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Turquie : libération d'une journaliste de l'AFP interpellée en marge du Nouvel An kurde


Dimanche 17 mars 2024 à 18h56

Istanbul, 17 mars 2024 (AFP) — Une journaliste de l'AFP interpellée dimanche avec une cinquantaine d'autres personnes a été relâchée par la police en fin de journée après avoir été retenue plus de six heures, en marge des célébrations du Nouvel An kurde à Istanbul.

Eylul Yasar, du service vidéo de l'AFP, a annoncé sa remise en liberté ainsi que celle de quatorze personnes enfermées en même temps qu'elle dans le même fourgon.

Elle s'apprêtait à filmer les célébrations de Norouz, le Nouvel An kurde, quand elle a été interpellée à un point de contrôle, avaient expliqué des journalistes présents.

Des avocats de l'Association des Avocats pour la Liberté (ÖHD), présents, avaient évoqué une cinquantaine d'interpellations au total.

Mme Yasar n'était pas dans l'immédiat en mesure de confirmer la remise en liberté des autres personnes appréhendées, "dont un enfant de 14 ans".

"Nous savons que quatorze personnes détenues ont été libérées", a confirmé à l'AFP Emine Özhasar, une avocate de l'association MLSA, qui réunit des avocats défenseurs des droits humains et des médias.

"De nombreuses personnes ont été arrêtées mais nous ne connaissons pas encore leur nombre" total, a-t-elle ajouté.

- Pluie d'insultes -

Eylul Yasar a raconté avoir été "menottée très serrée" dans le fourgon de police.

Selon elle, l'interpellation s'est passée "extrêmement vite" après qu'elle eut protesté contre une fouille corporelle qu'elle jugeait "brutale et trop insistante".

Elle-même était retenue avec dix femmes et trois hommes.

"La police nous a insultées, traitées de fientes de porcs, de terroristes, de traîtres", a-t-elle témoigné : "Outre les commentaires sexistes, ils nous ont dit qu'on avait de la chance de ne pas être brûlées vives et transformées en savons comme les juifs", une allusion aux camps d'extermination nazis de la Deuxième guerre mondiale, a-t-elle poursuivi.

Par ailleurs, deux journalistes du site internet d'information Bianet qui filmaient les arrestations ont déclaré avoir été jetés au sol et battus par la police. Ils ont annoncé leur intention de porter plainte.

Erol Önderoglu, correspondant en Turquie de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), avait aussitôt réclamé la "libération immédiate" de Mme Yasar.

"Nous dénonçons cette interpellation arbitraire qui l'aura empêchée de faire son travail", a-t-il dit à l'AFP.

Les célébrations de Norouz sont généralement accompagnées de danses traditionnelles et d'un grand feu de joie - qui a été annulé dimanche, a constaté un photographe de l'AFP.

Les Kurdes, qui représentent un cinquième environ des 85 millions d'habitants de la Turquie selon des estimations, font face à d'importantes discriminations dans ce pays.

L'ex-figure de proue du principal parti prokurde HDP (devenu DEM), Selahattin Demirtas, est emprisonné depuis 2016 pour "propagande terroriste" et plus de cent maires de localités kurdes avaient vu leur élection annulée aux dernières municipales de 2019.

Selon le classement RSF des pays en fonction de leur respect de la liberté de la presse, la Turquie se classait en 2023 au 165e rang sur 180, en recul de seize places par rapport à 2022 (149e).

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.