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Bulletin N° 289 | Avril 2009

 
tags: DTP ; Elections Irak ; Kirgizstan ; Chrétiens assassinés ; Syrie ; ROJ TV ; Pétrole Bagdad

TURQUIE : ARRESTATIONS MASSIVES AU SEIN DU DTP

Près de cent personnes, en majorité membres du parti kurde DTP ont été arrêtées lors d’une vaste opération policière, conduite dans 90 endroits compris dans 13 villes de Turquie : Diyarbakır, Adana, Ankara, Aydın, Elazığ, Gaziantep, İstanbul, Mardin, Şanlıurfa, Şırnak, Bingöl et Hakkari. Selon les forces de l’ordre, ils sont accusés d’appartenance au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), ou bien d’apologie du mouvement ou d’être liés aux incendies de véhicules qui avaient eu lieu dans plusieurs villes, en guise de protestation.

Plusieurs figures politiques ou militantes ont été arrêtées dans le coup de filet policier: Seracettin Irmak, un avocat d’Öcalan, ou des responsables du DTP comme Kamuran Yüksek, Bayram Altun, Selma Irmak, ou faisant partie des équipes municipales du DTP de Tunceli ou de Diyarbakır. A Ankara, personne n’a été arrêté mais plusieurs raids ont été menés aux domiciles de membres du DTP, et des documents ont été saisis. Dans la capitale turque, des manifestations ont eu lieu pour soutenir le DTP.

Quelques jours après, le maire de Diyarbakir, Osman Baydemir, a été condamné par la 4ème chambre de la Haute Cour de Diyarbakir, ainsi que le maire nouvellement élu de Batman, Necdet Atalay, à 10 mois que prison pour « propagande en faveur du PKK. » Ces accusations se fondaient sur des faits remontant au 25 février 2008, quand l’armée turque avait lancé une opération militaire contre des bases du PKK situées au Kurdistan d’Irak, violant ainsi la frontière. Osman Baydemir, comme beaucoup d’élus du DTP, avait condamné l’incursion militaire et appelé à une résolution pacifique de la question kurde, en déclarant qu’aucun soldat ni aucun membre de la guérilla ne méritait de mourir. Pour avoir nommé les combattants du PKK « membres de la guérilla » et non « terroristes », il a été accusé de propagande en faveur du PKK et d’incitation au séparatisme. Ces deux maires ont remporté les récentes élections municipales en obtenant tous deux des résultats sans appel contre les candidats du parti de l’AKP, lequel était pourtant décidé à contrer l’influence du DTP dans les grandes villes kurdes : plus de 65% des voix pour Osman Baydemir Aucun des deux ne s’est présenté au tribunal, leurs avocats seuls étant présents. Ali Simsek, le président du DTP pour la province de Diyarbakir, comparaissait aussi devant un tribunal, pour un discours prononcé lors de funérailles d’un combattant du PKK, connu sous le nom de Zilan Amed. Il a été condamné à un an de prison pour propagande en faveur du PK, tandis que deux autres accusés étaient acquittés pour la même affaire.

Réagissant à ces arrestations et aux condamnations, le DTP y voit une riposte détournée du parti au gouvernement, lequel n’accepterait pas sa défaite électorale. Le chef de file des députés DTP au parlement, Ahmet Türk, a ainsi accusé l’AKP de vouloir écarter son parti du jeu démocratique : « De telles opérations et de telles pressions sont le signe d’une ère nouvelle, durant laquelle notre parti est repoussé en dehors du combat démocratique ? Mais tous doivent savoir que nous n’abandonnerons pas. ». Ahmet Türk a également suggéré que des « forces » en Turquie essayaient de faire basculer le pays dans une phase de violence, par de telles provocations. « S’ils persistent dans les affrontements, ce sera pire que par le passé. Si le navire coule, nous coulons tous.» Bien que les forces de sécurité affirment que l’opération policière était prévue « de longue date », des observateurs soulignent que le coup de filet survient peu après que le DTP ait appelé l’Etat turc à reconnaître le PKK comme interlocuteur pour résoudre enfin le conflit kurde. Les maires nouvellement élus s’étaient en effet réunis à Ankara pour discuter de la nouvelle ligne politique du parti. A l’issue de ce meeting, le DTP avait fait une déclaration dans laquelle il suggérait que le PKK et son leader, Abdullah Öcalan, emprisonné à Imrali, soient considérés comme interlocuteurs par la Turquie pour résoudre la question kurde, se refusant ainsi à céder aux recommandations de l’Union européenne et des Etats-Unis enjoignent fréquemment au DTP de se distancier du PKK. Jusqu’ici, le DTP s’est toujours refusé à qualifier le Parti des travailleurs du Kurdistan d’organisation terroriste. De plus, les responsables du DTP considèrent que leur campagne électorale, fondée sur l’identité et les revendications des Kurdes a été fructueuse. Cela peut expliquer la position ferme que semble avoir adopté le parti après les élections : « Le monde prendra le temps d’analyser les résultats des élections municipales. Nous ne changerons pas, mais le monde doit nous accepter tels que nous sommes. Notre parti pense que les élections municipales donneront une direction nouvelle à la politique en Turquie, et dans cette période nouvelle, la mission de notre parti sera plus importante que jamais » a ainsi déclaré un des responsables, avec une certaine emphase.

Cette position aux accents triomphalistes a été relayée par une déclaration officielle du PKK, qui voit dans ce succès électoral, la preuve que le conflit kurde ne peut être résolu sans le DTP, ni le PKK, et, bien sûr, Abdullah Öcalan. Un des résultats immédiats que pouvait attendre le DTP était, en plus des amendements réclamés à la loi anti-terroriste, très restrictive sur la liberté d’expression, l’abandon des procédures d’interdiction le concernant. Le DTP est en effet menacé de dissolution et 221 membres de ce parti encourent une peine d’inéligibilité. « Si nous prenons en considération le résultat des élections, nous ne pensons pas que le DTP pourra être interdit politiquement » a déclaré ce même responsable au journal Zaman. Aussi l’arrestation de ces membres élus du DTP a pu faire l’effet d’une douche froide, ou tout au moins ressembler à un démenti cinglant aux déclarations confiantes émises par le parti kurde. A moins que ce ne soit, comme c’est souvent le cas dans la politique louvoyante de l’AKP, un coup d’éclat spectaculaire et médiatique, destiné à assurer l’opinion publique et les cercles politiques nationalistes de la fermeté gouvernementale à l’égard des « terroristes », avant de s’apprêter, peut-être, à des démarches politiques plus conciliantes.

Le chef de file des députés du DTP au parlement turc, Ahmet Türk, a déclaré, de passage à Londres, lors d’une rencontre au Centre de la communauté kurde, que la Turquie avait atteint un stade où « elle se retirait dans sa propre coquille », en comparaison avec ces dernières années. Il a réfuté les prises de position de l’Union européenne, qui avait jugé que ce pays avait accompli des avancées notables en matière de démocratie. Il fait lui-même l’objet d’une enquête lancée par le procureur de Diyarbakir, après un discours qu’il a tenu dans cette même ville le mois dernier, dans lequel il avait comparé Abdullah Öcalan, le président du PKK, à Nelson Mandela (une comparaison qui est un lieu commun dans la mouvance de ce parti) en indiquant que le conflit racial en Afrique du sud avait pris fin avec la libération du leader de l’ANC, et que, de même, la question kurde pourrait être résolue par la libération d’Abdullah Öcalan. Il fallait s’attendre à ce que de tels propos fassent l’objet d’une enquête judiciaire, des prises de position bien plus anodines ayant déjà été condamnées comme « propagande terroriste et séparatiste ». La question de la levée de son immunité parlementaire doit être aussi examinée.

La réaction du DTP à ces arrestations a pris la forme, dans la nuit du 23 au 24 avril, d’un sit-in à l’intérieur du parlement turc, auquel ont participé les 21 députés de ce parti. Du côté des milieux réputés conservateurs et nationalistes, on observe les mêmes attitudes contrastées, entre déclarations intransigeantes vis-à-vis du PKK et des prises de position publiques inattendues, visant à briser les tabous de la république turque. Ainsi, le 14 avril, le chef de l’état-major turc, Ilker Başbuğ, qui prononçait son discours annuel à l’Académie de guerre, a créé un effet de surprise en revenant sur le credo kémaliste du « peuple turc » unique composante de la république de Turquie (hormis les minorités religieuses, chrétiens et juifs, toujours désignées officiellement comme « étrangers de l’intérieur » ou « citoyen turc de nationalité étrangère »).

Le général a ainsi prôné des aménagements à la citoyenneté turque, déjà recommandés par Baskin Oran et Ibrahim Kaboğlu en 2006, dans le rapport sur les minorités que leur avait commandé le gouvernement AKP, mais qui leur avait valu d’être traînés en justice, avant d’être finalement acquittés : Türkiyeli (de Turquie) et non plus « Turcs » pourrait désigner des citoyens non turcs qui ne sont pas mentionnés comme minorités par le traité de Lausanne. Niant, de façon paradoxale, le caractère « ethnique » du conflit kurde, niant aussi la politique d’assimilation de l’Etat, il recommande que la spécificité de l’identité kurde soit officiellement reconnue, n’hésitant pas à invoquer les mânes d’Atatürk pour appuyer ses dires : « «Laissez-moi vous rappeler qu’Atatürk a dit : c’est le peuple de Turquie –Türk Halkı- qui a fondé la République de Turquie. Si vous dites que ce sont les Turcs -Türkler-, cette considération perd de son sens profond. Qui a fondé la République de Turquie ? Le peuple de Turquie. Atatürk désigne ici tous les éléments de la nation. Sans distinction ethnique ou religieuse. S’il avait utilisé le mot «Turc» au lieu de «peuple de Turquie», il y aurait eu une distinction ethnique.» D’aucuns pensent aussi que l’effet-choc de ce discours avait aussi pour but de détourner l’attention du public sur l’affaire Ergenekon qui secoue les milieux proches de l’armée.

IRAK : PERIODE POST-ELECTORALE DIFFICILE

Les tensions entre le gouvernement de la Région du Kurdistan et celui de Bagdad ne se sont pas apaisées, loin de là, après les élections des conseils provinciaux. De plus, la question de Kirkouk reste toujours en suspens, dans l’attente incertaine d’élections reportées indéfiniment, voire annulées, et la publication d’un rapport de l’ONU qui doit proposer des solutions alternatives au référendum prévu par la constitution irakienne. Les solutions les plus probables qu’a à proposer l’ONU sont de donner un statut « spécial » à Kirkouk, pour une durée de 10 ans. Ce statut prévoirait un « haut degré d’autonomie » à la province, mais sans lui donner le droit de rejoindre la Région du Kurdistan, et son financement dépendrait toujours du gouvernement central. Les Kurdes n’y voient ainsi qu’une façon de reporter à une date hypothétique la question de Kirkouk et d’évincer l’influence et la présence des forces de sécurité kurdes dans la région, ce qui rentre précisément dans les ambitions du Premier ministre irakien actuel, le chiite Nouri al-Maliki. Ainsi, le 26 mars dernier, des troupes de la 12ème division de l’armée irakienne, majoritairement arabes, se sont déployées sur les routes autour de la capitale provinciale, cherchant, selon les Peshmergas et les services de renseignements kurdes, à les contraindre à abandonner la ville. La réaction de Massoud Barzani ne s’était pas faire attendre et dès le 30 mars, il réclamait une fois de plus la tenue du référendum, tandis qu’une délégation de leaders kurdes, venus de Kirkouk, appuyaient cette demande. Le président de l’Irak lui-même, le Kurde Jalal Talabani avait déclaré, le 1er avril, que l’article 140 faisait partie de la constitution et que « personne n’y pouvait rien changer. »

Dans les provinces de Ninive, Sindjar et de la Diyala, où les élections ont pu se dérouler, le climat politique s’est également envenimé. Ces districts ayant massivement voté pour la Fraternité kurde alliée à des partis chrétiens et yézidis, beaucoup considèrent que les résultats de ce scrutin valent pour un référendum. Ainsi, des centaines de Kurdes, habitant surtout les villes de Sheikhan et de Sindjar (peuplées majoritairement de yézidis mais aussi de chrétiens et de Kurdes musulmans) ont défilé dans les rues de Mossoul, en réclamant leur rattachement à la Région du Kurdistan. La liste nationaliste arabe l’ayant emporté à Mossoul, après, il faut le dire, une épuration ethnique et religieuse qui, en quelques années, a vidé la ville de la majeure partie de ses Kurdes et de ses chrétiens, les composantes non arabes et non musulmanes de la province se plaignent à présent d’une sous-représentation dans l’administration du conseil provincial, dominé par les nationalistes et des partis islamistes qui auraient accaparé les fonctions dirigeantes. Avant les élections de 2009, les Kurdes avaient largement dominé les conseils provinciaux, en raison du boycott sunnite de 2005. Mais depuis le 31 janvier, la liste Al-Hadba détient 19 sièges sur 37 au conseil provincial de Ninive-Mossoul, contre 12 pour la liste kurde Fraternité.

« Nous venons en seconde position pour le nombre des sièges et nous méritons d’occuper des fonctions dans l’exécutif, explique Darman Khatari, le porte-parole de la liste Fraternité. Mais les élus du parti vainqueur al-Hadba ont rejeté ces demandes, qu’ils ont qualifiées de « déraisonnables. » Aussi, plusieurs responsables politiques kurdes locaux ont-ils appelé au boycott du conseil, en se retirant à l’issue de la première session. Hissou Narmo, le maire du district de Sheikhan, a déclaré à la presse kurde d’Erbil : « Nous, les représentants des trois districts, avons décidé de boycotter le conseil provincial de Ninive ; cela sera suivi d’autres mesures, dont la soumission d’un mémorandum aux trois membres du conseil de présidence à Bagdad. Si nos demandes ne sont pas entendues, nous soumettrons un mémorandum au parlement kurde (d’Erbil) demandant notre annexion par la Région kurde. » Quelques heures après cette annonce, Qassim Dakheel, le maire de Sindjar, district qui compte environ 70% de yézidis, a déclaré à l’AFP : « La liste Al-Hadhba (nationaliste arabe) a pris toutes les positions administratives importantes et écarté le reste des listes, surtout celle de la Fraternité (kurde). Ce qui se passe est une injustice et une marginalisation, ainsi qu’un retour au parti unique. Le boycott résulte d’une pression populaire, venant des habitants du district, qui sont descendus dans la rue pour réclamer que le nouveau conseil de Ninive soit boycotté. Les manifestants ont aussi appelé à la transformation de leur district en un gouvernorat indépendant, qui ferait partie du Kurdistan. » Le maire yézidi de Sindjar a affirmé qu’il ne reconnaissait plus l’autorité de Mossoul mais reconnaissait celle de Massoud Barzani, le président du Gouvernement régional du Kurdistan, et que Sindjar resterait détaché de Mossoul aussi longtemps qu’Al-Nujaifi en serait gouverneur.

Pour sa part, Atheel al-Nujaifi, le gouverneur sunnite nouvellement élu de Mossoul a rejeté ces allégations, qu’il voit comme un refus de sa victoire électorale : « Un tel comportement, de la part de ces petits leaders kurdes, n’est pas en accord ave les grands leaders kurdes. La constitution irakienne est la loi et elle dit que Sindjar dépend de Mossoul », rétorque-t-il, en oubliant cependant que l’article 140 de cette même constitution nomme justement Sindjar comme un des districts ayant vocation à se prononcer par référendum sur son rattachement à la Région du Kurdistan. Al-Nujaifi a aussi qualifié ce boycott d’illégal : « Ce sont des employés administratifs sous l’autorité de la province de Ninive... Les gouverneurs de ces trois districts ne sont qu’une équipe administrative de l’Etat irakien, ils n’ont pas le droit de politiser leurs fonctions et leur pouvoir de façon partisane ou pour les intérêts d’un parti spécifique. Leur devoir est de calmer les choses, afin d’appliquer la loi et d’entamer un dialogue avec les responsables officiels » Insistant pour que les absents réintègrent le conseil provincial, le nouveau gouverneur de Mossoul les a également menacés d’être personnellement radiés de ce conseil, mais en ajoutant que cette radiation, purement personnelle, ne s’appliquait pas à la liste Fraternité en elle-même. De l’avis d’un avocat arabe sunnite, appartenant au parti nationaliste, ces désaccords sont inquiétants, par leur précocité à émerger après les élections : « Ce n’est qu’un début. Nous pouvons nous attendre à ce que cela empire. »

De fait, à Zummar, l’une des 16 villes à majorité kurde qui ont rejoint le mouvement de boycott, une attaque suicide à la voiture piégée a eu lieu contre un check-point surveillé par des peshmergas, tandis qu’un commandant de ces mêmes forces échappait, à un autre endroit, à un attentat, également à la voiture piégée. «La situation va devenir plus tendue s’il n’y a pas d’accord politique », estime Ahmed Qassim, âgé de 35 ans, un boutiquer arabe de la ville. Il y a des groupes armés, comme al-Qaïda, qui vont essayer d’exploiter ces disputes. Il va y avoir bientôt d’autres explosions, dans des zones arabes, en riposte aux bombes qui ont explosé aujourd’hui à Zummar. »

Dans la province de Diyala, qui comprend des districts kurdes rattachés arbitrairement par Saddam Hussein à une province arabe, les tensions n’ont pas faibli depuis l’été dernier, notamment entre les forces kurdes et irakiennes et les élections, là aussi, semblent avoir empiré les choses. Des soldats américains ont même été appelés pour escorter des membres du conseil provincial après que la police irakienne ait tenté d’investir le bâtiment, en affirmant que des mandats d’arrêt avaient été délivrés envers quelques-uns des membres du nouveau conseil. Un gouverneur a tout de même pu être élu mais là encore, beaucoup d’élus ont finalement appelé au boycott.

Dans le reste de l’Irak, des désaccords graves se font sentir également. Ainsi, dans la province de Wasit, à majorité chiite, toutes les factions politiques ont décidé de boycotter la dernière réunion du conseil, qui devait élire un gouverneur, alors que la veille, des manifestations de rue ont protesté contre le principal candidat en lice. A Basra, le Premier ministre Nouri Al-Maliki a dû intervenir personnellement pour arbitrer des querelles au sein de sa propre coalition, concernant également l’élection d’un gouverneur.

SYRIE : LOURDES CONDAMNATIONS POUR PLUSIEURS MILITANTS KURDES

Le 5 avril, à Damas, la Haute Cour de sûreté de l'Etat a condamné dimanche douze personnes, dont cinq Kurdes et une femme, à des peines allant de cinq à quinze ans de prison, comme l’a annoncé l'Organisation nationale des droits de l'Homme de Syrie (ONDHS). Le plus lourdement condamné, Jamal Abdel-Wahab Hafez, était accusé d’avoir commis « des actes non autorisés par l'Etat et avoir pris contact avec l'ennemi ». Rasmi Mohammad Bakr, Ahmad Maasoum, Mouaouia Qatranji, et Mirvat Mohammad Midani ont été condamnés à huit ans d'emprisonnement, Ahmad al-Atrache et Ali Arslane à cinq ans de prison pour « des actes de violence contre la sécurité publique et pour avoir hébergé des personnes ayant commis des actes de violence. » Les cinq Kurdes étaient tous membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ils ont été également reconnus d’avoir « tenté par des actes, des plans ou des écrits d'amputer une partie du territoire syrien pour l'annexer à un pays étranger. Ezzat Abdel Hanane Horo, Khalil Sido, Wahid Rachid Horo, ont été condamnés à huit ans de prison, Adnane Ali Hussein et Hussein Salim Mohammad à sept ans.

Le président de l'ONDHS, Ammar Qorabi, a dénoncé ces « jugements arbitraires et sans appel ». Il a aussi appelé la Syrie à supprimer la Haute-Cour de Sûreté, qui n’est qu’un tribunal d’exception, et à libérer tous les prisonniers d’opinion que ce tribunal a fait condamner. Il a exprimé sa « profonde inquiétude » et appelé les autorités syriennes à « supprimer la Haute Cour de sûreté de l'Etat et à libérer tous les détenus politiques condamnés par ce tribunal. »

Quelques jours auparavant, le 30 mars, la même cour avait condamné quatre Kurdes pour « appartenance à un groupe politique interdit qui vise à amputer une partie du territoire syrien pour l'annexer à un Etat étranger. » Jihad Saleh Abdo (42 ans) et Abdel Qader Ben Sido Ahmad (35 ans), également accusés d'avoir « affaibli le sentiment national et incité à des dissensions raciales » ont écopé de cinq ans de prison. Saleh ben Mohammad Abdo (32 ans) et Hussein ben Hamid Mohammad (29 ans) ont été condamnés à quatre ans d'emprisonnement. Tous étaient membres du parti kurde Azadî (Liberté) interdit en Syrie. Ils avaient été arrêtés en septembre 2007 à Afrin, une ville kurde comprise dans le gouvernorat d’Alep et emprisonné à Damas, dans la prison de Saïdnaya, qui vient récemment d’être agitée par des révoltes de détenus. Comme la majeure partie des prisonniers condamnés par ce tribunal échouent dans ce centre d’incarcération, les activités de la Haute Cour avaient été suspendues pendant sept mois. . Le président de la Ligue syrienne des droits de l’homme, Abdel Karim Rihaoui, a lui aussi réclamé la supression de ce tribunal : « La Haute cour de sûreté de l'Etat qui ne permet pas aux détenus de faire appel, représente une violation du droit à un procès juste. Nous appelons le gouvernement syrien à sa suppression, à l'annulation de tous ses jugements et à prendre des mesures rapides pour faire respecter tous les droits. » (source AFP).

KIRGIZSTAN : EMEUTES ANTI-KURDES A L’INSTIGATION DE L’OPPOSITON POLITIQUE

Depuis la fin des années 1980, les quelques 8 000 Kurdes vivant au Kirghizstan, ainsi qu’au Tadjikistan, en Ouzbekistan et au Kazakhstan, à la suite des déplacements forcés de population imposés par les soviets de Géorgie et d’Azerbaïdjan dans les années 1930 et 1940, sont régulièrement la cible d’actes d’hostilité de la part des nationalistes locaux. Près de 30.000 Kurdes vivent au Kirgizstan après leur déportation par Staline en 1937 et 1944.

Ce mois-ci, les Kurdes de Petrovka, une ville à 40 kilomètres de la capitale kirghize Bishkek, ont eu à faire face à des émeutes qui ont ravagé et pillé leurs habitations. Peuplée de Russes, d’Ukrainiens, de Kirghizes, la ville accueille, depuis les années 1990 une centaine de Kurdes. Les autorités kirghizes affirment que la situation est maintenant sous leur contrôle, mais une radio locale indépendante a sommé tous les habitants kurdes de la région, de quitter les lieux sous 24 heures. « Plusieurs centaines de résidents ont détruit des habitations kurdes. Près de vingt maisons ont été touchés dans plusieurs rues et une dizaine de voitures détruites », a déclaré l’adjoint du ministre de l’Intérieur Talantbek Isayev à la presse. Plus de cent émeutiers ont été arrêtés, dont la moitié relâchée assez rapidement. Ils affirment qu’ils voulaient « venger » le viol d’une fillette de 4 ans par un Kurde. Près de 200 Russes et Kirghizes de Petrovka ont ainsi réclamé l’expulsion des Kurdes, selon la radio Azatyk, qui a aussi fait état de deux personnes blessées par balles par des Kurdes tirant sur les émeutiers.

Les autorités kirghizes enquêtent à présent afin de déterminer si les incidents ont pour origine une « haine ethnique, raciale ou interrégionale » et le procureur de la région a lancé des poursuites pour « incitation à la haine raciale » a indiqué le porte-parole du ministre de l’Intérieur, bien que des officiels aient auparavant catégoriquement nié tout caractère ethnique au conflit. La thèse d’origine qui motivait ces émeutes par le viol d’une fillette de 4 ans par un Kurde, initialement avancée par le ministre de l’Intérieur, a été démentie finalement par les enquêteurs, qui ont indiqué qu’aucun cas de viol n’a été enregistré dans la région et que cette rumeur semble avoir été lancée par un groupe politique proche du leader de l’opposition, candidat aux présidentielles, Almazbek Atambayev, dans un discours qu’il aurait lui-même tenu aux manifestants, dans la ville de Petrovka, afin de stigmatiser les autorités locales et la gestion sécuritaire du pouvoir en place : « Nos enfants sont violés et la police reporte le blâme sur l’opposition » a déclaré Atambayev à la presse, persistant dans ses allégations. Almazbek Atambayev est considéré comme le principal rival du président en place, Kurmanbek Bakiyev, pour les élections qui doivent avoir lieu en juillet.

L’opposition ne relâche donc pas sa pression politique en prenant les Kurdes pour cible. La police a dû disperser quelques jours plus tard près de 500 personnes qui bloquaient l’autoroute de Bishkek-Osh, reliant le nord et le sud du pays. Les manifestants demandaient à nouveau l’expulsion des Kurdes. Cette affaire rappelle les émeutes antikurdes qui avaient secoué le Kazakhstan en janvier dernier, et qui avaient eu pour point de départ, ou prétexte, les mêmes allégations, ou rumeurs d’agressions sexuelles sur enfant. Un adolescent kurde avait été accusé d’agression sexuelle sur un jeune garçon kazakh. Des groupes de représailles s’en étaient alors pris de même à des maisons kurdes, qui avaient été incendiées, et leurs habitants molestés. La violence s’était ensuite étendue à toute la région habitée par les Kurdes.

IRAK : TROIS CHRETIENS ASSASSINES A KIRKOUK

Alors que la fin de l’année 2008 avait été endeuillée par de nombreuses exactions contre les chrétiens de Mossoul, les violences semblent gagner Kirkouk, où trois chrétiens ont été assassinés à la veille de Pâques, comme le déplore l’archevêque de la ville, Louis Sako. Selon lui, il est clair que ces meurtres ont été prémédités et ont probablement pour raison-clef la volonté de faire partir les chrétiens. »

Susan Latif David et sa belle-mère, Muna Banna David, ont été exécutées par un groupe d’hommes armés, qui ont pénétré à leur domicile dans le quartier Domiz de Kirkouk. Elles appartenaient toutes deux à l’église chaldéenne catholique. Susan David avait récemment épousé un restaurateur dont l’établissement est situé près de la cathédrale.

Dans une autre partie de la ville, Basil Shaba, appartenant lui à l’église syriaque orthodoxe, a été tué dans une attaque similaire. Son frère, Thamir, et son père, Yousif, ont été blessés. L’archevêque de Kirkouk indique que tous les leaders de la ville, quelle que soit leur confession, ont été choqués et attristés par ces meurtres. Beaucoup d’entre eux, dont le maire de la ville et des sheikhs de tribus ont assisté aux funérailles : « Les gens pleuraient. Nous sommes tous tristes. Nous espérons seulement que le sang des martyrs nous apportera un jour la paix et la stabilité. » L

e chef de la police de Kirkouk a assuré au prélat qu’il ferait tout son possible pour retrouver et arrêter les coupables. Selon des responsables kurdes, la similitude de ces attaques avec celles de Mossoul indiquerait une tentative, de la part des groupes nationalistes ou islamistes d’investir la ville, comme cela a été le cas pour Mossoul, les chrétiens étant les premières victimes de ces nettoyages ethniques ou religieux. Louis Sako pense aussi que l’incertitude qui pèse sur le sort de Kirkouk, entre un rattachement possible de la province à la Région du Kurdistan, ou bien à son maintien sous l’autorité de Bagdad développe un climat de tension propice à ce genre d’exactions. Par ailleurs, une pétition circule, initiée par des groupes pro-kurdes, demandant l’annexion immédiate de Kirkouk à la Région du Kurdistan, ce qui irrite les membres d’autres mouvements politiques. Les instigateurs de cette campagne de signatures ont indiqué avoir récolté près de 80 000 noms parmi les habitants de Kirkouk, kurdes, arabes, assyriens et turkmènes.

DANEMARK : ROJ TV AU CENTRE DES RELATIONS TURCO-DANOISES

Les relations entre le Danemark et la Turquie ont connu quelques frictions, ayant pour origine la présence sur le sol danois de la télévision kurde Roj TV, proche du PKK, dont la Turquie réclame la fermeture depuis des années, sans succès, malgré les nombreuses plaintes officiellement déposées par son ambassade à Copenhague, auprès des autorités. Par trois fois, le Conseil de l'audiovisuel du Danemark a rejeté les demandes d'interdiction. La nomination de l’ancien Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen à la tête de l'OTAN, avait ainsi été retardée, voire bloquée, par les réticences officielles de la Turquie.

Selon des journaux turcs, le consentement final donné par Ankara aurait eu, pour contrepartie, l’interdiction prochaine de Roj TV d’émettre à partir du Danemark, ce qu’elle fait depuis 2003 Aussi, à quelques jours du sommet de l’OTAN du 3 et 4 avril, trois procureurs danois ont été envoyés à Ankara pour enquêter sur la télévision kurde et d’établir la « véracité » des liens entre la chaîne et le PKK, même si le Danemark affirme par ailleurs que cela n’a « aucun lien avec la question de l'Otan ».

Mais dans une interview donnée le même mois par le Premier ministre turc, le lien est clairement évoqué entre les réticences turques sur la nomination de Rasmussen et la présence de Roj TV au Danemark. Recep Tayyip Erdogan a raconté avoir téléphoné plusieurs fois à ce dernier, alors qu’il était lui-même chef du gouvernement, en demandant la fermeture de Roj TV : « Cela fait quatre ans, et ils n'ont pas réglé le problème. » Autre motif invoqué, l’attitude du Danemark lors de l’affaire des caricatures de Mahomet. Selon le Premier ministre turc, la nationalité du futur directeur de l’OTAN « contrarierait les sentiments des musulmans. » Mais la Turquie n’a pas déposé de veto, comme l’a indiqué, de façon plus apaisée, le président turc Abdullah Gul : « Nous n'avons pas de position particulière contre le Premier ministre ou tout autre, de ce point de vue. » Abdullah Gul a aussi qualifié l’ex-Premier ministre danois d’un des « des Premiers ministres les plus importants et l'un de ceux qui ont eu le plus de réussite », soufflant ainsi le chaud et le froid en duo avec Recep Tayyip Erdogan, de l’avis des diplomates. Finalement, la Turquie a mis fin à ses réserves et accepté la candidature de Rasmussen. Plusieurs journaux turcs ont alors évoqué un possible accord entre les deux pays pour mettre fin aux émissions de Roj TV.

Depuis 2005, une enquête est officiellement en cours au Danemark, pour déterminer si les accusations turques envers la chaîne kurde sont fondées. Mais le procureur chargée de l’enquête, Liselotte Nilas nie toute tractation à ce sujet entre les deux Etats : « L'enquête est de notre ressort, c'est à nous de prendre la décision. » Le directeur de Roj TV pour le Danemark, Yilmaz Imdat, a aussi déclaré à la presse : « Nous ne fermerons pas parce que la Turquie l'exige, ce n'est pas la Turquie qui décide au Danemark. Nous vivons dans des pays démocratiques qui respectent la liberté d'expression et la liberté de la presse. On ne peut pas faire comme en Turquie et fermer une chaîne de télévision ou une radio parce qu'on ne les aime pas. ».

IRAK : BAGDAD PENALISE DES FIRMES COREENNES POUR DES CONTRATS PASSES AVEC LE GOUVERNEMENT REGIONAL DU KURDISTAN

Le ministre du Pétrole irakien a pénalisé deux sociétés pétrolières sud-coréennes pour avoir signé des contrats d’un milliard de dollars chacune avec le Gouvernement régional. Hussein al-Shahristani aurait signifié à l’ambassadeur coréen Ha Tae-yun que la Korea National Oil Corp (KNOC), et la SK Energy ne seraient pas autorisés à participer à des appels d’offres, parce qu’elles avaient signé des contrats avec Erbil : « La signature de ces contrats est contre la loi irakienne et sa constitution » a affirmé le ministre à l’ambassadeur. « Pour cette raison, ces deux sociétés ne pourront participer aux appels d’offre. Mais si elles annulent leurs contrats, elles pourront être acceptées pour les appels d’offre à venir. »

L’accord passé avec le Kurdistan et les grands groupes de raffinerie KNOC et SK Energy, les plus importants en Corée du sud, concerne huit gisements de pétrole situés près d’Erbil. Les deux sociétés ont déjà été assurées d’obtenir 2 milliards de barils en échange d’investissements pour les infrastructures au Kurdistan, d’un montant de 2.1 milliards de dollars. Mais le désaccord avec le ministre irakien vient de ce que le contrat, pas plus que les autres accords d’exploitation signés entre le gouvernement kurde et des sociétés étrangères, n’a pas été approuvé par Bagdad.

Depuis quelques années, et surtout sous l’impulsion de Hussein Al-Sharistani, dont les relations avec les Kurdes sont détestables, un bras de fer se joue – ou tente de se jouer- entre la capitale irakienne et Erbil, pour que le gouvernement central ait le contrôle total sur ces accords. La question du partage des revenus pétroliers et du budget alloué par l’Irak à la Région kurde est également dépendante de ces conflits d’autorité. Bagdad entend, comme par le passé, avoir le contrôle total de l’exploitation et de la gestion des ressources pétrolières de tout l’Irak, avec que la Région kurde, d’appuyant sur la constitution, entend mener librement sa politique commerciale et pétrolière, même si les revenus de ses hydrocarbures doivent être répartis pour toutes les provinces de l’Irak. Ces divergences politiques ont retardé l’exploitation de riches gisements, ainsi que l’adoption par le parlement irakien d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures.

En janvier dernier, le gouvernement irakien a suspendu un contrat passé avec la principale société de raffinement coréenne, qui devait exporter 90 000 barils par jour vers Séoul, car les Coréens avaient dans le même temps passé un accord avec les Kurdes pour l’exploitation du gisement de Bazian, lequel pourrait produire 500 millions de barils. Falah Mustafa, le ministre des Affaires étrangères du Kurdistan s’est dit furieux à cette annonce : « Ces contrats ne sont ni illégaux ni anticonstitutionnels. Nous sommes extrêmement choqués par la déclaration d’Al-Sharestani. Il ferait mieux de s’occuper de son ministère, de servir les Irakiens et d’augmenter la production de pétrole. » La société coréenne s’est, pour sa part, refusé à tout commentaire.