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Bulletin N° 265 | Avril 2007

 

MASSOUD BARZANI DIRECTEMENT MENACÉ PAR LE PREMIER MINISTRE TURC

Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien, a assuré que les Kurdes irakiens répliqueraient à toute ingérence turque au Kurdistan irakien. Massoud Barzani a indiqué que les Kurdes irakiens pourraient évoquer le sort des Kurdes en Turquie après que celle-ci a réclamé l'ajournement d'un projet de référendum sur le futur statut de la ville de Kirkouk. La presse turque a cité M. Barzani affirmant que si la Turquie « interfère dans (le dossier de) Kirkouk pour seulement quelques milliers de Turkmènes, alors nous agirons au sujet des 30 millions de Kurdes en Turquie ». Le Premier ministre turc a, le 9 avril, proféré des menaces contre le président du Kurdistan irakien assurant que le prix à payer pour le Kurdistan serait élevé. « Il ne devrait pas dire des choses trop lourdes de conséquences pour lui. M. Barzani a dépassé les bornes », a souligné le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan devant les journalistes. « Le nord de l'Irak (Kurdistan), qui est notre voisin, est en train de commettre une erreur, et le prix à payer sera très élevé », a déclaré M. Erdogan. M. Barzani a « dépassé la ligne » a-t-il poursuivi, ajoutant: « Je leur conseille de ne pas prononcer des mots dont ils ne pourront pas se relever et de connaître leur place parce qu'ils pourraient plus tard être écrasés par ces mots ». La présidence de la région du Kurdistan irakien, réagissant à des propos musclés du Premier ministre turc a répliqué à son tour le 9 avril que les Kurdes d'Irak demandent à la Turquie de ne pas s'ingérer dans leurs affaires et rejettent toute menace : « Nous ne nous ingérons pas dans les affaires des pays de la région mais nous demandons aussi que ceux-ci ne s'ingèrent pas dans celles de Kirkouk, qui est une affaire interne », a souligné le directeur de cabinet de la présidence, Fouad Hussein, dans un communiqué. « Les menaces ne figurent pas dans notre vocabulaire politique. Nous avons toujours eu un langage d'autodéfense. En même temps, nous n'acceptons pas que les autres aient recours à la menace contre nous », a affirmé M. Hussein, ajoutant que la question de Kirkouk « concerne les Kurdes, Turcomans, Arabes et Assyriens ».

Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a, le 11 avril, tenté d'apaiser Ankara. « La politique étrangère de l'Irak est planifiée et exécutée par le gouvernement irakien », a déclaré dans un communiqué M. Maliki, qui effectuait une visite à Tokyo et Séoul. « Cette politique reflète notre intention de maintenir les meilleures relations avec nos voisins et ne vise pas à intervenir dans leurs affaires », a ajouté le chef du gouvernement irakien, précisant toutefois: « En même temps, nous ne permettrons pas à des voisins d'intervenir dans nos affaires ».

A la suite de ces déclarations, Ankara s'est plaint auprès de Washington de Massoud Barzani. Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül a fait part à la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice de son désagrément au cours d'une conversation téléphonique. Interrogé le 9 avril par des journalistes sur la réponse que la Turquie allait apporter à M. Barzani, M. Gül a seulement répondu: « Vous verrez ».  « Les mots de M. Barzani sont extrêmement dérangeants, inacceptables et sont considérés comme une provocation », aurait déclaré M. Gül à Mme Rice, selon des citations publiées par le quotidien anglophone Turkish Daily News. Les Etats-Unis ont jugé « fâcheux » les propos de M. Barzani envers la Turquie. « Nous pensons que des commentaires de ce genre sont vraiment fâcheux et qu'ils ne font pas avancer l'objectif d'une coopération plus large entre la Turquie et l'Irak », a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack.

Ankara craint que le rattachement de Kirkouk au Kurdistan irakien ne donne à celle-ci des moyens financiers suffisants pour proclamer son indépendance, une situation qui pourrait, selon les autorités turques, encourager le sécessionnisme des Kurdes de Turquie. Les tensions sont déjà fortes entre la Turquie et les Kurdes d'Irak, Ankara accusant ceux-ci de tolérer, voire de soutenir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dont des milliers de membres se sont installés dans les montagnes du Kurdistan irakien.

Par ailleurs, le PDK, le parti du président du Kurdistan irakien a été particulièrement visé par des attentats. Le 23 avril, un attentat a fait 10 morts et 20 blessés près de Mossoul lorsqu'une voiture piégée a explosé à proximité du siège du parti démocratique, dans le village à majorité chrétienne de Tal Isqouf. De plus, 23 ouvriers membres de la minorité yézidie ont été exécutés le même jour par des hommes armés dans cette province, selon la police. Trois jours après, trois peshmergas ont été tués et 13 autres blessés, dans l'explosion de deux voitures piégées et dans un attentat suicide visant le PDK à Zanmar, à 80 km de Mossoul. Le PDK a également été visé à Kirkouk. Un soldat a été tué et le corps d'un membre du parti enlevé le 9 avril a été retrouvé. Le 1er avril, dans un attentat suicide au camion piégé qui visait un poste de police proche d'une école primaire à Rahimawa, 12 personnes ont été tuées et 178 blessées, tandis que de nombreux écoliers et des habitants du quartier ont été blessés par cette déflagration qui a provoqué d'importants dégâts matériels. En outre, l'explosion d'un engin artisanal dans le sud de la cité a blessé cinq policiers. De plus, quatre membres d'une famille chiite kurde, parmi lesquels une fille de huit ans, y ont, le 21 avril, été tués à leur domicile par des inconnus.

TURQUIE : APRÈS QUATRE COUPS D’ÉTAT MILITAIRES CLASSIQUES, LES GÉNÉRAUX TURCS FOMENTENT UN E-COUP

La Turquie est plongée dans l'expectative alors que le Parlement doit élire un nouveau président. Le seul candidat, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, issu du parti de la Justice et du Développement (AKP-au pouvoir), suscite la méfiance de l'armée et de l'élite laïque du pays. La perspective que M. Gül accède à la magistrature suprême a déclenché une crise sans précédent en Turquie, l'armée menaçant le gouvernement pro-islamiste d'intervenir pour protéger le principe de laïcité en vigueur dans ce pays à majorité musulmane. Un premier tour de scrutin le 27 avril au Parlement n'a pas permis de désigner le nouveau chef de l'État à cause du boycottage des députés de l'opposition. Quelques heures plus tard, l'état-major de la puissante armée turque a publié sur son site ce que la presse appelle depuis « le mémorandum de minuit » ou encore « e-coup », accusant en termes très durs le gouvernement de ne pas défendre les principes laïques de la République et rappelant qu'il était prêt à agir pour le faire, le cas échéant. L’état-major soulignait que les forces armées étaient les « protectrices déterminées de la laïcité » et qu'elles « afficheront ouvertement leur position et leurs attitudes lorsque cela deviendra nécessaire ».

L'armée turque, qui se veut garante de la laïcité, a déjà fait trois coups d'État (en 1960, 1971 et 1980) et provoqué la démission d'un gouvernement pro-islamiste, le premier de l'Histoire du pays, en 1997. Mais cette fois-ci, fait sans précédent, après une réunion du Premier ministre avec plusieurs de ses ministres le gouvernement, loin d'obtempérer, a riposté fermement, rappelant les militaires à l'ordre et soulignant, par la voix du porte-parole Cemil Ciçek, que l'état-major « demeure sous les ordres du Premier ministre ». « Il est inconcevable que dans un État démocratique de droit, l'état-major (...) tienne (de tels) propos », a-t-il indiqué, réaffirmant l'attachement du gouvernement aux principes laïques. Il a réaffirmé l'attachement du gouvernement de l’AKP aux principes laïques de la République et souligné qu'il était « impensable » que la Turquie cherche des solutions à ses problèmes en dehors du système démocratique. M. Cicek a également accusé l'état-major de « tentative d'influencer le cours de la justice » en publiant sa déclaration à un moment où la Cour constitutionnelle examine un recours de l'opposition pour faire annuler le premier tour de l'élection présidentielle. Il a rapporté par ailleurs une conversation téléphonique « utile et fructueuse » entre M. Erdogan et le chef d'état-major général, le général Yasar Büyükanit le 28 avril. Dans une première réaction, M. Erdogan avait pour sa part affirmé que le peuple turc s'opposerait à toute tentative de déstabilisation du pays : « Cette nation a payé un prix élevé, douloureux quand les fondements de la stabilité et de la confiance ont été perdus. Mais elle n'autorise plus, et n'autorisera plus, les opportunistes qui attendent et ouvrent la voie au désastre ».

Le Premier ministre Tayyip Erdogan, qui avait finalement renoncé à se présenter à la présidence et Abdullah Gül démentent vouloir faire de la Turquie un État islamiste. Ils rappellent qu'ils sont au pouvoir depuis près de cinq ans, période marquée par une forte croissance économique, et qu'ils ont engagé les discussions en vue de l'adhésion du pays à l'Union européenne, signe de leur volonté d'ouverture. D’ailleurs, à Bruxelles, le commissaire européen à l'Elargissement Olli Rehn a appelé l'armée à rester en dehors du processus électoral. « Il est important que l'armée laisse les prérogatives de la démocratie au gouvernement élu », a-t-il déclaré le 28 avril.

Ces derniers jours, l'opposition, la plupart des médias, des associations et des groupes de pression -comme l'association patronale Tüsiad- ont plaidé en faveur d'élections anticipées, seul moyen, selon eux, d'empêcher la Turquie de sombrer dans le chaos. Le 29 avril, un million de personnes ont manifesté à Istanbul, à l’appel de l’association de défense des idées d’Ataturk, dirigée par des généraux à la retraite, après un premier rassemblement de près de 500 000 personnes, le 14 avril à Ankara.

Les yeux sont tournés vers la Cour constitutionnelle turque qui doit rendre son verdict sur la validité du premier tour de l'élection présidentielle. Pour le principal parti d'opposition parlementaire, le Parti républicain du peuple (CHP, kémaliste-nationaliste), qui a déposé le recours en invalidation, l'ouverture du scrutin présidentiel au Parlement nécessitait un quorum de 367 députés (sur 550), correspondant à la majorité qualifiée des deux tiers nécessaire à une élection dès le premier tour. Or, seuls 361 députés étaient présents, dont 357 ont voté pour le candidat unique, Abdullah Gül, désigné par l’AKP. Si les 11 juges tranchent en faveur du CHP, l'élection sera annulée et des élections législatives anticipées pourraient être convoqués dans un délai de 45 à 90 jours, avant leur date normale de novembre. Si la Cour déboute le CHP, le deuxième tour de scrutin prévu pour le 2 mai, à la majorité des deux tiers, a peu de chance de déboucher sur l'élection de M. Gül. Il est cependant assuré de l'emporter au troisième tour, prévu le 9 mai, quand seule la majorité absolue, soit 276 voix, sera requise, alors que l'AKP détient 352 sièges au Parlement.

La presse turque était, le 30 avril, unanime pour exhorter les deux parties à faire marche arrière afin de désamorcer la crise. Des commentateurs craignaient qu'une fois élu, M. Gül n'approuve des lois rejetées par son prédécesseur et n'islamise le pays. « Il est difficile pour Gül de rester impartial », commentait Tufan Türenç dans le journal à gros tirage Hürriyet, en ajoutant que pour lui, une Première dame voilée est tout à fait inconcevable avec la laïcité. Le foulard porté par l’épouse d’Abdullah Gul, Hayrünisa Gül, est vu par les laïcs comme une manifestation de militantisme politique islamique. « Ne réduisez pas en ruines ce pays », plaidait le quotidien populaire Aksam, appelant armée et gouvernement à trouver une solution démocratique à leur querelle, sinon « un grand danger attend la Turquie ». « Le laïcisme est, bien sûr, un des piliers de la société turque, mais la démocratie en est un aussi », écrivait pour sa part le quotidien à grand tirage Sabah, tandis le journal libéral Milliyet préconisait des élections législatives anticipées.

DIYARBAKIR : UN PROCUREUR RÉCLAME JUSQU’Á 15 ANS DE PRISON CONTRE 53 MAIRES KURDES AYANT DEMANDÉ AU PREMIER MINISTRE DANOIS DE NE PAS FERMER UNE CHAÎNE DE TÉLÉVISION KURDE

Un procureur de Diyarbakir a, le 3 avril, réclamé jusqu'à 15 ans de prison contre 53 maires kurdes pour avoir écrit au Premier ministre danois en 2005, l'exhortant à résister aux demandes d'Ankara de fermer Roj-tv, une chaîne de télévision kurde. Les maires, jugés depuis septembre 2006, ont été accusés par le procureur de « soutien délibéré » au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à cause de cette lettre écrite en anglais à Anders Fogh Rasmussen.

Le procureur a requis des peines d'emprisonnement allant de sept ans et demi à 15 ans pour 53 accusés, tous membres du Parti pour une société démocratique (DTP), la principale formation pro-kurde légale de Turquie, souvent accusée par les autorités de soutenir le PKK. Parmi eux figure Osman Baydemir, le très populaire maire de Diyarbakir. Le procureur a demandé que trois autres maires, qui ont affirmé que leurs noms avaient été rajoutés à la lettre à leur insu, soient acquittés. Aucun des accusés n'était présent à l'audience. Ils avaient à l'ouverture du procès rejeté les accusations du parquet, affirmant avoir agi pour défendre la liberté de la presse. Le procès a été ajourné au 8 mai.

Ankara a demandé aux autorités danoises d'abroger la licence de diffusion accordée à Roj-tv, basée au Danemark où elle émet depuis 2004, au motif que la chaîne a des liens avec le PKK, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, l'Union Européenne et les Etats-Unis.

BILAN MARS-AVRIL DE LA GUERRE EN IRAK : LE NOMBRE DES TUÉS A AUGMENTÉ DE 15% EN MARS ET LE MOIS D’AVRIL EST MARQUÉ PAR PLUS DE 100 MORTS AMÉRICAINS

Malgré la montée en puissance des forces irakiennes et américaines sur le terrain, le nombre de tués en Irak a augmenté de 15% en mars. Le nombre de morts en mars s'est élevé à 2.078 précisément, soit une hausse de 15% par rapport à février, a, le 1er avril, annoncé le ministère de la Défense. En tout, 1.869 civils, 165 policiers et 44 soldats ont péri, selon le bilan du ministère qui prend en compte ses chiffres ainsi que ceux des ministères de la Santé et de l'Intérieur. En moyenne, 67 personnes ont été tuées chaque jour en mars contre 64 en février. Ces violences ont fait également en mars 2719 blessées parmi les civils contre 1992 en février. Toujours selon le ministère de la Défense, le nombre de terroristes présumés tués est en revanche en baisse, passant de 586 en février à 481 en mars. Le nombre d'arrestations de « terroristes et suspects » a été multiplié par trois pour atteindre 5.664 en mars contre 1921 en février.

Selon un décompte de l'AFP à partir des chiffres du Pentagone, 85 soldats ou personnels assimilés américains sont décédés en mars. Les violences n'épargnent même pas les responsables politiques. Huit personnes, dont au moins deux députés, ont été tuées le 12 avril dans un attentat suicide au Parlement irakien, le premier du genre dans ces locaux situés au cœur de la zone verte ultra-protégée de Bagdad. Selon toute vraisemblance, l'auteur de l'attaque était un garde du corps d'un des parlementaires. Ces hausses ont été enregistrées en dépit d'un plan de sécurité, lancé le 14 février, pour sécuriser Bagdad ravagé par les violences qui ont fait 16.000 morts en 2006 selon les Nations unies. Quelque 90.000 membres des forces de sécurité irakiennes et soldats américains doivent être déployés d'ici à juin dans la capitale pour enrayer ces violences, en grande partie confessionnelles. Le directeur pour le Moyen-Orient de International Crisis Group, Joost Hiltermann estime toutefois qu'il n'y aura pas de « baisse significative de la violence (...) sans un compromis politique entre tous les partis politiques et groupes irakiens ». Le président Jalal Talabani a lui aussi souligné un succès enregistré par ce plan: la quasi-disparition, dans les rues, de l'armée du Mahdi, la milice du chef chiite Moqtada Sadr. Pour tenter de juguler la violence endémique, l'armée américaine multiplie désormais l'érection de murs de protection dans plusieurs zones de la capitale. D'après l'armée américaine, cette structure en béton est destinée à empêcher d'éventuels escadrons de la mort chiites de commettre des attentats pour faire fuir les sunnites du quartier, mais aussi les insurgés sunnites d'utiliser cette poche comme base pour commettre des attaques dans les quartiers chiites. L'initiative a été vivement critiquée par des députés irakiens dont le député kurde Mahmoud Osmane qui estime qu' « ériger un mur autour d'Adhamiyah est le summum de l'échec et un pas erroné qui viole des droits de l'Homme ». Pour couper court à la polémique, le Premier ministre Nouri al-Maliki a affirmé le 22 avril au Caire avoir demandé l'arrêt de la construction du mur d'Adhamiyah.

Par ailleurs, l'armée américaine a, le 30 avril, annoncé à plus de 100 morts parmi les forces américaines pour le mois d'avril. Ces décès portent à au moins 3.350 depuis le début de la guerre en mars 2003, selon un décompte de l'Associated Press. La Mission d'assistance des Nations unies pour l'Irak (Unami) a, le 25 avril, reproché pour sa part au gouvernement irakien de bloquer l'accès aux chiffres sur les victimes de la guerre au premier trimestre. Le Premier ministre irakien a cessé de communiquer des chiffres et accuse les Nations unies d'exagérer ses évaluations dans un précédent rapport, a affirmé l'Unami, lors de la présentation de son rapport trimestriel à Bagdad. Dans le précédent rapport daté du 16 janvier, l'Unami avait fait état de plus de 34400 morts en 2006 dans les violences quotidiennes qui ravagent l'Irak.

Selon le Centre de recherches du Golfe, un institut d'études proche-oriental basé à Dubaï, les attentats-suicide visant les civils se sont multipliés considérablement depuis début 2007, et sont plus meurtriers que jamais. En février et mars 2007, l'Irak a connu 92 attentats-suicide contre des cibles civiles, contre 62 pour les deux derniers mois de 2006. « Depuis janvier, on enregistre le plus haut niveau d'attentats-suicide depuis 2005, et des taux de victimes plus élevés qu'à n'importe quelle période depuis le début de la guerre », précise, le 3 avril, Nicole Stracke, principale rédactrice du rapport du Centre de recherches du Golfe. Les cibles choisies, cafés ou restaurants, mariages ou funérailles, marchés et sites religieux chiites, sont bien moins protégées que des cibles moins accessibles, bases militaires américaines ou locaux gouvernementaux irakiens. On note aussi une tendance plus récente, les attentats au chlore, huit entre le 28 janvier et la fin mars, avec le même modus operandi: des camions remplis de chlore, produit hautement toxique, qui, outre les morts et blessés, provoqué des symptômes liés à l'inhalation du gaz, troubles respiratoires, nausées, vomissements, irritation de la peau... Les attaques au chlore, évoquant la guerre chimique, ont également un rôle psychologique important, déclenchant la panique et rappelant aux Irakiens un épisode terrible de leur histoire, le gazage par Saddam Hussein de la ville kurde d'Halabja, qui avait fait plus de 5.000 morts.

Les chiites continuent à être la cible privilégiée des terroristes. Le 18 avril, au moins 190 personnes ont péri dans une vague d'attentats à la voiture piégée à Bagdad, dont 140 sur un marché populaire, mettant à mal la crédibilité du plan de sécurisation massif destiné à juguler la violence dans la capitale irakienne. L'attentat à la voiture piégée du marché d'Al-Sadriyah, un secteur à majorité chiite sur la rive orientale du Tigre, est le plus sanglant dans la capitale depuis le début de l'année. Au moins 140 personnes y ont péri et 155 ont été blessées, selon le bilan des services de sécurité. L'explosion, entendue à plusieurs kilomètres, a creusé un cratère de deux mètres dans le secteur du marché, déjà visé le 3 février par un attentat suicide au camion piégé, qui avait fait 130 morts. Un autre attentat sanglant a été perpétré à Sadr City, le grand quartier chiite de Bagdad, où l'explosion d'une voiture piégée contre un point de contrôle de l'armée a fait 28 morts et 44 blessés. Une autre voiture piégée a explosé dans le quartier de Karrada, au centre, faisant 11 morts. Dans le même secteur, trois personnes ont péri dans un attentat similaire. Le 28 avril, c’est un attentat suicide sanglant à la voiture piégée dans la ville sainte chiite de Kerbala qui a fait 71 tués et 178 blessées. Le 14 avril, un précédent attentat suicide à la voiture piégée avait fait 42 morts dans la ville.

Malgré tout, l'Irak a, le 9 avril, fêté sous haute tension le 4e anniversaire de la chute du régime de Saddam Hussein. Par crainte d'attentat, la circulation des véhicules à moteur a été interdite à Bagdad. A Najaf et Koufa, pavoisées de milliers de drapeaux irakiens, des dizaines de milliers de chiites ont participé à une grande manifestation anti-américaine organisée par le mouvement radical chiite de Moqtada al-Sadr. Cependant, le Sénat américain a, 26 avril, adopté malgré la menace d'un veto du président George W. Bush, le projet de loi sur le financement de la guerre en Irak, qui prévoit un début de retrait des troupes américaines d'ici le 1er octobre prochain. Le projet de loi prévoit un budget de 124,2 milliards de dollars (91 milliards d'euros) pour les opérations militaires en Irak et en Afghanistan et un début de retrait militaire d'Irak au 1er octobre, ou plus tôt, si le gouvernement de Bagdad ne remplit pas certaines conditions. Il ajoute que le retrait devra être achevé avant le 1er avril 2008.

STRASBOURG : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR DES SÉVICES ET TRAITEMENTS INHUMAINS INFLIGÉS Á DES PRISONNIERS Á IZMIR ET AU KURDISTAN

La Turquie a, le 12 avril, été condamnée à Strasbourg par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans deux affaires concernant 13 détenus victimes de sévices à Izmir et dans le Kurdistan. Les plaignants recevront un total de 111 000 euros pour tort moral. Douze détenus de la prison Buca, à Izmir, s'étaient plaints d'avoir été frappés à coups de matraque et de planches de bois par des administrateurs du centre pénitentiaire, des gardiens et des gendarmes, parce qu'ils refusaient de se laisser fouiller, en juillet 1995. D'après le gouvernement turc, ils se seraient blessés en tombant dans l'escalier. Les juges européens, ne trouvant pas cette explication plausible, en ont conclu que les prisonniers avaient été « bel et bien frappés et blessés ». Ils ont aussi relevé que l'enquête avait été entachée de « graves lacunes », avec notamment la disparition d'un dossier et le refus du procureur de poursuivre les gendarmes.

Dans l'autre affaire, des gendarmes avaient battu, privé d'eau, de nourriture et privé de toilettes un habitant de la ville kurde de Sirnak soupçonné d'être sympathisant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)

L'homme avait été maintenu au secret pendant trois jours avant d'être placé officiellement en garde à vue. La Cour européenne a jugé que cet homme avait été victime d'une série de six violations de la Convention européenne des droits de l'Homme, notamment l'interdiction des traitements inhumains et les droits à un recours effectif et à un procès équitable et lui a alloué 15 000 euros pour dommage moral.

SYRIE : DEUX TIERS DES SIÈGES RÉSERVÉS PAR LA CONSTITUTION AU PARTI BAAS PERMET UNE VICTOIRE SANS SURPRISE AUX ÉLÉCTIONS LÉGISLATIVES

La coalition au pouvoir en Syrie, le Front national progressiste (FNP) a remporté comme prévu les élections législatives. Selon les résultats officiels publiés le 26 avril à Damas, le FNP, coalition dirigée par le Baas, qui « dirige l'État et la société » selon la Constitution syrienne, a remporté les élections législatives des 22 et 23 avril. Le FNP aurait remporté 172 sur les 250 sièges de l'Assemblée populaire (Parlement), alors que 78 autres sont allés aux candidats indépendants, a précisé le ministre de l'Intérieur Bassam Abdel-Majid, lors d'une conférence de presse. Le taux de participation serait officiellement de 56%. Les élections législatives se sont achevées après un scrutin marqué par une très faible mobilisation et boycotté par l'opposition, tolérée mais sans existence légale, qui proteste contre le fait que la loi réserve la majorité des sièges aux partis au pouvoir. « Il est vain de participer à un scrutin dont les résultats sont connus d'avance », a estimé Me Hassan Abdel-Azim, porte-parole de six partis interdits réunis au sein du Rassemblement national démocratique (RND). Sur le mur des bureaux sont accrochées les photos du président syrien Bachar al-Assad et de son père, Hafez al-Assad, auquel il a succédé. « Frère citoyen, les élections sont des noces démocratiques nationales. Vote pour celui que tu estimes être le plus compétent », peut-on lire sur une pancarte du ministère de l'Intérieur. Quelque 7,8 millions de Syriens sont détenteurs d'une carte électorale, sur une population de 19 millions d'habitants, selon les chiffres officiels. La faible participation confirme le désintérêt de la population pour cette élection destinée à renouveler le parlement mais dont les résultats sont sans surprise. Créé en 1971, le Parlement désigne le candidat à l'élection présidentielle, discute de la politique gouvernementale, approuve les lois et le budget.

A Damas, le FNP présentait 16 candidats, dont le président du Parlement sortant Mahmoud al-Abrache, les secrétaires généraux des deux partis communistes syriens, Ammar Bakdache et Hunein Nimr, le président de l'Union des étudiants Ammar Saati. Le Premier ministre Mohammad Naji Otri était candidat du FNP à Alep. De même, dans la deuxième ville du pays, Alep (nord), « les candidats ont été déçus par le faible niveau de participation », a écrit le 23 avril le quotidien Al-Watan. De par la loi, le nouveau parlement sera dominé par le Front national progressiste à l'instar des précédents parlements syriens depuis 1973, date de la création du FNP. Sur les 250 sièges, 167 sont réservés au FNP et les 83 restants aux candidats dits indépendants, parmi lesquels des hommes d'affaires proches du pouvoir. Quelque 2.395 candidats étaient en lice pour ces deuxièmes législatives depuis l'arrivée au pouvoir de Bachar al-Assad. Un référendum pour un nouveau mandat est prévu après les législatives. Candidat unique à la succession de son père Hafez al-Assad, décédé le 10 juin 2000, il était arrivé au pouvoir après un plébiscite qui lui avait donné 97,29% des voix.

L'opposition réclame une loi pour la création de partis autres que ceux affiliés au Baas, qui gouverne la Syrie depuis plus de 44 ans, ainsi que l'abolition de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963. Fin 2005, fait sans précédent depuis des décennies, les mouvements de l'opposition ont lancé un appel à un « changement démocratique », mais leur action est restée sans suite. Beaucoup dénoncent « la paralysie » actuelle pour justifier leur désintérêt du scrutin. « De vastes catégories sont indifférentes aux élections (...) en raison du statu quo ambiant qui bloque toute évolution politique et économique », écrivait en mars un opposant syrien, Omar Koche, dans le quotidien libanais as-Safir.

Ces élections interviennent alors que la Syrie tente de sortir de son isolement vis-à-vis de la communauté internationale. Bachar el-Assad voulait capitaliser sur ce scrutin pour projeter une image d'ouverture vers l'extérieur. Il espère que ces élections vont consolider son pouvoir avant le référendum du mois de juillet qui devrait lui permettre d'obtenir un second mandat de sept ans à la tête du pays. Il fait aussi face aux pressions croissantes de la communauté internationale pour mettre en place un tribunal international afin de juger les meurtriers de l'ancien Premier ministre libanais Rafik Hariri, tué en février 2005. Une enquête menée par l'ONU sur cet assassinat a mis en cause des responsables syriens, des accusations démenties par la Syrie. Récemment, d'importantes personnalités étrangères se sont rendues à Damas, dont le représentant de la diplomatie européenne Javier Solana et la présidente démocrate de la Chambre des représentants américains, Nancy Pelosi.

Sur le plan économique, d'après les chiffres officiels, la Syrie a réalisé un taux de croissance de 5,1% en 2006, épongé la quasi-totalité de sa dette extérieure estimée à moins de cinq milliards de dollars, contre 24 milliards en 2005, et le taux de chômage a baissé à 9,5% à la fin 2006.

LA HAYE : DES PROCUREURS NÉERLANDAIS REQUIÈRENT LA CONDAMNATION POUR GÉNOCIDE D’UN HOMME D’AFFAIRES AYANT VENDU DES ARMES CHIMIQUES UTILISÉES CONTRE LES KURDES

Des procureurs néerlandais ont, le 11 avril, requis la condamnation pour génocide d'un homme d'affaires néerlandais qui a vendu à l'Irak des produits chimiques utilisés dans des attaques au gaz meurtrières. Frans van Anraat a fait appel de sa condamnation en 2005 à 15 ans de prison pour complicité de crimes de guerre pour avoir fourni des substances ayant servi à fabriquer du gaz toxique par l'Irak de Saddam Hussein pendant la guerre de 1980-88 contre l'Iran. M. van Anraat, 65 ans, était accusé de complicité de crimes de guerre et de génocide pour avoir livré, entre 1985 et 1989, des ingrédients ayant permis la production d'armes chimiques, dont le gaz moutarde, utilisé contre les populations Kurdes d'Irak notamment dans l'attaque contre le village d'Halabja, en 1988, qui a fait environ 5.000 morts. Visé par une enquête américaine, il avait été arrêté en 1989 en Italie, puis avait fui vers l'Irak où il était resté jusqu'à l'attaque de la coalition conduite par les Etats-Unis en 2003, date à laquelle il s'est réfugié aux Pays-Bas. Les Etats-Unis ont renoncé en 2000 à leur demande d'extradition, sans explication. De leur côté, les autorités néerlandaises n'avaient pas de raisons de l'arrêter jusqu'à ce qu'il soit accusé de génocide. La justice néerlandaise peut poursuivre M. Van Anraat pour génocide en Irak, après un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle en matière de crimes de guerre et de génocide, dès lors que les accusés résident aux Pays-Bas.

Frans Van Anraat, qui a refusé d'être libéré en attendant le résultat de son recours, a été acquitté de génocide en première instance, la cour ayant estimé qu'on ne pouvait prouver qu'il savait exactement comment les produits qu'il a vendus seraient utilisés. « Nous demandons à nouveau qu'il soit reconnu coupable de génocide et requérons 15 ans d'emprisonnement pour complicité de crimes de guerre et génocide », a déclaré une porte-parole du parquet de La Haye. La cour d'appel devrait se prononcer sur ce dossier dans la première quinzaine de mai, a-t-elle précisé.

Par ailleurs, le parquet du Haut tribunal pénal irakien a, le 2 avril, requis la peine de mort contre cinq des six accusés, dont « Ali le Chimique », du procès Anfal sur le massacre de 180.000 Kurdes, selon le procureur. « Nous avons requis la peine de mort pour Ali Hassan al-Majid et les (quatre) autres », à l'issue du réquisitoire, a affirmé le procureur Mounqith al-Faroun. Il a ajouté avoir demandé l'acquittement pour le sixième accusé, l'ancien gouverneur de Mossoul, Taher Taoufic al-Ani, en raison du « manque de preuves ». Saddam Hussein et six anciens dirigeants, dont son cousin Hassan al-Majid dit « Ali le chimique », étaient jugés pour avoir ordonné et mis en œuvre les campagnes militaires d'Anfal en 1987-1988 dans le Kurdistan, qui ont fait 180.000 morts selon l'accusation. Seuls Saddam Hussein, exécuté le 30 décembre 2006 dans le cadre d'un autre procès, et « Ali le chimique » étaient accusés de génocide pour l'affaire Anfal. Les quatre autres accusés contre qui la peine de mort a été requise sont Saber Abdel Aziz al-Douri, ex-chef des renseignements militaires, l'ex-ministre de la Défense Sultan Hachem Ahmed, l'ancien responsable des renseignements Farhane Moutlaq et un ancien commandant militaire Hussein Rachid Tikriti.

AINSI QUE...

BALLET DIPLOMATIQUE AVANT LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR L’IRAK



L'Iran a, le 29 avril, confirmé sa participation à la conférence internationale sur l'Irak les 3 et 4 mai, à laquelle la République islamique sera représentée par son ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki. Cette annonce intervient alors que le haut responsable de la sécurité iranien, Ali Larijani, est arrivé à Bagdad pour une visite de trois jours. Il a rencontré M. Maliki et le président irakien Jalal Talabani. Le vice-Premier ministre irakien Berham Salih avait prévu de se rendre à Téhéran, mais son déplacement a été annulé en raison de la visite de M. Larijani, selon l'agence officielle iranienne IRNA. Le 25 avril, le chef de la diplomatie irakienne Hoshyar Zebari s'était rendu à Téhéran pour demander à l'Iran de participer à la conférence « en soulignant le rôle très important de la République islamique dans la région », au cours d'un entretien avec le président Ahmadinejad. Le lendemain, il avait effectué une visite à Ankara pour souligner l'importance de cette réunion et avait rencontré son homologue turc Abdullah Gül. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait pour sa part exprimé le 4 avril le souhait que la Turquie puisse accueillir à Istanbul cette réunion. Cinq pays voisins de l'Irak -Jordanie, Koweït, Arabie saoudite, Syrie et Turquie- doivent participer à cette conférence prévue les 3 et 4 mai à Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge, de même que Bahreïn, l'Egypte, la Ligue arabe, l'Organisation de la conférence islamique (OCI) et les Nations unies.

La politique des Etats-Unis à l'égard de l'Iran, alors que les deux pays ont rompu leurs relations diplomatiques en 1980, semble avoir récemment évolué. Après avoir initialement refusé tout contact avec Téhéran, le président américain George W. Bush a accepté de participer à des discussions multilatérales destinées à mettre un terme à son programme nucléaire. Le président américain George W. Bush a affirmé le 24 avril que la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice pourrait avoir des entretiens bilatéraux avec son homologue iranien lors de la conférence. Sur la chaîne de télévision américaine ABC, Condoleezza Rice a pour sa part indiqué que ce que Téhéran devrait faire pour aider à mettre un frein à la violence en Irak lui semblait « assez évident ». « Arrêter le flot d'armes aux combattants étrangers, arrêter le flot de mercenaires à travers les frontières, arrêter d'utiliser des engins explosifs pour tuer les soldats américains, arrêter de fomenter des querelles entre milices qui ensuite tuent des Irakiens innocents » a-t-elle énuméré. La Secrétaire d'Etat a cependant démenti des rumeurs selon lesquelles les Etats-Unis auraient promis de libérer cinq responsables iraniens détenus actuellement par les forces américaines en Irak, pour inciter l'Iran à participer à la conférence.

D’autre part, le département d'État a, le 23 avril, annoncé avoir pris des sanctions à l'encontre de 14 sociétés ou organisations, dont trois chinoises, dans le but de stopper du matériel militaire fabriqué en Syrie ou en Iran. Selon ces sanctions, il est interdit à ces sociétés d'être en relation avec des agences gouvernementales américaines pendant deux ans. Ces mesures concernent trois sociétés chinoises, l'armée de l'air et la marine syriennes, le Hezbollah (qui fait déjà l'objet de sanctions), un ressortissant pakistanais et des firmes de Malaisie, du Mexique et de Singapour. Ces sanctions sont largement symboliques, un certain nombre des entités visées faisant déjà l'objet de sanctions de la part de Washington, a commenté un responsable américain sous couvert d'anonymat.

Sur le plan de la politique nationale, le mouvement du dirigeant chiite radical Moqtada Sadr a, le 16 avril, annoncé officiellement qu'il se retirait du gouvernement irakien de Nouri al-Maliki, lors d'une conférence de presse à Bagdad. Le mouvement de Moqtada Sadr dirige six ministères au sein du gouvernement d'union nationale. Avec 32 députés, son courant représente aussi le plus important mouvement au sein de la coalition parlementaire chiite, l'Alliance unifiée irakienne (130 sièges au total). Fin 2006, les élus sadristes avaient déjà suspendu leur participation au gouvernement pour protester contre une rencontre entre M. Maliki et le président américain George W. Bush en Jordanie. Les autorités américaines croient savoir qu'al-Sadr se trouve actuellement en Iran, mais ses partisans déclarent qu'il est caché dans un lieu secret en Irak.

Par ailleurs, Ali Allawi, un conseiller du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, a, le 9 avril, appelé à Washington à une solution fédérale en Irak pour mettre fin à l'instabilité qui règne dans le pays. « Le cadre actuel de l'Etat irakien est fondamentalement instable. Le processus de décision est paralysé par les jeux de partage du pouvoir » entre les communautés chiite, sunnite et kurde, a estimé M. Allawi, ancien ministre des Finances, de la Défense et du Commerce, à l'occasion de la publication aux Etats-Unis de son livre, « L'Occupation de l'Irak: gagner la guerre, perdre la paix ». Selon lui, « la machine gouvernementale est trop décrépite et corrompue pour gérer le pays ». « La fiction que l'Irak peut être maintenue dans sa forme actuelle sans violence prolongée et sans instabilité doit être abandonnée », a-t-il ajouté dans une déclaration écrite. D'après lui, « une solution régionale semble être la seule réponse possible ». Il juge nécessaire « de nouvelles autorités régionales avec des pouvoirs et des ressources étendus », les institutions fédérales agissant « comme arbitres entre les régions ». « La sécurité doit être décentralisée jusqu'à ce que la confiance entre les communautés soit rétablie », estime-t-il. Le responsable irakien considère que le fédéralisme en Irak « doit être garanti par un traité international qui inclurait les puissances régionales ». « Les troupes américaines seraient alors remplacées par une force internationale chargée de stabiliser le nouveau système fédéral », suggère M. Allawi. « Le temps est venu pour les Etats-Unis de procéder à un virage à 180 degrés. Il est nécessaire de reconnaître que la solution militaire n'est pas suffisante », a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse. Selon lui, il est nécessaire d'organiser un « congrès international » pour négocier « une architecture de sécurité pour le Moyen-Orient, en excluant la question palestinienne ».

LES ASSYRO-CHALDÉENS CÉLÈBRENT LEUR NOUVEL AN AU KURDISTAN IRAKIEN



Les descendants des Assyriens célèbrent depuis le 1er avril dans le Kurdistan irakien et pendant 12 jours leur Nouvel an, un rite païen qui remonte à des millénaires et glorifie la résurrection et la vie. Dans l'impossibilité de se regrouper, en raison de l'insécurité, dans leurs anciennes capitales de Babylone ou Ninive, les Assyriens, un peuple dont l'histoire remonte à 3.000 ans avant Jésus-Christ, fêtent l'année 6757 au Kurdistan, épargnée par les violences. « Des gens viennent de Bagdad, Mossoul et Kirkouk pour participer aux festivités à Dohouk. Pour des raisons de sécurité, il était trop difficile d'organiser cela dans la plaine de Ninive », confie le porte-parole du Mouvement démocratique assyrien, Akad Mourad.

Officiellement bannis par les régimes successifs à Bagdad, les chrétiens assyriens du Kurdistan célèbrent ouvertement leur Nouvel an depuis la première guerre du Golfe en 1991. Le Nouvel An est l'événement le plus important pour cette communauté qui parle l'araméen, une langue sémitique proche de l'hébreu. « Nous faisons la fête pendant 12 jours comme on le faisait à Babylone et Ashur », affirme Nissan Beghazi, président du Centre culturel de la ville de Dohouk, qui est pour la première fois au centre des animations. Avant de se convertir au christianisme au 1er siècle et d'adopter le calendrier grégorien, les Assyriens célébraient le Nouvel an le 21 mars, comme les Kurdes marquant l'arrivée du printemps, de même que les Iraniens.

Les célébrations ont débuté avec une parade à l'extérieur de l'église de la Vierge Marie à Dohouk alors que sous Saddam Hussein, les Assyriens fêtaient le passage à la nouvelle année entre quatre murs à l'abri des regards. Conformément à la tradition, ils écoutent des poètes qui retracent l'histoire de la création du monde. Une autre coutume pratiquée dans les villages chaldo-assyriens consiste à planter quelques semaines auparavant des graines de blé ou d'orge dans un vase, les poser sur un rebord de fenêtre et regarder pousser les jeunes plants en tant que symbole d'une nouvelle vie. « Après le soulèvement de mars 1991, notre communauté a recommencé à célébrer ce jour historique. En 1992, le Parlement kurde a décrété que le 1er avril serait un jour férié mais cela n'est toutefois pas entré en vigueur », précise M. Beghazi. Derrière ces festivités se cache aussi une certaine inquiétude quant à l'avenir, dans un pays où l'émigration de masse a durement affecté les minorités chrétiennes. L'émigration de masse a vu la communauté chrétienne d'Irak diminuer à quelque 600.000 personnes sur une population totale de 27 millions d'habitants.

L’ONU REPORTE UNE EXPOSITION SUR LE GÉNOCIDE RWANDAIS SUITE AUX OBJECTIONS TURQUES SUR UNE RÉFÉRENCE AU GÉNOCIDE DES ARMÉNIENS



Des dizaines de milliers de personnes ont, le 24 avril marqué le 92ème anniversaire des massacres d'Arméniens dans l'Empire ottoman en 1915, appelant une nouvelle fois la Turquie et le reste du monde à reconnaître qu'il s'agissait d'un génocide. Brandissant des drapeaux, l'air sombre, les manifestants ont traversé Erevan jusqu'au Mémorial aux victimes du génocide, érigé sur une colline surplombant la ville, où ils ont déposé des fleurs. Le 24 avril marque ce jour où en 1915, en pleine guerre mondiale, un important groupe d'intellectuels et dirigeants politiques arméniens fut exécuté par les autorités ottomanes, qui les accusaient d'avoir aidé l'invasion de l'armée russe. On estime que jusqu'à 1,5 millions d'Arméniens ont été tués entre 1915 et 1917, entre massacres et déportations, dans ce qui est considéré par les historiens comme le premier génocide du XXème siècle.

Erevan et Ankara n'ont aucune relation diplomatique en raison de ce différend. Cette question complique également les négociations de la Turquie pour son entrée au sein de l'Union européenne. Plus de 20 pays ont officiellement reconnu les tueries commises entre 1915 et 1917 comme un génocide, dont la Belgique, le Canada, le Pologne, la Russie, la Suisse et la France. Mais des puissances comme la Grande-Bretagne et les Etats-Unis refusent d'utiliser ce terme, soucieuses de garder de bonnes relations avec la Turquie. Israël, qui a des liens très proches avec la Turquie, un des rares pays musulmans avec lequel il a des relations diplomatiques, a rejeté en mars une motion reconnaissant implicitement la réalité d'un génocide arménien. La Turquie a suspendu sa coopération militaire avec la France en novembre, en raison de l'adoption par l'Assemblée nationale française d'une proposition de loi réprimant la négation du génocide arménien.

Par ailleurs, une exposition qui devait être inaugurée le 16 avril à New York par le secrétaire général Ban Ki-moon, pour marquer le 13ème anniversaire du génocide rwandais, au cours duquel les extrémistes hutus ont massacré quelque 800 000 personnes, principalement des Tutsis, a été reporté suite aux objections de la Turquie sur une référence aux massacres d’Arméniens durant la Première guerre mondiale. L’Onu a présenté ses excuses à l'ambassadeur du Rwanda pour le report de l’exposition. La controverse à l'origine du démontage et du report de l'exposition est née des critiques émises par un diplomate turc qui a vu d'un mauvais œil une référence, sur un panneau, au meurtre de plusieurs centaines de milliers d'Arméniens en Turquie lors du premier conflit mondial, a expliqué un porte-parole de l'ONU. La référence figurait accompagnée d'une citation de Raphael Lemkin, inventeur du mot « génocide » en 1943. Cet avocat juif d'origine polonaise avait montré un intérêt particulier au « génocide » arménien et fait pression auprès de la Société des Nations pour interdire ce qu'il qualifiait de « barbarie » et de « vandalisme ». L'exposition est organisée en partie par l'Aegis Trust, organisation non gouvernementale basée au Royaume-Uni qui lutte pour la prévention des génocides dans le monde.

D’autre part, cinquante-trois Prix Nobel ont appelé Turcs et Arméniens à ouvrir leur frontière, rétablir des relations officielles et résoudre leurs différends à propos des massacres infligés aux Arméniens par les Turcs au début du XXe siècle. Dans une lettre rendue publique le 16 avril par la Fondation Elie Wiesel pour l'humanité, les lauréats du célèbre Prix Nobel pressent la Turquie de mettre un terme à la discrimination envers ses minorités ethniques et religieuses et d'abolir l'article 301 de son code pénal qui stipule que dénigrer l'identité turque constitue un crime. Ils exhortent également l'Arménie à « réformer son régime autoritaire, autoriser des élections libres et équitables et respecter les droits humains ».

Le texte fait référence à l'assassinat le 19 janvier, de Hrant Dink, journaliste arménien qui s'était fait des ennemis dans les rangs nationalistes turcs en qualifiant de génocide les massacres d'Arméniens à la fin de l'Empire ottoman. Selon les Prix Nobel, le mieux que l'on puisse faire pour honorer la mémoire de Hrant Dink, serait de « poursuivre l'œuvre de sa vie qui a consisté à défendre la liberté d'expression et à encourager la réconciliation entre Turcs et Arméniens ». Parmi les signataires figurent Elie Wiesel, survivant de l'Holocauste et prix Nobel de la Paix en 1986, J.M. Coetzee, prix Nobel de Littérature en 2003, Mairead Corrigan Maguire et Betty Williams, prix Nobel de la Paix en 1976 et Wole Soyinka, pris Nobel de Littérature en 1986.

AMNESTY INTERNATIONAL RÉCLAME L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT EN IRAK : 270 CONDAMNATIONS Á MORT DEPUIS AOÛT 2004



Amnesty International a, le 20 avril, réclamé l'abolition de la peine de mort en Irak, dont l'application a conduit à l'exécution d'une centaine de personnes dans le pays depuis 2004. «Depuis la réintroduction de la peine de mort en août 2004, plus de 270 personnes ont été condamnées à mort en Irak et au moins 100 personnes auraient été exécutées», affirme Amnesty dans un rapport. «Au moins 65 personnes, dont au moins deux femmes, auraient été exécutées en 2006», précise l'organisation. Amnesty précise que l'Irak «figure à présent parmi les pays avec le plus grand nombre de personnes exécutées en 2006 ». «La restauration de la peine de mort en Irak représente un recul profondément rétrograde», estime Amnesty, qui dénonce son caractère «cruel et inhumain». Elle «appelle le gouvernement irakien à établir immédiatement un moratoire sur les exécutions dans la perspective d'une abolition totale de la peine de mort.»

L'organisation de défense des droits de l'homme se dit aussi préoccupée par le fait que de nombreuses exécutions ordonnées par la Cour centrale criminelle d'Irak (CCCI) ont suivi des «procès pas équitables». Elle dénonce également des «confessions télévisées avant procès», des aveux qui auraient été obtenus sous la torture, ainsi que le manque d'accès des personnes condamnées à des avocats. Amnesty rappelle que la peine de mort avait été abolie en juin 2003 après l'intervention en Irak par les troupes de la coalition américano-britannique, puis rétablie en 2004 par le gouvernement intérimaire irakien. La peine de mort était appliquée de façon intensive sous Saddam Hussein, souligne également Amnesty, notamment contre des membres de partis politiques interdits, des opposants et des déserteurs de l'armée. Mais l'ONG n'était pas à l'époque en mesure d'établir le nombre exact de personnes condamnées et exécutées. Saddam Hussein lui-même a été condamné à mort et exécuté le 30 décembre 2006 pour sa responsabilité dans l'exécution de 148 chiites à Doujaïl (nord de Bagdad), dans les années 1980.

L’ONU SE PRÉOCCUPE DES « CRIMES D’HONNEUR » AU KURDISTAN



Dans un rapport présenté à Bagdad, le 25 avril, la Mission d'assistance des Nations unies pour l'Irak (Unami) a affirmé que de nombreuses femmes sont victimes de « crimes d'honneur » dans la région du Kurdistan irakien. Des dizaines de femmes ont été tuées pour « conduite immorale » dans les trois provinces du Kurdistan, à Dohuk, Erbil et Souleimaniyeh, affirme l'Unami dans son dixième rapport sur la situation des droits de l'Homme en Irak, couvrant le premier trimestre 2007. « De janvier à mars, l'Unami a recueilli des informations sur quelque 40 cas de crimes d'honneur présumés à Erbil, Dohuk, Souleimaniyeh et Salaheddin, où des jeunes femmes seraient mortes de brûlures accidentelles à leur domicile ou auraient été tuées par des membres de leur famille les soupçonnant de conduite immorale », selon le rapport.

GENÈVE : PREMIÈRE CONFÉRENCE INTERNATIONALE Á LA CRISE HUMANITAIRE IRAKIENNE



L'Irak s'est, le 18 avril, engagé à Genève à « ne pas abandonner » ses millions de ressortissants réfugiés à l'étranger ou déplacés à l'intérieur du pays, à qui il a promis une aide financière de 25 millions de dollars (18,4 millions d'euros). « Nous n'abandonnerons pas nos citoyens où qu'ils se trouvent », a déclaré le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari, au terme de la première conférence internationale consacrée par les Nations unies à la crise humanitaire irakienne. Les autorités de Bagdad vont notamment ouvrir des bureaux à Damas et Amman, pour contribuer financièrement aux secteurs de la santé et de l'éducation en Syrie et Jordanie, où sont réfugiés près de 2 millions d'Irakiens. Antonio Guterres, le Haut commissaire de l'ONU pour les réfugiés, s'est félicité de « l'engagement de l'Irak envers sa population », qu'il a qualifié de « grand succès de la conférence ». « C'est un pas en avant essentiel qui permet aux gens de garder vivant l'espoir d'un retour quand les conditions le rendront possible », a déclaré M. Guterres devant la presse. « Les conditions de sécurité ne sont pas réunies actuellement pour envisager un retour volontaire des réfugiés », a averti M. Guterres, pour qui « la solution du problème en Irak n'est pas d'ordre humanitaire mais politique ».

La conférence a également permis de mobiliser la communauté internationale et de couvrir les besoins du Haut commissariat pour les réfugiés irakiens, estimés à 60 millions de dollars (44 millions d'euros), a indiqué M. Guterres. L'Allemagne a annoncé qu'elle allait allouer 2,2 millions d'euros supplémentaires pour venir en aide aux réfugiés irakiens, tandis que des diplomates français ont avancé la somme d'un million d'euros. La Commission européenne a débloqué dix millions d'euros pour aider le Liban, la Jordanie et la Syrie à accueillir les réfugiés irakiens. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui a présidé cette rencontre de deux jours à Genève, chiffre à 4 millions le nombre d'Irakiens déplacés par les violences, dont la moitié hors des frontières.

A l'ouverture de la réunion, le Haut commissaire en avait appelé aux pays industrialisés, où « les Irakiens sont devenus le groupe le plus important de demandeurs d'asile ». Environ 95% des Irakiens exilés sont réfugiés au Moyen-Orient, mais le nombre de ceux qui ont fui dans les pays industrialisés a augmenté de 77% en un an, à 22.200 personnes. La question de l'accueil des réfugiés les plus vulnérables dans les pays industrialisés n'a pas reçu de réponse ferme. Les Etats-Unis ont annoncé qu'ils pourraient accueillir jusqu'à 25.000 réfugiés irakiens cette année, mais sans s'engager véritablement. La Commission européenne a indiqué être favorable à un accueil de réfugiés en Europe mais a souligné ne pas avoir « d'instrument juridique pour obliger les Etats à le faire ».