Kurdistan: "Le référendum a seulement officialisé l'autonomie"

mis à jour le Dimanche 22 octobre 2017 à 16h33

I24news.tv

"Il faut mobiliser l'opinion publique dans les pays occidentaux pour obliger ces Etats à soutenir les Kurdes"

Kendal Nezan, président de l'Institut kurde de Paris, et Hiner Saleem, cinéaste kurde, étaient dimanche les invités d'"Elie sans interdit", venus souligner les paradoxes qui entourent le combat kurde pour l'indépendance.

Réagissant aux récentes interventions menées par Bagdad pour reprendre le contrôle de la région de Kirkouk, Kendal Nezan déclare: "On savait qu'après la bataille de Daesh, l'Irak allait envoyer ses troupes pour reprendre la province de Kirkouk et éventuellement les postes frontaliers avec la Turquie".

Le président de l'Institut kurde de Paris ne cache pas ses inquiétudes, soutenant que, aujourd'hui, "il très probable qu'il y ait une confrontation militaire entre l'armée irakienne, les milices chiites soutenues par l'Iran et la population kurde qui va défendre son territoire".

"On est victime de notre géographie", surenchérit Hiner Saleem, "le Kurdistan est sous le colonialisme de ces quatre Etats (NDLR: Irak, Syrie, Turquie, Iran), avec assimilation forcée. Les Kurdes vivent sur leur terre, un peu plus grande que la France, soit environ 530.000 km2."

"Les frontières du Kurdistan d'Irak sont plus ou moins reconnues, même par Bagdad", poursuit ce dernier, seulement "dans ces pays, la constitution ne veut rien dire, seuls les rapports de force marchent".

"Les kurdes font face à des ultranationalismes, auxquels s'ajoute maintenant un fanatisme religieux: Daesh sunnite ou des milices chiites pro-iraniennes", continue-t-il.

Manque de soutien international

Au Kurdistan irakien, le référendum du 25 septembre 2017 a vu 92.13% de votes en faveur de la création d'un Etat indépendant sur ce territoire.

"Le Kurdistan était déjà de facto indépendant, il a une frontière bien définie, une armée. Ce référendum était pour officialiser cette autonomie", soutient Hiner Saleem.

"On n'a pas choisi nos voisins", soupire Kendal Nezal, en référence à la Turquie et l'Iran, qui se sont fermement opposés à ce scrutin et ne reconnaissent pas aux Kurdes le droit d'être indépendants.

Un "divorce à l'amiable" entre le peuple Kurde et Bagdad n'intéresse pas l'Irak, l'Iran et la Turquie, selon Nezal, car la démocratie et le pluralisme sont "contagieux" et risquent d'éveiller des aspirations similaires dans ces pays.

Le président de l'Institut kurde de Paris regrette également la position adoptée par les pays occidentaux pendant la tenue du référendum.

"On est dans un monde étrange, on parle beaucoup des droits de l'Homme, des valeurs démocratiques et universelles, mais on fait très peu de choses pour les défendre", déplore-t-il, ajoutant que, contrairement à Téhéran qui dépense énormément pour soutenir les mouvements chiites qui lui sont inféodés, "les démocraties ne font pas grand-chose pour supporter les gens qui sont porteurs de leurs valeurs dans un environnement compliqué comme le Proche-Orient".

"Face à une démocratie qui organise un référendum de manière pacifique, de quel côté sommes-nous? Nous sommes en train de soutenir l'Iran et la Turquie en disant que ça n'est pas le moment d'organiser un référendum", s'indigne-t-il.

"La seule manière d'y arriver est de mobiliser l'opinion publique dans les pays occidentaux pour obliger les gouvernements de soutenir les Kurdes", conclut-il, précisant que, à l'heure actuelle, "les Américains s'accrochent à l'idée d'un Irak uni".

"Les Kurdes ont été déçus de la position du président Macron", qui s'est prononcé pour l'unité de l'Irak, "alors que l'Irak n'existe pas", soutient Saleem.

Le président français Emmanuel Macron a manqué "une occasion historique de jouer un rôle et trouver une solution à un problème vieux d'un siècle", selon le cinéaste.

De plus, il a souligné la place prise par l'Etat hébreu dans le conflit, du côté du peuple Kurde: "Je crois que c'est une occasion pour Israël de soutenir les Kurdes pour avoir un allié stratégique et une voix dans le Moyen-Orient", pouvant ainsi influer sur le pétrole, le gaz et la géopolitique.

Israël est le seul pays ayant soutenu le Kurdistan dans sa quête d'indépendance par la voix de son Premier ministre, Benyamin Netanyahou.

"Bien qu'Israël rejette le terrorisme sous quelque forme que ce soit, il soutient les efforts légitimes du peuple kurde à la création d’un Etat", avait-il déclaré mi-septembre dans un communiqué.