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Bulletin N° 372 | Mars 2016

 

PARIS : CÉLÉBRATION DU NOUVEL AN KURDE À L’HÔTEL DE VILLE

Le «Newrouz», c’est le Nouvel An des Kurdes. Cette fête préislamique, célébrée le 21 mars (le moment où arrive le printemps ) par plusieurs peuples iraniens du Moyen Orient ainsi que par les turcophones d’Asie centrale, trouve selon sa tradition son origine dans un événement politique: le renversement du Shah sanguinaire Zohak par une révolte populaire dirigée par Kawa le Forgeron (en kurde «Kawa Asinger»), qui alluma ensuite un feu pour appeler le peuple à fêter sa victoire. Le Newrouz est donc pour les Kurdes à la fois une fête, marquée par des feux, des danses et des chansons, et un moment politique d’affirmation de leur existence et de leur lutte. Cette année, avec la situation difficile des Kurdes en butte à la répression en Turquie et leur participation en première ligne au combat contre les djihadistes du soi-disant «État islamique», Newrouz avait une signification politique particulièrement forte.

Dans nombre de villes du Kurdistan de Turquie ainsi que dans les métropoles turques de l’ouest du pays, les célébrations ont été cette année interdites «pour raisons de sécurité». A Diyarbakir, où chaque année près d’un million de Kurdes participaient à la fête, celle-ci n’a rassemblé qu’environ cent mille personnes en raison du couvre-feu en vigueur et du quadrillage policier et militaire serré de la ville.

A Paris, où chaque année le Nouvel An kurde était célébré dans la Mairie du Xe arrondissement, considéré «quartier kurde», cette année à l’initiative de Mme Anne Hidalgo, les Kurdes et leurs amis ont été reçus dans les magnifiques salons de l’Hôtel de Ville éclairés aux couleurs kurdes.

La soirée a commencé à 19 h par une réunion de soutien à l’Institut Kurde. Devant un parterre de personnalités, Mme Hidalgo, entourée de ses adjoints Patrick Klugman et Alexandre Cordoba et du maire du Xe arrondissement Rémi Féraud, a prononcé un discours rappelant le soutien apporté depuis des années par la Mairie à l’Institut Kurde. Elle a indiqué qu’elle était personnellement intervenue auprès des plus hautes autorités de l’État pour que la France finance et pérennise l’existence de cette institution. Elle a invité les mécènes à participer à cet effort collectif d’autant plus nécessaire que les Kurdes sur le terrain se battent pour nos valeurs, pour nos libertés. Elle a évoqué avec émotion son voyage d’octobre 2015 au Kurdistan irakien et l’accueil chaleureux que lui ont réservé les autorités et la population kurdes. «Vous pouvez compter sur moi, et me considérer comme une avocate de la cause kurde.», a-t-elle conclu.

Reprenant ensuite la parole, Kendal Nezan a remercié Mme Hidalgo et son équipe de leur soutien et de leur hospitalité. Répondant à l’appel de personnalités, des médias et de citoyens, le Gouvernement s’est engagé à rétablir partiellement la subvention de l’Institut afin d’éloigner la menace de sa clôture, a-t-il ajouté. «Nous comptons à présent sur la Mairie pour compléter ce financement et offrir à l’Institut des locaux appropriés à sa mission.», a-t-il conclu

Puis l’ambassadeur Saywan Barzani, représentant le Premier ministre du Kurdistan, a évoqué les moments forts de la solidarité des personnalités et du peuple français avec le peuple kurde depuis les années 1980 et s’est félicité de l’intensification récente des relations franco-kurdes.
Cette partie de la soirée s’est achevée par la remise à Mme Hidalgo par un Général de pechmergas en tenue kurde d’une médaille d’honneur pour sa contribution à la défense du peuple kurde.

Le deuxième partie de la soirée a été festive et musicale. Après les discours de bienvenue de Patrick Klugman et de Kendal Nezan, les groupes de musique de Şivan Perwer, Issa et  Miço Kendes ont chanté devant un public d’environ 1500 invités kurdes et amis des Kurdes. La poétesse kurde Nazand Begikhani a récité quelques-uns de ses poèmes. Puis le philosophe Bernard Henry-Lévy, qui a fait plusieurs voyages au Kurdistan, et qui venait de rencontrer François Hollande en compangie du général kurde Sirwan Barzani, a transmis le message de félicitations du Président de la République pour le Nouvel An kurde, avant d’appeler la France et les autres pays de la coalition internationale à aider davantage les courageux combattants kurdes qui se battent contre Daech pour leur terre et leurs libertés, mais aussi pour nos libertés.

Enfin, le général Barzani s’est adressé aux invités en kurde pour leur souhaiter une bonne année et leur demander de rester mobilisés et solidaires dans cette période historique pour le peuple kurde.

La fête s’est ensuite poursuivie jusqu’à 23 h 30 avec des danses traditionnelles kurdes.

Depuis 2004, où en partenariat avec l’Institut Kurde et à l’invitation de Bertrand Delanoë, le Newrouz avait été une première fois célébré à l’Hôtel de Ville, c’est la seconde fois que la Ville de Paris honorait ses concitoyens kurdes en célébrant leur Nouvel An.

WASHINGTON : LE GÉNOCIDE DES YÉZIDIS RECONNU PAR LE CONGRÈS

Le 14 de ce mois la Chambre des Représentants américaine a déclaré par un vote unanime de 383 voix reconnaître comme génocide le massacre des Yézidis perpétré par Daech après sa conquête de la région du Sindjar (en kurde Shingal) en août 2014. La proposition sera ensuite transmise au Sénat, et si les Sénateurs votent de manière identique aux Représentants, la reconnaissance du génocide par le Congrès des États-Unis deviendra officielle. Le Parlement européen avait déjà voté à l’unanimité dans le même sens le 5 février dernier, premier cas dans l’Histoire de reconnaissance officielle d’un génocide par une telle instance pour un conflit encore en cours. Le Musée de l’Holocauste de Washington avait été l’un des premiers à qualifier les massacres de Daech de ce terme en novembre 2015, dans un rapport publié par son Centre Simon-Skjodt pour la Prévention du Génocide.

Le 17, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a déclaré à son tour qu’après analyse des données en sa possession, il était parvenu à la conclusion que Daech s’était rendu coupable de génocide contre les yézidis, les chrétiens et les chiites sur le territoire qu’il contrôle en Irak et en Syrie: «Daech est génocidaire par auto-proclamation, par son idéologie et par ses actions, dans ce qu'il dit, ce qu'il croit et ce qu'il fait.», a-t-il déclaré. «Daech est également responsable de crimes contre l'humanité contre ces mêmes groupes.», a-t-il ajouté. La conclusion de Kerry marque la deuxième fois seulement qu'une administration américaine qualifie de génocide des actions commises dans un conflit encore en cours.

Il est difficile d’avancer un chiffre précis pour les Yézidis assassinés par Daech, beaucoup de familles ayant pour l’instant décidé de rester dans les camps de réfugiés plutôt que de revenir dans les zones libérées des djihadistes. Le 10 du mois, le Ministre de l’Intérieur du Gouvernement Régional du Kurdistan (GRK), Karim Sinjari, a annoncé que depuis la prise du Sindjar par Daech en août 2014, 2300 yézidis avaient été sauvés des mains de l’organisation djihadiste. Le Bureau des affaires yézidies du GRK a publié des données selon lesquelles près de 2500 Yézidis sont confirmés comme morts. La plupart ont été victimes d’exécutions de masse qui ont pris place rapidement après la prise de la région du Sindjar par l’organisation djihadiste en août 2014. Selon d’autres estimations, le nombre d’hommes et de garçons massacrés immédiatement après la prise de Sindjar dans les villages situés aux alentours de la ville se monte à 5 000. Le sort de 500 yézidis disparus n’est toujours pas connu. Daech avait capturé lors de son offensive 6255 yézidis, et détiendrait encore captives 3900 femmes. Plus tôt ce mois-ci, le maire de Sindjar avait déclaré que des dizaines des jeunes filles yézidies kidnappées par des djihadistes de Daech en août 2014 avaient été envoyées dans d’autres pays comme l’Afghanistan, le Pakistan, la Libye et la Tchétchénie.

Au moins 24 fosses communes ont été trouvées aux alentours de la ville de Sindjar après sa reprise aux djihadistes, certaines contenant les corps de femmes sans doute considérées comme trop âgées pour être utilisées comme esclaves sexuelles. Le GRK prévoit de donner accès à 25 de ces fosses communes aux experts de la Cour pénale internationale, qui ont été invités à se rendre dans la région pour décider de la qualification du crime commis par Daech.

SYRIE : LES KURDES ET LEURS ALLIÉS DÉCLARENT UNE RÉGION FÉDÉRALE

Le Parti de l’unité démocratique (PYD), parti kurde dominant au Kurdistan syrien, est demeuré exclu durant le mois de mars des pourparlers de Genève sur l’avenir de la Syrie. Cette mise à l’écart, en grande partie due à la ligne politique obsessionnellement antikurde de la Turquie, grand soutien de l’opposition syrienne «officielle», est d’autant plus paradoxale que sur le plan militaire, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dont les combattants kurdes du PYD constituent la composante principale, demeurent des partenaires privilégiés dans la lutte contre Daech à la fois des États-Unis et de la Russie. Le 3 mars, Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a déclaré que les pourparlers de paix sur la Syrie étaient «incomplets sans les Kurdes.». Le 11, Sergueï Lavrov a explicitement demandé à l’envoyé des Nations Unies en Syrie, Staffan de Mistura, d’inclure les Kurdes dans les pourparlers qui devaient reprendre. Argumentant que «tenir des pourparlers sur une nouvelle organisation du pays et préparer la réforme constitutionnelle et les élections en l’absence des Kurdes constituerait une grave violation des droits d’un groupe important et significatif vivant en Syrie», Lavrov a ensuite critiqué la Turquie pour avoir imposé jusqu’à présent l’exclusion des Kurdes.

Staffan de Mistura est visiblement contraint à un véritable «grand écart» sur la question des Kurdes de Syrie. Interrogé dans une conférence de presse sur la possibilité d’élargir la participation aux prochains pourparlers, il a répondu que les Nations Unies n’enverraient pas de nouvelles invitations, mais a insisté sur… l’importance d’inclure dans les pourparlers «tous les Syriens qui peuvent faire une contribution au futur du pays»: les Kurdes de Syrie sont-ils ou non des Syriens? Deux jours plus tard, il a déclaré dans une interview au journal suisse Le Temps que «les Kurdes syriens [étaient] une composante importante du pays», et qu’il fallait «trouver une formule leur permettant d'exprimer une opinion sur la constitution et la gouvernance du pays». John Kirby, porte-parole du Département d’Etat américain, a pris le même jour une position similaire. Le problème semble bien pour ces responsables politiques de faire participer les Kurdes… sans que la Turquie ne s’en rende compte (!) et ne fasse capoter les discussions. Tous sont conscients du fait que, sans la composante kurde, les pourparlers ont peu de chance d’aboutir à une solution praticable.

Dès le 2 du mois, Akram Hesso, Premier ministre du Canton de Djéziré, avait révélé dans une interview donnée à Al Monitor que les discussions tenues à Kobanê fin février entre les autorités du «Rojava» (le Kurdistan de Syrie) et une délégation internationale conduite par l’envoyé du président américain Brett McGurk et comprenant des responsables militaires français et britanniques avaient bien abordé, à côté de la lutte contre Daech, la proposition d’établir un gouvernement fédéral en Syrie. Le 3, le Gouvernement régional du Kurdistan irakien (GRK), a par la voix du cabinet de Massoud Barzani exprimé son soutien à un système fédéral en Syrie, appelant les groupes kurdes à s’unir derrière ce projet. Cette prise de position est d’autant plus remarquable que, si la plupart des partis politiques du Kurdistan irakien reconnaissent l’administration autonome des «cantons» du Rojava établie par le PYD, ce n’est pas le cas du Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), dirigé précisément par Massoud Barzani, qui favorise les liens avec l’autre entité kurde de Syrie, le Conseil national kurde (KNC), bien moins présent sur le terrain, et dont les relations avec le PYD sont pour le moins tendues: si le PYD accuse le KNC de liens avec la Turquie, le KNC accuse le PYD de liens avec le régime de Damas. Celui-ci, sans surprise, s’est montré farouchement opposé à l’idée d’une «fédéralisation» du pays, qu’il considère comme le prélude à son démembrement néocolonial. Mais l’allié russe a montré sur ce point sa différence: le Vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riyabkov, a déclaré le 1er mars qu’il soutiendrait tout arrangement auquel parviendraient les Syriens, y compris une solution fédérale.

Si l’opposition syrienne « officielle », à dominante islamiste, soutenue par la Turquie et l’Arabie Saoudite, voit elle aussi dans le fédéralisme un danger de partition du pays, d’autres y voient à l’opposé la dernière chance de préserver l’unité de la Syrie. Dans le Huffington Post du 20 mars, David L. Phillips argumentait que la cause principale du conflit en Syrie avait été la concentration exclusive du pouvoir entre les mains d’une administration minoritaire dirigée par les Alaouites, et qu’une décentralisation pourrait contribuer à la paix et à la transition politique. Le PYD avait le 11 déclaré que ce qu’il demandait était une décentralisation, et que le nom qu’on lui donnait, fédéralisme ou autre chose, n’était pas important. Le 14, Sergueï Lavrov a défendu l’idée que c’était précisément pour préserver l’intégrité de la Syrie qu’il fallait que les Kurdes soient invités aux négociations: «S’ils sont exclus des négociations sur l’avenir de la Syrie, comment peut-on s’attendre à ce qu’ils veuillent demeurer dans cet État?».

A partir du milieu du mois, la situation a évolué rapidement sur les plans à la fois militaire et politique: le 15, Vladimir Poutine, prenant de court la plupart des observateurs, a annoncé le retrait d’une partie des forces russes de Syrie, un retrait qui a commencé effectivement quelques jours plus tard, et le 17, les Kurdes et leurs alliés arabes, chrétiens et turkmènes ont déclaré une région fédérale dans le nord de la Syrie. Un congrès organisé à Rumeilan par les Kurdes du PYD a annoncé qu'il allait établir une «Région fédérale» unifiant les trois cantons de l’administration du Rojava, d’est en ouest la Djéziré, Kobanê et Afrîn. Une assemblée élue de 31 membres a été chargée de jeter les bases de la nouvelle Région fédérale d’ici septembre prochain.

La Ligue arabe a rapidement dénoncé cette initiative: lors de sa session du 21 mars, son Vice-secrétaire général Ahmed ben Helli l’a qualifiée de «séparatiste», déclarant qu’elle mènerait à la division de la Syrie. Le régime de Damas a pris une position similaire, le ministre syrien des Affaires étrangères expliquant que la constitution actuelle de la Syrie excluait le fédéralisme, et que la nouvelle région était donc «illégale». Washington a de son côté déclaré qu’il ne reconnaîtrait pas la nouvelle région fédérale et que le futur système de gouvernement de la Syrie devait être discuté aux pourparlers organisés sous l’égide des Nations Unies… auxquels le PYD n’était toujours pas invité. Mais les États-Unis ont également déclaré vouloir poursuivre leur proche coopération avec les Kurdes dans la lutte contre les djihadistes de Daech.

Après ces divers refus, Rodi Osman, responsable de la Représentation de l’administration du Rojava à Moscou, a voulu distinguer la toute nouvelle région fédérale, modèle possible pour toute la Syrie, de l’administration autonome des territoires kurdes, déjà en place depuis décembre 2013. Il a également précisé qu’elle n’était pas un pas vers la partition et n’avait pas été créée sur une base ethnique mais territoriale: «Nous ne cherchons pas à créer un État pour un groupe ethnique particulier.», a-t-il expliqué, ajoutant qu’il s’agissait entre autres de mettre fin à la discrimination contre les minorités, incluant les chrétiens, le fédéralisme permettant une meilleure reconnaissance de la diversité de la population du pays.

Après les cinq ans de guerre civile qu’a connues le pays, il semble effectivement impossible d’en revenir au statu quo précédent, avec un pouvoir centralisateur et exclusif entre les mains du parti Ba’th.

Les opérations militaires n’ont pas cessé pour autant: le 26 du mois, le régime a repris à Daech la citadelle de Palmyre, et deux jours plus tard, le 28, c’est la ville elle-même dont les djihadistes ont été chassés. Le 31, les Kurdes de Syrie ont annoncé se préparer à mener une offensive sur la ville de Raqqa, «capitale» de Daech.

TURQUIE : RÉPRESSION CONTRE LA PRESSE ET LES UNIVERSITAIRES

Le samedi 5 mars, le quotidien Zaman, principal journal du pays avec 650 000 exemplaires, a été mis sous tutelle par les autorités. Très critique du gouvernement de M. Erdoğan, Zaman était considéré comme proche de l’imam Fetullah Gülen, exilé aux États-Unis et bête noire du président turc. Après avoir réussi à sortir in extremis une dernière édition «libre» avant que ses dirigeants ne soient limogés, le journal a affiché pour son édition du lendemain – qui selon ses journalistes n’a même pas été préparée par eux – une ligne éditoriale à l’unisson des journaux pro-gouverne­mentaux, montrant en «une» une photo du président turc… Pour conserver le contrôle des locaux, la police avait dû la veille disperser près de 500 protestataires à coups de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes. Cette reprise en main musclée a suscité des protestations de l’Union européenne, mais n’a eu aucune incidence sur la tenue de la réunion EU-Turquie du lundi 6 à Bruxelles pour discuter la question des migrants…

Les autorités ont poursuivi dès le 9 leur ligne autoritaire au niveau parlementaire, lorsque selon l’agence Anatolia, le Bureau du premier ministre a soumis au Parlement une motion demandant la levée de l'immunité des co-présidents du parti «pro-kurde» HDP, Selahattin Demirtaş et Figen Yüksekdağ et des députés Selma Irmak, Sirri Sureyya Onder et Ertugrul Kürkçü. Cette demande fait suite à une enquête du procureur général de Diyarbakir sur les discours de ces cinq députés lors d’une réunion de décembre d'un groupe affilié au HDP, où Demirtaş avait notamment déclaré que le HDP appuierait les appels à la formation de «régions autonomes démocratiques» au Kurdistan turc. Le Premier ministre Ahmet Davutoğlu avait justifié la possible levée de l'immunité des parlementaires HDP en raison du «soutien de ce parti au terrorisme». Cette motion, soutenue par l’AKP (au pouvoir) et les ultranationalistes du MHP, et rejetée par le CHP (kémaliste), doit obtenir une majorité des deux-tiers pour être adoptée (276 voix).

Le 10, Esra Mungan, Muzaffer Kaya et Kivanc Ersoy, trois universitaires signataires de la pétition demandant la paix dans le Sud-Est du pays, ont tenu une conférence de presse pour critiquer les pressions et les dizaines de licenciements subies depuis par les signataires et réitérer leur demande de fin des opérations militaires dans la région kurde. Le 13, apparemment rendu furieux par leur  audace, le Président Erdoğan a déclaré que la définition du terrorisme devrait être élargie pour y inclure les personnes soutenant celui-ci, comme les députés, les universitaires, les journalistes et les dirigeants de la société civile: «Les terroristes (a-t-il déclaré) ne sont pas seulement ceux [qui ont] des armes, mais aussi […] des stylos à la main.»… Le 16, les trois universitaires ont été inculpés de «propagande terroriste». Le tribunal a estimé que, n’ayant pas mentionné le PKK dans leur déclaration, ils étaient en accord implicite avec ses actions. Un enseignant britannique, venu assister à l’audience en soutien aux inculpés, a également été arrêté lorsque les policiers ont trouvé sur lui des invitations du HDP pour la fête kurde de Newrouz. Chris Stephenson a été inculpé à son tour de «propagande pour une organisation terroriste», et après 25 ans de résidence dans le pays, a été dès le lendemain déporté sans procès vers l’Angleterre, par une décision administrative, laissant derrière lui son épouse turque et leur fille de 13 ans.

Le 26, s’est ouvert le procès de Can Dündar et Erdem Gül, rédacteur en chef et journaliste de Cumhuriyet accusés tous deux de haute trahison et de tentative de coup d’Etat pour avoir publié un reportage montrant un convoi d’armes des services secrets turcs (MIT) aux rebelles islamistes de Syrie. M. Erdoğan, rendu furieux par le fait que de nombreux diplomates étrangers aient décidé d’y assister, a demandé en direct à la télévision: «Qu’est-ce que vous faites là?», déclarant que le rôle des consuls devait se limiter aux locaux de leur consulat…

Dans ce contexte de plus en plus autoritaire, l’AKP poursuit ses projets de modification de la constitution du pays pour donner davantage de pouvoir au président. Après que la commission parlementaire chargée de travailler sur cette question se soit séparée le mois dernier sans parvenir à aucun résultat, le CHP (opposition, kémaliste) en ayant claqué la porte, Mustafa Sen, conseiller principal du premier ministre Ahmet Davutoğlu, a déclaré que si cette commission constitutionnelle n’arrivait pas à faire ce travail, l’AKP commencerait à préparer lui-même un projet, sur lequel une décision pourrait alors être obtenue avant l'été. Plusieurs autres hauts responsables de l'AKP ont déclaré que les propositions du parti, qui aurait besoin du soutien de 14 membres de l'opposition du Parlement pour être soumis à un vote national, étaient déjà en cours de discussion. Les plans devraient permettre au président de dissoudre le parlement, ce qui mettrait également fin au mandat du président et déclencherait des élections législatives et présidentielles. Deux hauts responsables de l'AKP impliqués dans les délibérations ont déclaré que le président pourrait aussi légiférer par décrets sans devoir consulter le Parlement: «Le président dans notre proposition serait plus puissant que dans le système américain» a déclaré l'un des fonctionnaires, parlant sous condition d’anonymat. Le chef de l'État nommerait également le cabinet ainsi que certains hauts responsables comme les ambassadeurs et certains membres de la magistrature.

Ces orientations affichées par l’AKP font craindre à l’opposition l’avènement en Turquie d’un régime encore plus autoritaire si ce parti réussit à les imposer dans la nouvelle constitution: depuis que M. Erdoğan est devenu président, rappelle Reuters, plus de 1800 plaintes ont été déposées devant les tribunaux pour insulte au Chef de l’État, visant des étudiants, une ex-Miss Turquie, des journalistes, des universitaires…

BRUXELLES : UN ACCORD CONTROVERSÉ ENTRE EUROPE ET TURQUIE

Le 8 du mois, le Premier ministre turc Ahmet Davutoğlu a tenu dans les locaux du Conseil de l’Europe à Bruxelles des discussions avec les responsables européens, en particulier la chancelière allemande Angela Merkel et le premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante de l’Europe. Il s’agissait d’examiner la manière dont la Turquie pouvait aider à endiguer le flot de réfugiés se présentant aux portes de l’Europe. Lors d’une réunion préparatoire tenue le dimanche 6 au soir, la Turquie avait demandé que lui soit attribué davantage que les trois milliards d’euros proposés jusqu’à présent par l’Union Européenne. Une source a même évoqué une demande par Ankara de 20 milliards d’euros… Une cinquantaine de Kurdes se sont rassemblés non loin du lieu des discussions pour protester contre celles-ci, déclarant notamment que l’UE ne devait pas financer la Turquie, car «l’argent serait utilisé pour oppresser les Kurdes». Ces discussions coïncident en effet avec une vague de répression de la presse contraire aux valeurs européennes et avec de violentes opérations militaires menées par l’armée turque dans la région kurde du pays, qui ont causé la mort de nombreux civils.

Dix jours plus tard, le 18, un «deal»  entre Europe et Turquie a cependant été annoncé. Cet accord, immédiatement devenu objet de controverse, prévoit entre autres que seront renvoyés en Turquie tous les nouveaux migrants illégaux traversant depuis ce pays la Mer Égée pour gagner les îles grecques, dont certaines ne se trouvent qu’à quelques encablures des côtes turques. Dans le cadre de ce nouvel accord, tous les réfugiés arrivant sur les îles grecques devront être dûment enregistrés et toute demande d'asile sera traitée individuellement par les autorités grecques, conformément à la directive sur les procédures d'asile, en coopération avec le HCR. En contrepartie de la coopération de la Turquie, l'Union Européenne devrait également accélérer le versement à celle-ci des trois milliards d'euros précédemment promis pour aider à la gestion des réfugiés déjà sur le sol turc et y ajoutera trois autres milliards en 2018. L’Union assistera par ailleurs la Grèce à mettre sur pied une équipe de quelque 4 000 personnes, juges, interprètes et gardes-frontières, une décision individuelle devant être prise pour chaque réfugié…

Dès le 20, des milliers de Kurdes ont défilé pacifiquement à Hanover en Allemagne pour protester contre cet accord tout en fêtant le nouvel an kurde, Newroz. Présent à la manifestation, Dieter Dehm, député européen du parti Die Linke (la Gauche) a qualifié «l’accord Erdoğan-Merkel» de «honteux et mesquin»: «Il est en contradiction avec les Droits de l'homme et les droits syndicaux, et il se fait aussi sur le dos des intellectuels turcs persécutés par Erdoğan. L'Allemagne devrait tourner le dos à ce critique des Droits de l’homme et plutôt accueillir de tout son cœur ces Kurdes courageux qui défendent le droit à la liberté contre l’Etat islamique».

De leur côté, les parlementaires de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen ont publié le 15 un rapport très critique sur plusieurs points de l’accord EU-Turquie, reprenant en cela le document rédigé par la Rapporteure sur la Turquie du Parlement européen, la députée néerlandaise Kati Piri, après sa visite en Turquie de février dernier. Le communiqué de presse de la Commission déclare que la coopération UE-Turquie en matière de migration ne devrait pas être liée au processus de négociation d'adhésion à l'UE. Kati Piri a par ailleurs critiqué «la décision par l’UE de retarder le rapport de la Commission sur les progrès après les élections, ce qui donne l’impression que celle-ci a choisi de garder le silence sur les problèmes de droits fondamentaux en Turquie en échange de la coopération d’Ankara concernant les réfugiés».

Même si le rapport exprime des félicitations à la Turquie pour avoir accepté d'abriter la plus grande population de réfugiés au monde, et réitère que la Turquie est un partenaire stratégique de l'UE, les députés demandent des progrès dans le domaine de l'État de droit et des valeurs fondamentales ainsi qu'un dialogue politique plus structuré et fréquent sur les thèmes principaux. Mme Piri a notamment déclaré: «Non seulement le rythme global des réformes en Turquie a ralenti, mais dans certains domaines clés, tels que la liberté d'expression et l'indépendance du système judiciaire, on constate également une régression particulièrement inquiétante».

Les députés expriment également dans ce rapport leurs craintes «face à l'escalade de la violence dans le sud-est de la Turquie, une violence qui a entraîné le déplacement de près de 400 000 personnes dans le pays». Suite à la publication fin février sur sa page Facebook de son inquiétude face aux actions des forces de sécurité turques à Diyarbakir, où elle dénonçait de «très sérieuses violations des droits de l’homme» et alertait sur le danger d’une guerre civile en Turquie, la Rapporteure Kati Piri avait déjà été violemment  critiquée par les autorités turques, le Ministre turc des Affaires européennes, Volkan Bozkir, l’ayant notamment accusée d’avoir «perdu toute objectivité» et lui reprochant en particulier de «n’avoir pas caractérisé le PKK comme une organisation terroriste». Kati Piri a également demandé dans son rapport «la mise en place d’un processus permettant de contrôler que les trois milliards d’Euros attribués à la Turquie [dans le cadre de l’accord] seront bien utilisés pour les réfugiés.»

Les réactions négatives par rapport à cet accord se sont multipliées. Le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations Unies (HCR) a exprimé ses doutes, soulignant que les réfugiés avaient besoin de protection et non de rejet, et posant par ailleurs la question des moyens nécessaires à sa mise en œuvre dans de bonnes conditions pour les premiers concernés. Amnesty International a dénoncé une atteinte grave aux droits de l'homme, accusant Ankara de forcer illégalement chaque jour une centaine de réfugiés syriens à retourner dans leur pays, et indique craindre qu’une partie des réfugiés renvoyés de Grèce ne subisse le même sort. Médecins sans Frontières a décidé de mettre fin à sa présence dans plusieurs camps de réfugiés de Grèce, que l’accord transforme selon cette organisation en camps d’internement. L’ONG britannique Oxfam a accusé les dirigeants européens et turcs d'avoir «marchandé des êtres humains en échange de concessions politiques», faisant allusion à la reprise des pourparlers d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne et à la demande de libre circulation des citoyens turcs en Europe. Enfin, France Terre d'Asile a qualifié d’ «indigne» cet accord qui «autorise une forme d'expulsion collective allant à l'encontre du droit international».

D’autres critiques ont porté sur la justification que ses promoteurs donnent à l’accord: il permettrait de rendre impossible le «business» des passeurs. A ce propos, l’agence de presse IRIN (ex-agence de presse des Nations Unies) a publié le 10 mars un rapport dans lequel elle note que le problème de fond est en réalité qu’il n’existe plus aucune voie légale permettant aux civils syriens piégés par le conflit de quitter leur pays. Le rapport cite Gerry Simpson, chercheur de l’ONG Human Rights Watch (HRW): «La Jordanie, le Liban et la Turquie ont fermé hermétiquement leurs frontières avec la Syrie, ne laissant aux civils qui peuvent payer d’autre choix que celui des passeurs pour s’échapper […]». Selon le même rapport, citant une autre analyste, le gouvernement turc aurait autorisé courant mars ses gardes-frontière à ouvrir le feu sur les personnes tentant d’entrer en Turquie depuis la Syrie. Ege Seçkin, une analyste de risque de IHS Global Insight, un think-tank basé à Londres, a en effet déclaré: «Le raisonnement du gouvernement [turc] est très clair: ils  ne veulent pas que les militants kurdes fassent des allers-retours dans le contexte d'une insurrection à l'intérieur de la Turquie». L’installation par la Turquie de tranchées et de clôtures en certains points de la frontière syrienne ayant rendu le travail des passeurs beaucoup plus risqué, ceux-ci demandent donc des montants plus élevés: au total, les difficultés du passage illégal ne font guère qu’augmenter les prix.

Salih Muslim, co-président du PYD, parti kurde de Syrie, soulignant que la Turquie agit contre les intérêts des Kurdes, a déclaré qu’une meilleure solution aurait été que les pays européens assistent économiquement le Rojava (Kurdistan de Syrie) pour que les conditions de vie y deviennent meilleures pour les résidents et les réfugiés.

TURQUIE : LES GRAVES CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA VIOLENCE D’ETAT

Après la rupture des négociations de paix avec PKK, le gouvernement turc a choisi une ligne extrêmement dure: l’armée a été déployée dans la plupart des villes du Kurdistan de Turquie, pour y mener de véritables opérations de guerre sans aucune considération pour la sauvegarde de leurs résidents. Après deux ans de paix, le Kurdistan de Turquie sombre ainsi dans une violence de plus en plus meurtrière dont les civils sont les premières victimes. Des affrontements militaires comparables à ceux des années 90 sont de retour, mais pour les jeunes Kurdes qui ont grandi dans le souvenir de cette époque, le niveau de violence est encore plus élevé, car cette fois les combats se déroulent dans un cadre urbain densément peuplé – combat dont la bataille de Kobanê constitue le terrible modèle, avec pour résultat un champ de ruines inhabitable. La poursuite de telles opérations militaires et le refus par le gouvernement de toute solution négociée risquent de mener rapidement à des conséquences tragiques.

Par ailleurs, le président Erdoğan et son gouvernement AKP – qui ne fait plus guère qu’obéir aux injonctions de son chef – ont maintenant commencé à criminaliser toutes les voix qui appellent à faire taire les armes et tentent de défendre la possibilité de la paix. Sont visés les universitaires signataires d’une pétition critique, mais aussi le parti «pro-kurde» HDP et d’autres encore. Les tenants de cette politique ôtent ainsi progressivement leur crédibilité à toutes les tentatives pour trouver une alternative à la spirale de violence et mener une lutte politique plutôt que militaire. Ainsi le HDP est-il accusé de ne pas condamner le PKK, tout en étant mis dans l’impossibilité de protéger les citoyens contre les exactions des forces de «sécurité»…

M. Erdoğan est-il conscient que sa politique de guerre civile renforce la légitimité de la guérilla auprès de la population kurde de Turquie? En effet, le message envoyé en particulier à la jeunesse kurde du pays est que le processus de lutte politique légale pour les droits des Kurdes en Turquie est une voie sans issue. Celle-ci risque d’en tirer la conclusion que la seule réponse possible à une violence aussi extrême est une violence encore plus radicale…

A cet égard, l’attentat suicide qui a été perpétré le 13 du mois à Ankara dans un lieu extrêmement fréquenté et a fait 37 morts et plus de 120 blessés justifie de grandes inquiétudes. Il a été revendiqué trois jours plus tard par les «Faucons de la Liberté du Kurdistan» (TAK), un groupe qui avait déjà attaqué l’aéroport Sabiha Gökçen d’Istanbul en décembre 2015, puis le 19 février dernier des bus militaires à Ankara (attentat ayant fait 29 morts et 80 blessés). Cet attentat est d’un niveau de violence inédit dans l’histoire de la lutte des Kurdes de Turquie pour leurs droits: jusqu’à présent, les militants kurdes n’avaient pas pour habitude de mener des actions visant explicitement des civils et susceptibles de provoquer un nombre important de morts chez des non-combattants. Contrairement au PKK, auquel il est arrivé de publier des excuses, par exemple lorsque ses attaques contre une caserne ont provoqué il y a quelques mois la mort d’un bébé, le TAK revendique bombes et assassinats «sans aucune règle», et a déclaré après l’attentat de février vouloir «punir» les forces de sécurité pour les morts civiles qu’elles provoquent au Kurdistan. Le TAK déclare s’être séparé du PKK, qui de son côté affirme n’avoir aucun contrôle sur les actions de ce groupe dissident. Les services de renseignement turcs affirment quant à eux que le TAK est en fait un groupe accomplissant pour le PKK des actions que celui-ci ne veut pas revendiquer…

Quelle que soit la vérité, il faut souhaiter que ce type d’action ne devienne pas commun, car si ce devait être le cas, la Turquie serait en grand danger de s’enfoncer dans une spirale de vengeances et de contre-vengeances risquant de mener à une véritable guerre intercommunautaire à grande échelle, une situation qui ne s’est jamais produite jusqu’à présent malgré les décennies de conflit causées par la non-résolution de la «question kurde». Le gouvernement aurait alors initié un cycle infernal…

Le mois de mars est celui de la fête kurde traditionnelle de «Newrouz» (c’est-à-dire le «Nouvel An»), célébrée le 21. Mais cette année, les forces de sécurité turques ont poursuivi leurs opérations de guerre, et en particulier dans le quartier historique de Sur, à Diyarbakir, la plus grande ville kurde de Turquie, quartier dont une partie se trouve sous couvre-feu depuis le 2 décembre 2015. Selon le HDP, 25 citoyens y ont été tués depuis cette date, tandis que plusieurs anciens bâtiments historiques et religieux ont été détruits… Le 2 du mois, à l’appel de Selahattin Demirtaş, co-président du HDP, une manifestation de protestation contre ce couvre-feu ininterrompu s’est dirigée vers Sur. Des affrontements ont rapidement éclaté avec la police qui a utilisé canons à eau et gaz lacrymogènes pour interdire aux manifestants l’accès au quartier. Les procureurs ont ensuite lancé une enquête contre Demirtaş pour incitation à manifester. Le 13, le couvre-feu a été allégé dans une partie de Sur seulement, les habitants ayant été le matin à 8h00 autorisés à sortir de chez eux, mais quasiment simultanément des couvre-feux sur les villes de Yuksekova et Nusaybin ont été annoncés pour le soir même. Le 15, le quartier Kaynar Tepe du district Bağlar de Diyarbakir a été placé sous couvre-feu à 3 h du matin après que, selon les autorités, des militants du PKK aient commencé à y mettre en place des barricades, à y creuser des tranchées et placer des bombes. Des affrontements ont très vite commencé avec roquettes et armes automatiques.

A Cizre, le gouverneur de la province de cette ville, qui comptait près de 100 000 habitants avant le début des affrontements, a annoncé le 1er du mois que le couvre-feu sur cette ville serait à présent levé quotidiennement de 5h du matin à  19h30. Les milliers d’habitants qui avaient fui les combats se sont présentés en longues files d’attente aux points de contrôle installés aux entrées de la ville. Beaucoup ont été horrifiés de découvrir leur maison totalement détruite et leurs biens perdus dans les ruines. Certains ont commencé à rechercher les corps de proches. Seulement pour la journée du mercredi 2, cinq corps ont été retrouvés, dont deux dans des caves et trois dans un jardin…

Le 19, un nouvel attentat suicide a tué 4 personnes et en a blessé 36 autres à Istanbul, avec un mode opératoire rappelant celui du 12 janvier à Sultan Ahmet. Le Ministre de l’Intérieur turc, Efkan Ala, l’a attribué à Daech. Cet attentat a été condamné le lendemain par le PKK, qui a déclaré condamner le fait de viser des civils et réitéré son engagement à respecter dans sa propre lutte les conventions de Genève.

A la veille de Newrouz, le Ministre de l’Intérieur a déclaré que 200 000 membres des forces de sécurité maintiendraient la sécurité durant les célébrations, ajoutant que celles-ci avaient été interdites dans une grande partie de la Turquie en raison des risques d’attentats, notamment à Istanbul et dans plusieurs autres villes turques, mais autorisées dans 18 provinces [les provinces à majorité kurde du pays]. Le HDP avait cependant appelé à plusieurs défilés, notamment à Istanbul, où ils ont donné lieu à des affrontements avec la police. Celle-ci a empêché un représentant du HDP de faire une déclaration, avant d’utiliser gaz lacrymogène et balles en caoutchouc pour disperser des centaines de Kurdes. Plusieurs dizaines de personnes ont également été arrêtées dans le quartier de Bakirkoy. A Diyarbakir, où le couvre-feu avait été levé pour cette occasion dans le quartier de Kaynartepe, des milliers de participants se sont rassemblés. La police avait cependant quadrillé la ville, fouillant les voitures et faisant des contrôles d’identité.

Le 27 à Diyarbakir, en présence des co-présidents du DTK Hatip Dicle et Selma Irmak, du co-président du HDP Selahattin Demirtaş, de la co-porte-parole du HDK (Congrès démocratique du peuple) Gülistan Kılıç Koçyiğit et de députés du HDP, le Congrès extraordinaire du DTK (Congrès pour une Société démocratique) a débuté par une minute de silence en hommage à celles et ceux tombés dans la lutte pour la liberté et la démocratie. Selma Irmak a en particulier rendu hommage aux trois femmes membres du DTK tuées à Silopi ainsi qu’à Mehmet Tunc, tué à Cizre, avant d’affirmer que les Kurdes ne renonceraient pas à leurs droits et que l’usage des tanks et des bombes n’apporterait aucune solution à la question kurde mais ne ferait que produire davantage de sang. La co-porte-parole du HDK a ensuite appelé à une alliance entre tous les Kurdes, incluant notamment Massoud Barzani, qu’elle a par ailleurs critiqué pour avoir qualifié certains groupes kurdes de terroristes. Elle a ensuite exprimé son accord avec le KCK pour demander la libération du leader kurde du PKK Abdullah Öcalan.