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Bulletin N° 314 | Mai 2011

 

TURQUIE : UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE SANGLANTE POUR LES LÉGISLATIVES

La campagne électorale pour les législatives en Turquie n’a pas été des plus pacifiques, émaillée d’attentats, de manifestations meurtrières et d’accrochages entre l’armée et le PKK.

Ainsi, le 4 mai, à Diyarbakir, lors des funérailles de quatre combattants de la guerilla, un cortège de plusieurs milliers de Kurdes s’est heurté aux forces de l’ordre qui avaient tiré en l’air pour disperser la manifestation. Un véhicule de police a été pris à parti par la foule, trois policiers ont été frappés et un quatrième blessé à l’arme blanche.

Le lendemain, 5 mai, c’est la propre voiture du Premier Ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan, qui était visée par un attentat qui n’a pas été immédiatement revendiqué. Alors en pleine tournée électoral, le Premier Ministre a en effet essuyé des tirs au fusil-mitrailleur et à la grenade. L’embuscade s’est produite peu après que la voiture officielle a quitté la ville de Kastamonu (mer Noire). Même si le journal Taraf, relayé par les quotidiens Milliyet et Sabah, a affirmé que, selon les sources de la sécurité, l’attaque proviendrait d’un commando de six membres du PKK, aucune accusation précise n’a été lancée par les autorités, pourtant promptes, en général, à désigner le PKK comme auteur d’attentats, réels ou fictifs, sur le territoire turc. Cette fois, le Premier Ministre s’est contenté de mentionner vaguement des « affiliés à une organisation terroriste ». Il est à noter que cette région de la mer Noire n’est pas, habituellement, un théâtre d’opérations du PKK. Aussi, la police turque accuse des groupes d’extrême-gauche de relayer la guerilla kurde hors de son terrain. Cependant, la mer Noire est aussi le fief de l’extrême-droite turque et compte de nombreux sympathisants des Loups Gris (MHP).

Le même jour, le parti kurde (BDP) en campagne, réuni à Diyarbakir, a condamné les opérations militaires des derniers jours, les arrestations de plusieurs militants, et menacé de boycotter les élections. Le Premier Ministre turc a immédiatement réagi : « Le BDP cherche à atteindre ses objectifs avec le soutien des terroristes ».

Finalement, le 6 mai, l’attaque contre le convoi du Premier Minsitre a été revendiqué dans un communiqué du PKK, « en représailles à la terreur exercée par la police sur le peuple kurde (Firat News) » affirmant curieusement que la cible de l’attentat n’était ni le Premier Ministre, ni les civils, mais la police. Dans le même temps, le leader du PKK, Abdullah Öcalan a menacé, de sa prison : « "Soit un processus de négociations sérieuses commencera après le 15 juin, soit ce sera le début d'une grande guerre », mais comme ce n’est pas la première fois que ce genre d’ultimatum précède un prolongement de cessez-le-feu, la menace a peu ému la classe politique turque.

Par contre, l’éditorialiste Mehmet Ali Birand a estimé que la déclaration du BDP au sujet d’un éventuel boycott des élections était à prendre au sérieux : « La légitimité des élections serait en cause", et M. Erdogan serait très embarrassé, car il veut faire la démonstration d'une élection démocratique, à laquelle tout le monde participe. Mais les deux parties trouvent un peu leur compte dans cette tension sur la question kurde. Erdogan veut prendre des voix au MHP, donc il mène une politique nationaliste et s'en prend aux Kurdes accusés de menacer l'unité nationale. Quant au parti pro-kurde, "il montre ses muscles et fait la démonstration qu'il défend sa communauté » (AFP).

Les accrochages avec l’armée se sont poursuivis, avec deux membres du PKK abattus à Mardin, un policier tué et un autre grièvement blessé dans une attaque du mouvement kurde à Silopi le 7 mail. Le 13 mai, douze guerilleros kurdes étaient tués, alors qu’un commando tentait de franchir la frontière, à partir du Kurdistan d’Irak, près de Şirnak. Le 14 mai, un soldat turc était tué par une mine lors d’une opération de ratissage dans la montagne de Hakkari. Le 16 mai, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du Kurdistan de Turquie pour protester contre la mort de ces douze Kurdes, alors que des centaines de manifestants ont franchi la frontière avec le Kurdistan irakien pour récupérer les corps des combattants tués afin de les ramener à leurs familles. Les forces de sécurité sont intervenues et ont pu reprendre les quatre corps portés par les manifestants. À Diyarbakir, à Siirt, Istanbul et dans la province de Batman, plusieurs affrontements ont eu lieu avec les forces de l’ordre.

Le 23 mai, un autre attentat a été déjoué contre le Premier Ministre, toujours en tournée, cette fois dans les régions kurdes. Une bombe télécommandée contenant 36 kg d'explosifs a été en effet trouvée et désamorcée au pied d'un pont dans la province de Sirnak où Recep Tayyip Erdogan devait se rendre pour un discours électoral. Le 26 mai, un attentat à la bombe, cette fois à Istanbul, a fait huit blessés, dont deux grièvement. La bombe était placée sur un engin deux-roues et a explosé à 9 heures du matin, sous un pont, près d'un arrêt d'autobus, dans un quartier huppé de la rive européenne. « Une femme a eu un pied arraché par la déflagration et une autre souffre de brûlures du système respiratoire » (Agence Anatolie). Selon les services de sécurité, « le fait que l'explosion s'est produite à proximité d'une école de police laisse penser que l'attentat a peut-être visé la police. » Une fois encore, le Premier Ministre a laissé entendre que le PKK pouvait être à l’origine de l’attaque.

SYRIE : LES KURDES ENTRE ESPOIR DE CHANGEMENT ET CIRCONSPECTION

Tentant toujours de mettre fin, par la force ou les « gestes politiques » aux manifestations qui se déroulent en Syrie, le président Bachar Al-Assad a rétabli officiellement les quelques 300 000 Kurdes « apatrides » dans leur citoyenneté, le 2 mai. À cette annonce, les manifestations se sont arrêtées à Qamishlo et Amude, mais ont continué dans d’autres villes, comme Hassaké.

Certains estiment, en effet, que cette mesure n’est pas suffisante. Ainsi le chanteur kurde Omar Şan, originaire d’Afrin, a-t-il déclaré au site Aknews que la citoyenneté syrienne, accordée seule, ne signifiait rien : « Les Kurdes ont besoin de beaucoup d’autres choses, allant de l’électricité aux soins médicaux, qu’est-ce que cette « citoyenneté creuse » va leur apporter s’ils n’ont aucun droit ? La négligence du Conseil de Sécurité de l’ONU et des organisations des droits de l’homme concernant les droits du peuple kurde est regrettable. » De même l’activiste kurde Aras Yussuf juge que les Kurdes doivent voir tous leurs droits reconnus en tant que citoyens vivant en Syrie, indiquant que l’octroi de la nationalité n’est qu’une petite partie de ces droits. Sur l’arrêt des manifestations à Qamishlo et Amude, Aras Yussuf a également indiqué que tous les réseaux des téléphones mobiles et autres moyens de communication ayant été coupés, cela a pu mettre un frein aux rassemblements de rue.

Par ailleurs, même si l’accès à Internet est beaucoup plus restreint en Syrie que dans les autres États arabes, une résistance par Facebook et Tweetter existe cependant et les sites et organisations kurdes libres, que ce soit au Kurdistan d’Irak ou dans la diaspora relaie cette voix. Ainsi Kurdish Rights.org a-t-il interviewé un de ces tweeters anonymes, qui, du Kurdistan de Syrie, déjoue la censure et la surveillance sur le web pour poster régulièrement les dernières nouvelles des manifestations.

Sous le pseudonyme KurdishFreeMan ou bien celui de Rêber se cacherait un Kurde d’Alep, qui a refusé d’indiquer son âge et ses activités civiles par prudence. Il dresse un état des lieux des foyers d’agitation kurdes dans tout le pays. Selon Rêber, la ville qui connaît le moins de manifestations, que ce soit des Kurdes ou des Arabes, est Alep. En effet, depuis trente ans, cette ville est tenue d’une main de fer par les forces de sécurité et la population vit dans la terreur des milices d’État.

La ville la plus remuante est Qamishlo : 10 000 personnes ont ainsi participé à une manifestation organisée le 20 mai, lors du vendredi dit ‘Azadî’, de la liberté. À Amude, environ 8 000 ont participé à ce Vendredi de la Liberté à Koban, 5 000 ; dans de plus petits villes comme Serê Kaniyê et Derbassieh, les manifestants étaient environ 3 000. À Afrin, 150 personnes ont tenté de manifester mais ont été immédiatement encerclées par les forces de sécurité.

Sur l’attitude des Kurdes de Syrie devant les révoltes arabes syriennes, Rêber estime que les opinions sont partagées, les Kurdes attendant de voir comment les choses vont tourner. Étant politisés depuis des décennies en Syrie, et la plupart affiliés à des organisations, soit politiques, soit de défense des droits de l’homme, il leur est facile, en une journée, de mobiliser plusieurs milliers de personnes pour manifester dans les villes.

Mais les buts de la révolution syrienne laissent les Kurdes dans l’expectative, en tant que minorité ayant à se défier du monde arabe et aussi des islamistes. Interrogé par Aknews sur le fait que, pour la première fois, ces manifestants kurdes brandissaient le drapeau syrien et non celui du Kurdistan, Rêber répond que la question des Kurdes de Syrie « réside à Damas et doit être résolu seulement à Damas ; la constitution doit arbitrer cette question. Nous sommes en Syrie, pas au Kurdistan et notre problème a ses sources en Syrie. Je veux un gouvernement démocratique, je veux que la constitution reconnaisse qu’il y a des Kurdes en Syrie et leur donne leurs droits sociaux, culturels et politiques. Nous voulons des media libres et honnêtes. La protection des citoyens syriens doit être une priorité du gouvernement. Quant à la réponse jusqu’ici modérée du régime syrien envers les Kurdes, par rapport à la répression dans les villes arabes, elle a plusieurs raisons. D’abord, la propagande du régime selon laquelle les manifestants seraient des fondamentalistes islamistes ne peut s’appliquer aux Kurdes, qui, dans leur immense majorité, n’ont jamais versé dans l’intégrisme religieux. De plus, empêtré dans la répression des villes arabes, le gouvernement ne souhaite pas ouvrir un « second front » dans les villes kurdes. Enfin, la Syrie fait face à de lourdes pressions internationales et le fait que de nombreux Kurdes vivent de l’autre côté de ses frontières, que ce soit en Turquie ou en Irak, la dissuade d’ajouter d’autres afflux de réfugiés qui rencontreraient, cette fois, le soutien de compatriotes, en plus de celui des Kurdes vivant hors du Moyen-Orient.

Autre signe de cette « distance kurde » par rapport à l’opposition arabe, l’annonce du boycott, par les groupes d’opposants kurdes syriens de la réunion, à Antalya des principaux partis d’opposition syriens arabes, réunion « patronnée » par la Turquie, qui a commencé le 31 mai. Les buts affichés de ce rassemblement sont « d’unir les énergies » de tous les Syriens, quelles que soient leurs ethnies, appartenances religieuses ou opinions politiques, pour un changement démocratique. Les participants attendus allaient de figures majeures de la Déclaration de Damas, d’anciens parlementaires, des Frères musulmans et des représentants de l’association indépendante des industriels et des hommes d’affaires. Des activistes kurdes étaient attendus en individuels, mais les représentants des partis politiques kurdes syriens ont décliné l’invitation. En effet, ces derniers, dans une déclaration publiée dans le journal Asharq al-Awsat, ont annoncé, s’exprimant au nom de 12 partis politiques kurdes, leur intention de boycotter la réunion, en raison du lieu où elle se déroulait: « Toute réunion de ce genre, se tenant en Turquie, ne peut être qu’au détriment des Kurdes de Syrie, puisque la Turquie est contre les aspirations des Kurdes, pas seulement en ce qui concerne le Kurdistan du nord, mais toutes les parties du Kurdistan, dont celui de Syrie. » Le représentant du Parti de gauche kurde, Saleh Kado, a confirmé cette préoccupation, en disant que la Turquie a une attitude « négative » sur toute la question kurde en général, et qu’Ankara doit d’abord résoudre « le problème des 20 millions de Kurdes qui vivent sur son territoire avant de chercher à amener les partis kurdes syriens à s’accorder sur un projet unifié pour gérer les événements actuels de Syrie. »

Saleh Kado a ajouté que les Kurdes de Syrie ne faisaient pas confiance à la Turquie et à sa politique, et que, par conséquent, ils avaient décidé le boycott de ce sommet. Une autre raison invoquée a été la présence de Frères musulmans à cette rencontre. Les Kurdes, en effet, ont très peu de sympathies pour les mouvements religieux arabes, tant en raison de leur propre culture religieuse, éloignée de l’intégrisme, que parce que ces mouvements islamistes prônent une « arabisation » de la culture kurde, au nom d’une soumission à la langue du Coran. Autre raison de ce rejet, l’indifférence reprochée par les Kurdes des mouvements arabes concernant leurs revendications.

Ainsi, deux semaines avant la réunion, le Mouvement national des partis kurdes a mis au point son propre plan pour un changement démocratique et des réformes à tous niveaux, mais ce document a été complètement ignoré par l’opposition non kurde. Abdul Baqi Youssef, un des dirigeants du parti kurde Yekitî, a aussi confié au journal web Aknews ses doutes envers cette plate-forme, déclarant ne connaître aucun de ses organisateurs, qui n’ont jamais pris contact avec le mouvement kurde lors des préparatifs. Par ailleurs, le sommet d’Antalya n’a pas invité tous les partis kurdes mais seulement cinq d’entre eux : le Parti démocratique de Syrie, le Parti de la gauche kurde, le Part Azadî, le Mouvement du futur kurde, et le Parti démocratique progressiste kurde. Si bien que l’ensemble de ces partis invités ont préféré décliner, afin de ne pas « fragmenter » l’opposition kurde.

Cependant, certains partis kurdes désapprouvent ce boycott. Ainsi, le représentant du Mouvement du futur kurde, Mohammed Hako, juge cette absence au sommet une « énorme erreur » : « En tant que Kurdes, nous devons profiter de chaque occasion pour débattre de l’avenir de notre peuple et de la nation. Je suis contre le fait de boycotter un sommet qui aura tant de poids, surtout au regard de la situation critique et sensible de la Syrie aujourd’hui. » C’est pourquoi Muhammad Hammo a déclaré vouloir y assister, mais en son nom propre et non en celui de son parti.

KURDISTAN D’IRAK : DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE KURDOLOGIE À DUHOK

Du 1er au 3 mai 2011 s’est tenu à Duhok le 2ème Congrès international des Études kurdes, organisé conjointement par l’Institut kurde de Paris et l’université de Duhok. Ce congrès a rassemblé des kurdologues venus de tous les continents, travaillant sur l’histoire, la langue et la littérature kurdes. Le premier Congrès avait eu lieu à Erbil en 2006, avec, pour but, de faire un état des lieux de la kurdologie et des études kurdes dans les pays occidentaux, principalement la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, les pays scandinaves et les Etats-Unis. Mais la dernière décennie a vu se développer considérablement les études kurdes dans ces pays, où beaucoup de thèses de doctorats ont été menées avec succès sur les différents aspects de la question kurde, ou sur divers sujets portant sur l’histoire et la société kurdes.

De nouveaux thèmes de recherches, allant des déplacements forcés de populations aux nouvelles formes de relations entre ‘genres’ dans la société, des dynamiques d’urbanisation à la formation d’autorités municipales ont suscité l’intérêt des chercheurs, qui ont pu mener des recherches tant dans les archives que sur le terrain. Même s’il est impossible de donner un compte-rendu complet de toutes ces recherches nouvelles, il a paru cependant important que plusieurs porte-paroles viennent témoigner des nouvelles tendances de la recherche universitaire dans leurs pays respectifs.

Le second but de ce congrès était d’observer et d’analyser les effets de plusieurs programmes de recherche de haut niveau portant sur la langue et la littérature kurdes en Europe, mais aussi en Turquie. Alors que ces dix dernières années, plusieurs institutions, comme le Centre of Kurdish Studies de l’université d’Exeter (en Grande-Bretagne), l’université de Göttingen (en Allemagne) et l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (en France) ont poursuivi et intensifié leur programme d’enseignement, pour la première fois dans l’histoire de la république turque, trois universités ont ouvert des départements de langue et de littérature kurdes : Mardin, Mush et Hakkari.

Le congrès a permis aux différents spécialistes un échange autour de leurs méthodes pédagogiques, nécessaire à la consolidation de ces initiatives, et afin de renforcer leur qualité académique ; d’instaurer un début de coopération et d’échange entre les universités européennes, américaines, de Turquie et du Kurdistan d’Irak. À la séance d’ouverture du congrès étaient présents le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le professeur Dilawer Ala’adin, ainsi que le ministre de l’Éducation, Safeen Diyazee, et le ministre de la Culture, qui ont pris tour à tour la parole, ainsi que le président de l’université de Duhok, le Dr. Asmat M. Khalit et M. Kendal Nezan, le président de l’Institut kurde de Paris.

Le premier pannel portait d’abord sur l’historique des études kurdes au 20ème siècle, exposé par le professeur Joyce Blau (France), le professeur Abdul Fettah Botani, directeur du centre des Études et archives kurdes (Kurdistan d’Irak), suivis du professeur Celîlê Celîl (Autriche). Est venu ensuite un aperçu des études kurdes dans différents pays occidentaux, avec, pour la France, les interventions du professeur Hamit Bozarslan (Paris, EHESS), du philosophe Ephrem-Isa Youssif et Jean-Marie Pradier (université de Paris VIII). L’Allemagne était représentée par les Dr. Birgit Ammann (Fachochschule Potsdam, Berlin) et Khanna Omarkhali (université de Göttingen), l’Italie par le professeur Mirella Galletti (université de Naples), les Pays-Bas par le Dr. Michiel Leezenberg (université d’Amsterdam) ; les études kurdes en Scandinavie par Resho Zîlan (université d’Uppsala) ; la kurdologie dans les anciens pays de l’Ex-URSS par Knyaz Mirzoev (Université d’Alma Ata), les Etats-Unis par les Dr. Michael Gunter (Tennessee Technological University) et Janet Klein (University of Akron, Cleveland). L’aperçu des études kurdes au Moyen-Orient a porté sur la Syrie, avec le professeur Abdi Haji Muhammad (université de Duhok), la Turquie avec les professeurs Kadri Yildirim et Abdulrahman Adak (université de Mardin) ; enfin la kurdologie dans la Région du Kurdistan d’Irak a été présentée par le Dr Kamiran Berwari (université de Duhok).

Le deuxième jour était consacré aux ateliers de langue et de littérature, avec deux groupes de travail distincts. Le premier était intitulé « Langue et Linguistique ». Salih Akin (université de Rouen) est intervenu sur « La pratique du kurde dans la diaspora » et Birgit Ammann sur « l’identité kurde dans la diaspora ».Dans le second pannel de cet atelier, portant plus spécifiquement sur des questions de linguistique pure, Khosrow Abdollahi Madolkani (INALCO, Paris) s’est exprimé sur les deux types d’infinitifs du kurde, Baeiz Omer Ahmed sur les évolutions des dialectes locaux dans le Bahdinan.

Le pannel 3 était consacré au kurde en tant que langue de media, en retraçant et analysant le rôle des chaînes de télévision satellites dans le processus d’unification de la langue kurde, avec les interventions de Ruken Keskin (Kurd1), Abdul Rehman Kakil (Kurdistan TV), Hewar Ibrahim Hussain Shali (Kurdsat TV).

Le second atelier, portait sur des questions de littérature et d’histoire. Dans le premier pannel, « études litteraires », Sandrine Alexie (Institut kurde de Paris) a traité des problèmes de traduction en français de la littérature kurde classique et le professeur Muhammad Bakir Muhammad (Université de Duhok) du « Langage logique dans la poésie kurde ».

Le second panel était celui de la littérature orale, avec le professeur Celîlê Celîl pour parler du folklore kurde et Khanna Omarkhali pour un exposé sur les qewls (hymnes religieux) des yézidis. Le panel 3 était celui de l’histoire et de l’anthropologie, avec une intervention du Dr. Khalid Khayati sur la diaspora kurde de Suède.

Enfin le panel 4 réunissait des maisons d’édition en langue kurde, que ce soit en Turquie ou au Kurdistan d’Irak, comme Avesta, Aras, Doz.

Le Congrès a formulé un certain nombre de recommandations pour le développement des études kurdes. Un résumé de ces recommandations a été communiqué au Premier Ministre du Kurdistan, lors d’une réception qu’il a offert aux congressistes le 4 mai.

CULTURE : LANCEMENT DE l ‘ENCYCLOPÉDIE « BEDIRKHAN » À ERBIL

Le 16 mai, au Centre culturel français d’Erbil, a été annoncé le lancement d’un projet intitulé « Encyclopédie Bedir Khan », visant à collecter les archives et préserver l’héritage de la famille Bedir Khan, en raison de son rôle historique dans les liens forgés entre la France et les Kurdes à la chute de l’empire ottoman, et le rôle majeur de l’équipe franco-kurde qui collaborait autour de la revue Hawar, dans l’élaboration de la langue kurde et de son écriture en caractère latin, surnommé l’alhabet « Hawar ».

Dès la fin de l’empire ottoman l’activité de la dynastie des Bedir Khan, émirs du Botan, allie les revendications politiques de leur nation avec la promotion et le développement de la culture kurde. Le premier numéro du premier journal kurde, « Kurdistan », fut publié en Égypte, le 22 avril 1898, par un membre de cette famille, Miqdad Mithat, suivi de 31 numéros, et de nombreux autres ouvrages. Après la défaite, en 1840, de l’émir Bedir Khan du Botan contre les armées ottomanes, la plupart de ces princes furent envoyés en exil, ce qui leur permit de bénéficier d’une excellente éducation à l’étranger et d’être engagés dans les mouvements politiques et culturels des Kurdes à l’étranger.

La haute commission chargée de ce projet comprend six membres, dont Sînem Bedir Khan. La première réunion de cette commission, qui s’est tenue le 22 avril de cette année, a déjà recensé 3000 pages, 1000 photographies ou images et 46 livres traitant de la famille Bedir Khan. Un groupe d’écrivains et de journalistes vivant en Turquie est chargé de la recherche, dans les archives ottomanes, de tout ce qui a trait à l’histoire de la famille Bedir Khan. Une même recherche est faite en Syrie. L’encyclopédie devrait comprendre en 16 et 20 tomes, et son élaboration pourrait prendre environ trois ans.