », résume Ramsiz Alcin, une habitante locale, forcée d'évacuer sa maison, comme plusieurs milliers d'autres personnes. La décision de remplir le barrage menace aussi la vie sauvage locale et fait disparaître un pan d'histoire.

Un barrage crucial pour la Turquie

La construction du barrage avait commencé en 2006, mais ce projet avait longtemps été repoussé face aux critiques des habitants, des organisations environnementales et des historiens. En 2009, il avait même connu un coup d'arrêt après le retrait de plusieurs entreprises européennes qui finançaient le projet. À l'heure actuelle, Hasankeyf est organisée comme un véritable musée vivant, dans lequel on peut voir les différentes influences ayant marqué la région : néolithique, byzantine, romaine, ottomane... Il s'agit de l'une des plus anciennes villes du monde encore debout. Les autorités ont commencé à déplacer certaines pièces historiques afin de les préserver.

Mais, pour le gouvernement turc, la zone s'inscrit dans une politique de développement régional amorcée en 1970. Cela permettra notamment à la Turquie de réduire sa dépendance énergétique à l'égard des sources extérieures. Le complexe fait partie d'un ensemble de 22 barrages et 19 centrales hydroélectriques. Sa dimension géopolitique n'est pas négligeable puisqu'il permet aussi de contrôler le débit du fleuve en Syrie, partiellement en Irak et au Kurdistan, que la Turquie ne reconnaît pas.