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Bulletin N° 256 | Juillet 2006

 

ERBIL : NECHIRVAN BARZANI REND HOMMAGE AUX PESHMERGAS ET INDIQUE QUE LES RELATIONS ENTRE LE KURDISTAN ET LE GOUVERNEMENT CENTRAL NE SE FONDENT QUE SUR LA CONSITITUTION IRAKIENNE.

Le Premier ministre kurde, Nechirvan Barzani, a, le 12 juillet, revendiqué le droit des Kurdes à des forces armées bien entraînées capables de les défendre. « En raison des injustices subies, notre peuple a le droit d'avoir une armée régulière entraînée selon les derniers critères militaires », a déclaré le Premier ministre en participant à une cérémonie militaire à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Il a affirmé qu'une force de défense du Kurdistan était dans la ligne de la Constitution irakienne reconnaissant le caractère fédéral de l'Irak, et assuré que le rôle des peshmergas (combattants kurdes) « diffère aujourd'hui de ce qu'il était dans le passé ».

« Dans le passé, les peshmergas défendaient la liberté de notre peuple, et aujourd'hui ils sont appelés à préserver ses acquis », a déclaré M. Barzani. « Les forces kurdes ne vont agresser personne mais elles sont là pour préserver notre peuple de la guerre », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le premier ministre irakien Nouri al-Maliki, qui était en visite à Erbil a déclaré à la presse : «Je ne vois pas le pays s'enfoncer dans une guerre civile en dépit des agissements regrettables de certains qui méconnaissent que l'Irak est uni». Il a ajouté que «les services de sécurité continuent de contrôler fermement la situation et nous voulons voir les choses évoluer vers (des compromis) politiques et non pas vers le recours à la force et nous avons la capacité, s'il le faut, d'imposer l'ordre et de réprimer ceux qui se rebellent contre l'État». M. Maliki a estimé que la question des milices pouvait être résolue dans le cadre de la réconciliation nationale, en intéressant ses membres au chantier de reconstruction du pays. Le premier ministre a nié l'existence de divergences entre le gouvernement central et le gouvernement du Kurdistan sur l'extraction du pétrole, après les récentes découvertes dans la région. « Une délégation kurde se rendra à Bagdad pour s'entendre sur une législation unique sur le pétrole». La loi fédérale héritée de la période de la nationalisation des hydrocarbures en 1972 interdit des prises de participation étrangères dans le secteur alors que les Kurdes veulent attirer des firmes étrangères. Au cours de la même conférence de presse, le Premier ministre kurde, Nechirvan Barzani, a estimé que les relations entre le Kurdistan et le gouvernement central devaient être fondées sur la Constitution.

D’autre part, la compagnie Make Oil AG a, le 9 juillet, annoncé que le Kurdistan irakien va se doter d'une raffinerie de pétrole d'une capacité de 250.000 barils par jour. Un protocole d'entente pour la construction de cette raffinerie dans la région d'Erbil a été signé entre le ministre kurde pour les ressources naturelles, Ashti Horami, et la compagnie libanaise Make Oil AG. Selon le protocole, la construction devrait durer deux ans. Make Oil AG, enregistrée au Liban depuis 1995, construit déjà une cimenterie à Dohouk, dans le Kurdistan. Sur son site, la compagnie indique être spécialisée dans le commerce du pétrole brut ainsi que la construction et la gestion de raffineries. L'accord intervient après l'annonce en avril de la découverte d'un champ pétrolier dans la région de Zakho, à la frontière avec la Turquie, le premier dans le Kurdistan fédéré.

Les gisements de Kirkouk sont exploités depuis les années 1920 mais cette province kurde n’est pas encore intégrée politiquement au Kurdistan irakien.

Le vice-ministre irakien du Pétrole, Moatassam Akram, avait alors annoncé lors d'une conférence de presse à Erbil, « la découverte du premier champ pétrolier à Zakho », à 470 km au nord de Bagdad, ajoutant que des puits ont été forés par la compagnie norvégienne DNO. Il devait produire 20.000 b/J à partir de l'année prochaine et 200.000 b/j par jour en 2008. Les autorités kurdes irakiennes avaient annoncé début mars que des négociations étaient en cours avec la compagnie pétrolière canadienne Western Oil Sands pour une concession d'exploration dans la région de Garmiane, à 120 km au sud de Souleimaniyeh. Les réserves prouvées au Kurdistan fédéré sont évaluées à 3,6 milliards de barils, soit 2,9% des réserves prouvées de l'Irak.

VIVE TENSION ENTRE LES ETATS-UNES ET LA TURQUIE : ANKARA MENACE D’INTERVENIR MILITAIREMENT AU KURDISTAN IRAKIEN.

Le conseiller du président américain à la sécurité nationale Stephen Hadley, a, le 25 juillet, indiqué que Washington et Bagdad se sont entendus pour coopérer avec Ankara et empêcher « de manière plus énergique » les combattants kurdes du PKK d'utiliser leurs bases à la frontière irako-iranienne pour frapper les intérêts turcs. La question des activités du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a été « longuement » discutée lors des entretiens entre responsables américains et irakiens en marge de la rencontre de M. Bush et du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki à la Maison Blanche, a-t-il indiqué devant la presse. « Nous avons déjà identifié des mesures qui peuvent être prises, que les Irakiens vont prendre et qu'ils vont annoncer, j'en suis sûr », a-t-il déclaré. « Nous devons pouvoir prendre des mesures concrètes pour montrer à la fois aux Irakiens et aux Turcs qu'il existe un plan pour régler ce problème. Et c'est quelque chose à quoi nous devons répondre de manière plus énergique », a-t-il ajouté. « Nous avons signifié aux Turcs que (...) nous reconnaissons le sérieux du problème qui est que les activités du PKK ont pour résultat la mort de ressortissants turcs et de membres des forces de sécurité turques. Nous n'avons pas laissé le moindre doute sur le fait que nous considérons (le PKK) comme une organisation terroriste », a-t-il déclaré.

Stephen Hadley a cependant souligné la nécessité d'une action conjointe des Américains, des Turcs et des Irakiens. Il s'agit de dissuader une incursion unilatérale turque qui risquerait de faire réagir le Kurdistan irakien. « Nous avons proposé que la question soit réglée dans ce contexte trilatéral. Je crois que les Turcs acceptent cette idée », a indiqué M. Hadley. Il a rappelé que M. Bush avait déjà donné des assurances au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. « Maintenant nous devons faire suivre les paroles d'actes », a-t-il conclu.

La Maison Blanche avait, le 22 juillet, annoncé que le président américain George W. Bush avait assuré au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan que les Etats-Unis aideraient la Turquie face au PKK. Le président américain et le Premier ministre turc ont aussi « discuté des attaques … du PKK contre la Turquie et le président a indiqué au Premier ministre que les Etats-Unis travailleraient avec la Turquie pour faire face à la menace terroriste » a ajouté une porte-parole américaine.

M. Bush et le Premier ministre turc s'étaient déjà parlé au téléphone le 20 juillet après qu'Ankara eut menacé d'une intervention de l'armée turque dans le Kurdistan irakien. Le 19 juillet, Les Etats-Unis avaient affirmé que la Turquie avait le droit de se défendre après avoir été accusés la veille par Ankara de pratiquer des doubles standards dans la région. Le communiqué diffusé par l'ambassade américaine en Turquie a néanmoins réitéré l'opposition de Washington à une intervention unilatérale de l'armée turque dans le Kurdistan irakien. « La Turquie, comme tout autre pays, a un droit et une obligation à se défendre elle-même et sa population », indique le document. Le communiqué fait suite à des remarques acerbes du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a fait remarquer la veille que les Etats-Unis soutenaient les offensives israéliennes en cours au Liban et dans les territoires palestiniens, mais pas une éventuelle action turque au Kurdistan irakien, évoquant des doubles standards. « Le terrorisme est du terrorisme partout », a-t-il martelé. « Il n'est pas possible d'être d'accord avec une mentalité bienveillante à l'égard des actes d'un pays A mais qui montre une attitude différente quand il s'agit d'un pays B (…) Au bout du compte, nous savons régler nos problèmes (…) Les autorités compétentes travaillent en conséquence (...) Nous nous tenons prêts pour d'éventuelles évolutions ».

M. Erdogan réagissait aux propos de l'ambassadeur américain Ross Wilson, qui avait estimé qu'une incursion turque en territoire kurde « ne serait pas sage » dans un entretien avec la chaîne de télévision NTV. « Le PKK n'est pas seulement le problème de l'Irak du nord, c'est un problème en Europe et c'est un problème en Turquie », a affirmé M. Wilson. « Aller s'occuper du PKK dans le nord irakien ne va pas régler le problème », a-t-il insisté. « Cela ne va pas conduire à ce que nous, l'Irak ou la Turquie voulons voir, c'est-à-dire la fin de ces activités terroristes et la fin des souffrances et des morts endurées par la Turquie ». M. Wilson a assuré que Washington avait enregistré « certains succès » dans le démantèlement des réseaux de financement du PKK et discutait avec Bagdad et les autorités kurdes irakiennes de « la nécessité d'agir pour juguler les activités du PKK et son apparente liberté de manœuvre ». « Travailler de concert avec les Etats-Unis et le gouvernement irakien peut être un élément essentiel pour le renforcement de la sécurité turque », souligne le communiqué de l'ambassade, exprimant la volonté de Washington de voir la coopération turco-américaine se poursuivre dans la lutte antiterroriste. L'avertissement intervient après qu'Ankara eut appelé le 17 juillet Bagdad et Washington à agir contre le PKK et a agité la possibilité, en cas de fin de non recevoir, d'une intervention de son armée.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a également appelé l'Otan à participer à la lutte contre le PKK. « L'Otan, de la même façon qu'elle s'est jointe à la lutte contre le terrorisme en Afghanistan, devrait (...) accomplir la même tâche ici », a déclaré le 24 juillet M. Erdogan à des journalistes de son lieu de vacances dans le Nord-Ouest de la Turquie. « Ce serait bien si nous pouvions travailler dans un effort trilatéral et obtenir des résultats », a commenté M. Erdogan. « Sinon, nous nous chargerons de nos propres problèmes ».

De son côté, le ministre irakien des Affaires Etrangères, Hoshyar Zebari, a, le 6 juillet, souligné à Athènes que son pays attendait de la Turquie qu'elle respecte son intégrité territoriale. Interrogé sur d'éventuelles incursions de l'armée turque en territoire kurde pour y chasser des combattants du PKK, M. Zebari a indiqué que « jusqu'à maintenant, selon nos informations, il n'y a pas eu de violation du territoire irakien dans sa partie nord (…) Si cela arrivait à l'avenir, alors l'Irak oeuvrera à la non-violation de ses frontières », a-t-il ajouté, à l'issue d'un entretien avec son homologue grecque, Dora Bakoyannis. « L'Irak a toujours veillé à resserrer ses liens avec la Turquie et tous ses voisins sur la base de la non-ingérence (...) tous les pays savent qu'il faut respecter la souveraineté de chaque autre pays », a-t-il poursuivi. Le ministre irakien a rappelé qu'il avait évoqué ces questions lors de sa visite à Ankara le 3 juillet. Il avait alors fait part de la volonté des deux capitales de relancer des réunions trilatérales - avec les Etats-Unis - pour lutter contre le PKK retranchés. « Ce mécanisme à trois sera de nouveau opérationnel dans les plus brefs délais et plus de réunions seront organisées, accompagnés de nouvelles mesures », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au terme d'une rencontre avec son homologue turc Abdullah Gül. M. Zebari, en visite de travail à Ankara, n'a pas précisé ce que seraient ces mesures mais a assuré que son pays était déterminé à ne pas permettre de son sol des activités menaçant la sécurité d'un pays voisin, en l'occurrence celles des membres du PKK. Il a admis que « ces gens se trouvent dans des zones qui ne sont pas entièrement sous contrôle » irakien ou américain. La dernière rencontre turco-irako-américaine sur le PKK s'est tenue en janvier 2005 à Ankara. De source diplomatique turque, on a précisé que la Turquie a demandé à M. Zebari de faire le nécessaire pour l'extradition de dirigeants du PKK dont les noms avaient déjà été remis dans une liste aux autorités irakiennes. Les deux parties ont en outre décidé d'ouvrir deux nouveaux postes-frontières d'ici à trois ans afin de décongestionner le seul actuellement existant. Enfin la Turquie a proposé à l'Irak de former sa force policière à Diyarbakir, a-t-on ajouté de source turque. Hoshyar Zebari, qui dirige sans interruption la diplomatie irakienne depuis septembre 2003, a rencontré à Ankara outre M. Gül, le président Ahmet Necdet Sezer et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Il a aussi inauguré à Istanbul le consulat général d'Irak.

L'armée turque a intensifié ses opérations contre le PKK. Au moins 94 combattants et 56 soldats turcs ont péri depuis le début de l'année dans le Kurdistan de Turquie, selon un comptage de l'AFP. Des combattants kurdes ont également revendiqué 11 attentats à la bombe dans des zones urbaines qui ont fait au total 9 morts et près de 140 blessés. Le Premier ministre turc a, le 16 juillet, annoncé que son gouvernement comptait adresser une réponse dure aux violences perpétrées selon lui par les combattants kurdes, qui ont coûté la vie le 13 juillet à treize soldats turcs dans le Kurdistan de Turquie. « Nous avons jusqu'ici essayé de traiter ce problème avec patience (...), avec une approche démocratique..., (mais) ces actions sont insupportables », a prévenu Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours télévisé à Agri. Des combattants kurdes ont tué dans la nuit du 16 juillet sept soldats et un membre d'une milice paramilitaire, dans des affrontements dans la province de Siirt, selon des responsables turcs. Le 13 juillet, cinq soldats turcs avaient été tués et quatre autres blessés, leur véhicule ayant sauté sur une mine dans la province de Bitlis. Dans la ville voisine de Bingol, un militant du PKK a été tué. A Ankara, le conseil de lutte antiterroriste, composé de ministres, de généraux et de responsables de la sécurité, et présidé par le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gul, a analysé la situation lors d'une réunion d'urgence.

M. Erdogan a plaidé à plusieurs reprises pour une résolution du conflit plus démocratique et prenant en compte le développement économique de la minorité kurde. Le gouvernement refuse cependant de négocier avec le PKK. M. Erdogan avait indiqué en avril qu'il éviterait également de dialoguer avec le principal parti politique kurde, le Parti pour une société démocratique (DTP), jusqu'à ce qu'il dénonce ouvertement le PKK comme « un groupe terroriste ».

Pendant ce temps, un soldat turc a été tué et deux autres ont été blessés le 27 juillet lors de l'explosion d'une mine survenue lors d'une opération de ratissage dans une zone rurale près de la ville de Genç, dans la province de Bingöl. Deux « gardiens de village » ont été tués le 22 juillet par l'explosion d'une mine aux abords du village de Daglica, dans la province d'Hakkari. Six combattants kurdes et deux soldats turcs ont péri les 21 et 22 juillet lors d'affrontements. Deux combattants du PKK ont été abattus par les forces de sécurité turques dans une zone montagneuse de la province de Sirnak. Quatre autres membres du PKK ont également été tués dans la province de Van lors d'une opération qui a également fait quatre blessés dans les rangs des forces de sécurité dont l’un a succombé à l'hôpital des suites de ses blessures. Un autre soldat a été tué dans la région de Sirnak par des tirs contre l'hélicoptère dans lequel il se trouvait. De plus, deux combattants du PKK et un policier ont, le 17 juillet, été tués lors de combats à Gercus, province de Batman.

Par ailleurs, Zubeyir Aydar, chef de la branche politique du PKK, a signé le 18 juillet l’Appel de Genève, renonçant aux mines antipersonnels. «Les combats dans l'est de la Turquie continuent. Renoncer à une arme dans un tel contexte témoigne d'une volonté de résoudre le conflit par d'autres moyens», s'est réjouie Elisabeth Reusse-Decrey, présidente de l'Appel de Genève. Le PKK est le 29e groupe insurgé à signer l'appel. La Turquie a protesté auprès de Mme Reusse-Decrey, jugeant les efforts de cette dernière «illégitimes et inacceptables». Pour sa part, M. Aydar a déclaré : « Nous allons respecter notre signature point par point». Mme Reusse Decrey s'était rendue dans les montagnes du Kurdistan pour faire parapher l'Appel de Genève par l'aile militaire du PKK. Concrètement, le mouvement s'engage à ne plus poser de mines antipersonnel (ce qu'il dit ne plus faire depuis 1998), à détruire les stocks en sa possession ou encore à faciliter les programmes de déminage. Les signataires sont aussi tenus d'accepter des missions de vérification. Il aura fallu plusieurs années de négociations pour parvenir à la signature. «Nous avons d'abord dû comprendre la chaîne de commandement du PKK», explique Mme Reusse-Decrey.

Les combattants du PKK voulaient aussi connaître précisément la portée des engagements contenus dans l'Appel de Genève. Ne sont visées que les mines antipersonnel. Ces armes explosent au moindre contact, qu'il s'agisse d'un militaire ou d'un civil. En revanche, l’appel n’inclue pas les engins antichars ou télécommandés à distance.

PREMIÈRE VISITE OFFICIELLE À WASHINGTON DU PREMIER MINISTRE IRAKIEN REÇU PAR GEORGE W. BUSH.

M. Maliki a, le 25 juillet, effectué sa première visite aux Etats-Unis depuis son entrée en fonction en mai dernier. Il a été reçu à Washington par le président George W. Bush pour discuter de la sécurité en Irak. Le lendemain, les Chambres du Congrès américain réunies en séance commune, ont reçu à leur tour le Premier ministre irakien. La visite de Maliki a une dimension politique importante pour les Etats-Unis, où se dérouleront à l'automne des élections parlementaires. La guerre en Irak et les appels à un retrait militaire américain devraient être des enjeux majeurs lors de ce scrutin. « Si M. Maliki n'a pas de plan crédible pour désarmer, démobiliser et réintégrer les milices, même le président Bush devrait reconnaître qu'il serait bien mieux que nos (militaires) commencent à quitter l'Irak, plutôt qu'ils prennent partie dans une guerre civile confessionnelle impossible à gagner », a souligné le sénateur démocrate Edward Kennedy. « Il faut que le président Bush explique à M. Maliki que notre engagement en Irak n'est pas indéfini », a renchéri le chef de file des démocrates au Sénat Harry Reid. Le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a, le 26 juillet, demandé au Congrès américain de l'aider à «enterrer» le terrorisme, après avoir vanté les progrès accomplis dans un discours. «Nous avons besoin de votre aide» pour la reconstruction, a plaidé M. Maliki, avant de promettre: «Je ne laisserai pas l'Irak devenir une base de lancement pour al-Qaïda et d'autres organisations terroristes.» «Soyez sûrs que l'Irak sera le tombeau du terrorisme et des terroristes, pour le bien de l'humanité», a encore lancé M. Maliki.

Alors que la guerre est de plus en plus impopulaire aux États-Unis à l'approche des élections parlementaires de novembre, et qu'un nombre croissant d'élus demandent un calendrier de retrait des troupes, M. Maliki a fait écho aux arguments de l'administration Bush, qui fait de l'Irak le front principal de la «guerre contre le terrorisme». «C'est votre devoir et notre devoir de vaincre le terrorisme », a dit M. Maliki, le destin de notre pays et du vôtre sont liés. «Nous avons choisi la démocratie », a-t-il assuré. « Nous reconstruisons l'Irak sur de nouvelles bases solides, la liberté, l'espoir et l'égalité.» Le Premier ministre irakien a déclaré que l'Irak était dorénavant en première ligne dans la guerre contre le terrorisme, et que son pays était déterminé à venir à bout de la violence sectaire. « L'Irak est en première ligne dans cette lutte, et l'histoire montrera que les sacrifices des Irakiens pour la paix n'auront pas été vains », a déclaré M. Maliki. « L'avenir de nos deux pays est lié. Si on laisse échouer la démocratie et triompher le terrorisme en Irak, alors la guerre contre le terrorisme ne pourra être gagnée nulle part », a affirmé M. Maliki. « L'Irak et les Etats-Unis ont besoin l'un de l'autre pour vaincre le terrorisme qui submerge le monde libre. Avec un partenariat, nous triompherons, car nous ne serons jamais esclaves du terrorisme puisque Dieu nous a faits libres », a déclaré M. Maliki.

Par ailleurs, lors de son étape à Londres en route vers Washington, M. Maliki a défendu son bilan réfutant l'idée selon laquelle l'Irak est le théâtre d'une guerre civile, dans un entretien à la BBC. Il a assuré qu'il ne faudrait pas attendre « des décennies, pas même des années » avant que les troupes de la coalition américano-britannique ne se retirent du pays. « Nous avons deux sortes de conflits, il y a un conflit de nature sectaire (et) un autre type de conflit (fait) simplement d'activités criminelles qui visent des innocents dans les marchés et lieux publics, et cela nécessite d'avoir une approche sécuritaire et une vision sécuritaire pour le résoudre », a-t-il expliqué.

UN GÉNÉRAL TURC, PLUSIEURS FOIS DÉCORÉ APRÈS 39 ANS DE CARRIÈRE, DÉCLARE AVOIR ORDONNÉ DES ATTENTATS À LA BOMBE DANS LE KURDISTAN PENDANT QU’IL Y ÉTAIT AUX COMMANDES.

L'armée turque a, le 28 juillet, annoncé une enquête à la suite des révélations à un hebdomadaire d'un général à la retraite qui affirmait avoir ordonné des attentats à la bombe dans le Kurdistan de Turquie pendant qu'il y était cantonné dans les années 90. La Turquie est sommée de fournir des explications sur les accusations dont font l'objet des éléments de ses forces de sécurité qui se seraient livrés à des exécutions sommaires, des extorsions de fonds, des enlèvements et de la contrebande dans le Kurdistan pendant les années 90 au moment le plus fort des combats avec le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Le général à la retraite Altay Tokat a déclaré à l'hebdomadaire Yeni Aktuel qu'il avait ordonné que des bombes soient lancées à proximité du domicile de deux fonctionnaires de la région afin de les intimider et, selon ses propos, « les convaincre de la gravité de la situation ». Le général n'a pas fourni plus de précisions sur la cible des attentats ni sur leur lieu exact. Il les a qualifiés de « soigneusement planifiés », souligné qu'ils avaient un impact « purement psychologique » et n'avaient fait aucune victime. Les remarques du général commentaient sa justification d'une attaque mortelle à la grenade contre une librairie tenue par un Kurde membre présumé du PKK à Semdinli. Deux soldats ont écopé de 40 ans de prison chacun pour ce meurtre. « Qu'est-ce que nous devons faire? Nous croiser les bras pendant que le libraire relaie des messages au PKK ? Ce lancer de grenade est un acte hors la loi? Cette loi est alors inacceptable », a conclu le général. Selon l'hebdomadaire le général a pris sa retraire en 1999 au terme de 39 ans de carrière au cours desquels il a été décoré trois fois. Il fait actuellement partie du comité exécutif du Parti d'action nationaliste (MHP-extrême droite).

NOMINATION PRÉCIPITÉE DU NOUVEAU CHEF D’ÉTAT-MAJOR TURC, YASAR BUYUKANIT, RÉCEMMENT MIS EN CAUSE POUR SES LIENS AVEC DES MILITAIRES AUTEURS D’UN ATTENTAT AU KURDISTAN.

Le général commandant des forces terrestres turques, réputé pour la radicalité de ses positions, a, le 31 juillet, été nommé chef de l'état-major turc, au terme de semaines de spéculations sur d'éventuelles manœuvres d'obstruction à sa promotion par le gouvernement issu de la mouvance islamiste. Le président Ahmet Necdet Sezer a approuvé un décret gouvernemental nommant le général Yasar Büyükanit, âgé de 66 ans, à la plus haute fonction militaire, a affirmé la présidence. Les nominations à la tête de l'armée sont scrutées de près par les analystes en Turquie, où les militaires, défenseurs autoproclamés du principe de laïcité, continuent de jouir d'une grande influence sur la vie politique, en dépit de récentes réformes d'alignement sur l'Union européenne. Les services de la présidence ont fait savoir que Yasar Buyukanit prendrait ses nouvelles fonctions le 30 août. Le Conseil militaire suprême de Turquie était censé annoncer sa nomination le 4 août, après sa réunion annuelle présidée par le Premier ministre Tayyip Erdogan. Selon des analystes, l'annonce a été faite plus tôt afin de prévenir des tensions politiques liées à cette nomination. « Le gouvernement a pris la décision avant la réunion pour dissiper les spéculations, ce qui était la bonne initiative (...) Depuis plusieurs mois, une campagne est menée contre Buyukanit », a déclaré Sedat Ergin, du journal Milliyet, à la chaîne de télévision CNN Turk. « Buyukanit penche davantage du côté américain et des préoccupations sécuritaires qu'Ozkok. Il n'est pas contre l'européanisation de la Turquie, mais il est plus nettement influencé par les tendances nationalistes », estime Huseyin Bagci, de l'Université technique du Moyen-Orient (Ankara). « Il sera beaucoup plus dur dans la lutte contre le PKK ».

Le général Büyükanit s'est retrouvé sous les projecteurs en mars quand un procureur a réclamé une enquête sur des liens entre lui et des éléments incontrôlés de l'armée, auteurs d'un attentat visant à créer des tensions dans le Kurdistan de Turquie. M. Büyükanit est perçu comme un «faucon» bien plus déterminé à en découdre avec l'AKP que son prédécesseur, Hilmi Özkök. Le général est également connu pour son franc-parler ce qui renforce la perspective d'une répression accrue contre les Kurdes. Yasar Buyukanit remplace le général Hilmi Ozkok, qui a contribué à préserver un calme relatif dans l'armée au cours d'une période de délicates réformes libérales - et notamment de réduction des effectifs militaires - visant à préparer la Turquie à une entrée dans l'Union européenne. L'opposition ataturkiste, le Parti de la république du peuple (CHP) et les medias turcs ont balayé les accusations en reprochant au procureur d'agir pour le compte du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, dans le but de discréditer le général et d'empêcher son accession à la tête de l'état major. L'armée a rejeté les allégations «mal intentionnées» du procureur - par la suite radié par ses pairs du ministère public - et exclu la possibilité d'une enquête visant le chef de l'armée de terre. Certains observateurs ont cependant vu dans le geste du procureur l'effondrement salutaire d'un tabou protégeant l'armée de toute critique. Les militaires turcs ont dirigé trois coups d'État - en 1960, 1971 et 1980 - et ont, en 1997 poussé à la démission le premier gouvernement islamiste de l'histoire de la Turquie, un coup d’État appelé post-moderne par les généraux turcs.

BAGDAD : LA COMMISSION DE RÉCONCILIATION NATIONALE ENTAME SES TRAVAUX ALORS QUE LA QUESTION DE L’AMNISTIE DEMEURE UN POINT DE DISCORDE ENTRE LES LEADERS POLITIQUES.

La Commission de réconciliation irakienne, formée des principaux acteurs politiques irakiens, a entamé ses travaux le 22 juillet. Le président irakien Jalal Talabani a affirmé à la presse à l'ouverture de ses travaux que « la commission va commencer son travail, organiser des réunions de travail et lancer une campagne de réconciliation ». Une trentaine de personnalités dont M. Talabani, le Premier ministre Nouri al-Maliki, les leaders des principaux groupes parlementaires, des chefs tribaux et des représentants de la société civile ont participé à la réunion qui doit mettre en œuvre le plan de réconciliation, lancé par M. Maliki le 25 juin. Les objectifs comprennent notamment « le dialogue entre ceux qui ne partagent pas les mêmes positions politiques, l'arrêt des liquidations sommaires et le recours à la loi pour résoudre les conflits ». De son côté, le grand ayatollah Ali Sistani, chef spirituel chiite d'Irak, a, le 20 juillet, appelé à un arrêt des violences communautaires en Irak, mettant en garde contre un maintien prolongé des forces américaines dans le pays. Dans le même temps, le conseiller irakien à la sécurité nationale Mouwafak al-Roubaie a affirmé que huit des dix-huit provinces du pays passeraient sous le contrôle des forces irakiennes avant la fin de l'année. La responsabilité de tout le pays sera transférée au cours du premier semestre de l'année prochaine.

Le 25 juillet, des représentants des principales communautés et des minorités irakiennes ont entamé au Caire des discussions sur les moyens d'aboutir à une réconciliation et de mettre fin aux violences qui menacent de diviser l'Irak. Une trentaine de délégués représentant les communautés chiite, sunnite, kurdes et d'autres minorités participent à ces pourparlers parrainés par la Ligue arabe. Le sous-secrétaire général de la Ligue arabe Ahmed Ben Heli a précisé que ces trois jours de discussions visaient à élaborer un programme pour la réunion du mois d'août qui devrait bénéficier de la présence d'anciens partisans de l'ex-président irakien Saddam Hussein. Nombre de délégués se sont dits sceptiques quant à l'issue positive de ces entretiens, et certains se sont plaints de préparatifs insuffisants. La Ligue arabe les considère comme « une vitrine » servant des « objectifs de propagande » mais elle « n'a rien de concret », a souligné un délégué sous couvert de l'anonymat.

De plus, une conférence des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de l'Irak avait, le 8 juillet, été ouverte à Téhéran, où les participants ont discuté notamment de la situation sécuritaire en Irak et du retrait des troupes étrangères de l'Irak. Prenant la parole à la cérémonie d'ouverture de la conférence, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a appelé les parties concernées à apporter leur soutien au nouveau gouvernement irakien et à s'efforcer d'aider le pays à rétablir la paix et la stabilité, qualifiant le problème irakien de l'un des essentiels défis auxquels est confrontée la communauté internationale. La conférence a été présidée par le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki. L'Irak, l'Arabie saoudite, la Syrie, la Jordanie, le Koweït, la Turquie, l'Egypte et Bahreïn étaient représentés à cette rencontre de deux jours par leurs ministres des Affaires étrangères. Les représentants de l'ONU, de la Ligue arabe et de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) y ont été également présents. La conférence s’est achevée sans résultats concrets.

Par ailleurs, le leader chiite irakien Abdel Aziz Hakim a marqué sa différence avec son allié, le Premier ministre Nouri al-Maliki, sur la question de l'amnistie prévue par un plan de réconciliation nationale, lors d'un entretien le 3 juillet. M. Hakim, chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), pilier du gouvernement avec le parti Dawa de M. Maliki, s'est aussi montré critique par rapport à la manière dont l'armée américaine conduit ses opérations en Irak. A la question de savoir si les auteurs d'attaques contre les soldats américains devaient bénéficier de l'amnistie, M. Hakim a répondu: « Oui et quels que soient leurs orientations» alors que M. Maliki les a exclus. En même temps, le leader chiite a rejeté toute réconciliation avec les fidèles du président déchu Saddam Hussein et des extrémistes sunnites. « Aucune trêve et aucun dialogue ne sont possibles avec les baassistes criminels, ceux qui sont fidèles à Saddam, ou avec les takfiris», a-t-il souligné avec force. Sur un autre plan, M. Hakim s'est montré sceptique sur la possibilité de dialoguer avec des groupes armés. « Je ne connais pas de groupes armés qui n'aient pas commis de crimes contre le peuple irakien et s'il y a une résistance, comme le prétendent certains, qu'elle se montre». « Tous les mouvements de résistance dans le monde arabe se sont fait connaître et les peuples en étaient fiers. Et si de tels mouvements existent en Irak, la porte du dialogue leur serait ouverte mais je n'ai aucune preuve de leur existence», a-t-il ajouté. M. Hakim a aussi défendu son idée d'une autonomie de la région chiite située au sud de Bagdad et riche en pétrole. « Il n'y aura pas de concession sur le fédéralisme» qui a été reconnu par la Constitution, a-t-il indiqué. Selon lui, « l'existence d'une région autonome kurde dans le nord risque de créer un déséquilibre» et les Arabes sunnites n'ont rien à craindre d'une région chiite. « J'ai été le premier à défendre un partage des richesses par le gouvernement central».

En publiant une liste de 41 « criminels», les autorités irakiennes ont montré qu'elles recherchaient en priorité les cadres du régime déchu de Saddam Hussein, alors que les militaires américains préfèrent traquer les islamistes. Plus de la moitié des noms rendus publics le 2 juillet par le conseiller à la sécurité nationale Mouaffak al-Roubaie sont des affidés de Saddam Hussein, y compris des membres de sa propre famille. En revanche, ne figurent qu'une poignée de djihadistes d'Al-Qaïda et d'Ansar al-Sunna, et, pour ces derniers, les montants des primes sont médiocres, si on les compare à celles offertes pour les baassistes.

« Je pense que l'Irak sait mieux qui sont ses ennemis», a estimé Joost Hiltermann, directeur pour le Moyen-Orient de l'International Crisis Group. « Si la liste contient surtout des noms de baassistes c'est parce que les Irakiens sont convaincus que ceux qui leur ont fait du mal dans le passé alimentent aujourd'hui l'insurrection», a-t-il ajouté. Le plus gros pactole, 10 millions de dollars, est offert à celui qui permettra de mettre la main sur Izzat Ibrahim al-Douri, numéro deux de l'ancien régime, toujours en fuite, considéré comme un chef opérationnel des terroristes. Le nouveau patron d'Al-Qaïda en Irak, l'Egyptien Abou Ayyoub al-Masri, en qui les Américains voient leur « ennemi numéro un», n'arrive, lui, qu'en 30e position. Le deuxième de la liste est peu connu : Mohammed Younès Al-Ahmed est présenté comme l'homme ayant reconstitué le parti Baas dissous. Le troisième, Taher Jalil Habbouch al-Tikriti, ancien directeur des services de renseignements, est le financier du Baas. Leurs têtes sont mises à prix pour un million de dollars. Les Irakiens soupçonnent aussi Raghad et Sajida, fille et femme de l'ancien dictateur, vivant respectivement à Amman et Doha, de financer l'insurrection. « Ces fugitifs ont commis des crimes contre le peuple irakien», a expliqué le député kurde Mahmoud Osmane. « C'est très important qu'ils soient traduits en justice car, pour nous, les baassistes sont des criminels», a-t-il ajouté.

Les extrémistes islamistes accusés d’être les auteurs des plus gros carnages depuis 2003, se trouvent en queue de peloton. Avec seulement 50.000 dollars pour la capture du successeur d'Abou Moussab al-Zarqaoui. « Al-Qaïda est un peu désemparée après la mort de Zarqaoui et Masri est nouveau à son poste. S'il se montrait dangereux, la prime pourrait augmenter», a expliqué M. Hiltermann. « Pour le moment, les Irakiens traquent les dignitaires de l'ancien régime, mais je n'ai pas le sentiment d'une chasse aux sorcières contre tous les anciens baassistes dont beaucoup sont innocents», a-t-il assuré. M. Roubaïe partage cette opinion. « Nous ne poursuivons que les éléments-clés et si nous les attrapons, je vous assure que 90% des attaques cesseront», a-t-il confié. Les divergences sont visibles quand il s'agit de déterminer les auteurs des violences. « Les Américains ne perçoivent pas les baassistes comme nous car ils furent amis dans le passé. Pour eux, Al-Qaïda est la menace principale», a résumé Mahmoud Osmane. Les Etats-Unis affirment que seule une petite partie de leurs soldats traquent Al-Qaïda et que les autres coordonnent leurs actions avec le gouvernement irakien. « Il fixe les priorités et nous travaillons en collaboration avec lui», a souligné le porte-parole de la Force Multinationale, le général américain William Caldwell. « Quand nous disons que nous ciblons les membres d'Al-Qaïda, nous n'utilisons pour cela que des forces spéciales, mais la vaste majorité des 127.000 soldats américains opèrent sous la direction du gouvernement» irakien, a-t-il ajouté.

Par ailleurs, le gouvernement irakien et les Nations unies ont, le 27 juillet, annoncé le lancement formel d'un Contrat d'objectifs pour l'Irak destiné à développer un nouveau partenariat entre ce pays et la communauté internationale. Ce contrat, soutenu par la Banque mondiale, « permettra, au cours des cinq prochaines années, à la communauté internationale et aux organisations multilatérales d'aider l'Irak à réaliser son projet national», ont souligné le gouvernement irakien et l'ONU dans un communiqué commun. Il s'agit avant tout de créer un cadre pour permettre le développement de l'économie irakienne et son intégration dans l'économie régionale et internationale. «Il est prévu que le gouvernement d'Irak présente le contrat finalisé, incluant les principales priorités, les étapes et les engagements, d'ici à la fin 2006», précise le communiqué.

De plus, le Finlandais Ilkka Uusitalo a été nommé le 17 juillet le chef de la nouvelle délégation de la Commission européenne (CE) en Irak, selon un communiqué de presse de la Commission européenne. M. Uusitalo, membre expérimenté de la Commission, a servi tout récemment en tant que chef de délégation au Pakistan. Il va remplacer Mme Ana Gallo, ancienne chargée d'affaires de la CE en Irak. L'une des tâches les plus urgentes de M. Uusitalo va consister à participer aux préparatifs du pacte international pour l'Irak, qui sera examiné dans les prochains jours à Bagdad, a indiqué Mme Benita Ferrero-Waldner, la commissaire chargée des relations extérieures et de la politique européenne de voisinage. Selon ce document, M. Uusitalo avait dirigé les délégations de la Commission européenne au Pakistan, au Sri Lanka et aux Maldives. Il a exercé au préalable diverses fonctions dans la Croix-Rouge, au siège comme sur le terrain, en Iran et dans d'autres pays. Depuis la chute de Saddam Hussein, la CE a versé 720 millions d'euros à la reconstruction de l'Irak. Le programme de 200 millions d'euros récemment annoncé pour l'année 2006 vise à améliorer la qualité de vie de la population iraquienne, relève ce communiqué.

BILAN MAI-JUIN EN IRAK : L’ONU S’INQUIÈTE DE L’ESCALADE DES VIOLENCES INTERCOMMUNAUTAIRES.

Selon un rapport des Nations unies rendu public le 18 juillet, près de 6.000 civils ont trouvé la mort en Irak en mai et juin, une hausse du nombre de décès qui reflète l'escalade des violences intercommunautaires. Le rapport de la Mission d'assistance de l'ONU pour l'Irak (UNAMI) détaille le bilan de l'instabilité et de l'insécurité dans le pays, où se multiplient les assassinats, attentats, enlèvements, tortures et intimidations. Des centaines d'enseignants, juges, chefs religieux et médecins ont notamment été pris pour cible. « Tout en saluant les récentes mesures positives prises par le gouvernement pour encourager la réconciliation nationale, le rapport tire la sonnette d'alarme quant au nombre grandissant de victimes au sein de la population civile tuées ou blessées lors d'attaques perpétrées au hasard ou ciblées par des terroristes ou insurgés », observent les Nations unies.

Selon le rapport, 2.669 civils ont été tués en mai et 3.149 en juin. Ces bilans combinent les chiffres du ministère de la Santé, dont les données proviennent des hôpitaux, et ceux de l'Institut médico-légal de Bagdad, qui dénombre les corps non identifiés. L'UNAMI se préoccupe également de la hausse des enlèvements, notamment de masse, ainsi que d'un recul des droits des femmes. Le rapport montre que le nombre de civils tués en Irak a progressé ces derniers mois, de 710 en janvier à 1.129 en avril. Au cours du premier semestre, 14.338 personnes ont été tuées.

Le Parlement irakien, réuni le 15 juillet à Bagdad, a voté une prolongation de l'état d'urgence pour 30 jours à partir du 3 juillet en Irak, à l'exception de la région autonome du Kurdistan. Ce vote est intervenu à la demande du Premier ministre Nouri al-Maliki et du Conseil de la présidence en raison de la mauvaise situation de la sécurité du pays, a indiqué le président du Parlement, Mahmoud al-Machhadani. L'état d'urgence avait été décrété pour la première fois par le gouvernement transitoire du Premier ministre Iyad Allaoui avant une offensive en novembre 2004 contre Falloujah, à l'ouest de Bagdad. Il a été renouvelé tous les 30 jours depuis par le chef du gouvernement mais avec l'élection d'un Parlement permanent le 15 décembre dernier, il a besoin d'être approuvé par les députés, conformément à la Constitution. L'état d'urgence donne au pouvoir exécutif de larges prérogatives, lui permettant notamment d'imposer des restrictions sur les déplacements des personnes, des réunions publiques et d'ordonner des arrestations et des opérations de recherche.

Entre le 17 juin et le 14 juillet, la capitale irakienne a, de loin, concentré le plus d'attaques au mètre carré et le plus de morts et de blessés au mètre carré de l'ensemble de l'Irak, selon des statistiques américaines. Le plan de sécurisation de Bagdad « En-avant ensemble », lancé le 14 juin et qui était une « priorité » du Premier ministre irakien n’est pas un succès: la violence a progressé de 40% entre le début du plan et la mi-juillet. Les Américains vont désormais jeter plus de forces dans la bataille pour tenter d'enrayer la spirale de violence. Il y a actuellement en moyenne 70 attaques par jour dans la capitale irakienne en additionnant voitures piégées, engins artisanaux et échanges de coups de feu. Ce bilan ne compte pas les enlèvements sans coups de feu qui se terminent dans beaucoup cas sinon la majorité des cas par des exécutions sommaires. Le président George W. Bush a annoncé le 25 juillet le transfert de troupes américaines de la province irakienne vers Bagdad pour faire face au regain de violence dans la capitale d'un pays menacé de guerre civile, de l'aveu même de son Premier ministre Nouri al-Maliki. En termes clairs, il doit pallier l'échec du plan de sécurisation de Bagdad mis en oeuvre, l'une de ses toutes premières initiatives de chef de gouvernement.



De son côté, le ministère irakien des émigrés et des déplacés a, le 20 juillet, fait savoir que la recrudescence des violences en Irak a porté le nombre des déplacés à 162.000 personnes au moins. La veille, Washington et les Nations unies s'étaient inquiétés de la multiplication des violences religieuses et d'un afflux « dangereux » de personnes déplacées, auxquelles 32.000 Irakiens sont venus s'ajouter au cours des trois dernières semaines. Le grand ayatollah Ali Sistani, chef spirituel de la communauté chiite d'Irak, a lui aussi dénoncé des « campagnes de déplacement ». Le nombre de 162.000 personnes est déduit des 27.000 familles qui ont sollicité de l'aide auprès du ministère irakien des émigrés et des déplacés depuis le 22 février, date du bombardement de la mosquée chiite de Samarra. Par ailleurs, la morgue de Bagdad a annoncé le 21 juillet avoir reçu un millier de cadavres du 1er au 18 juillet, nouvel indice d'une d'intensification des violences dans la capitale irakienne. Plus de 55 corps ont été ramenés à la morgue en moyenne chaque jour en juillet, contre 53 en juin, 44 en mai et 39 en avril.



Par ailleurs, des experts budgétaires du Congrès américain ont, le 13 juillet, déclaré que la guerre en Irak pourrait encore coûter aux Etats-Unis entre 202 et 406 milliards de dollars d'ici 2016 et que cela dépendra de la rapidité du rapatriement des forces américaines. Si le contingent américain peut passer dès 2007 de 190.000 à 140.000 militaires, avant un retrait complet en 2009, l'intervention en Irak coûtera encore 166 milliards de dollars jusqu'en 2016, d'après les estimations du Bureau du budget du Congrès (CBO). Si le retrait est plus lent, le coût des opérations passera alors à 368 milliards de dollars. A ces chiffres, le CBO ajoute notamment les frais liés au financement des forces irakiennes et à l'aide au développement ainsi que les diverses pensions à verser aux militaires américains. La guerre déclenchée en 2003 a jusqu'à présent coûté près de 300 milliards de dollars, d'après le CBO. Cet organisme a souligné que sa tâche avait été rendue plus difficile que d'habitude en raison de la rareté des informations fournies par l'administration du président George Bush. Avant l'intervention militaire, le conseiller économique de la Maison blanche de l'époque, Lawrence Lindsey, avait estimé le coût de cette opération entre 100 et 200 milliards de dollars. D'autres proches de George Bush avaient immédiatement réfuté cette évaluation, jugée bien trop élevée.

DAMAS : LES AUTORITÉS SYRIENNES LIBÈRENT MASSOUD HAMED, PRIX REPORTERS SANS FRONTIÈRE, APRÈS TROIS ANS DE PRISON ET DE TORTURE.

Un étudiant kurde syrien a été libéré le 23 juillet après avoir purgé trois ans de prison pour avoir publié sur Internet les photos d'une manifestation à Damas, a annoncé selon l'Organisation nationale des droits de l'Homme en Syrie (ONDHS). « Les autorités ont libéré Massoud Hamed, qui avait été condamné en 2003 à trois ans de prison par la Cour de sûreté de l'Etat pour avoir publié sur Internet (les photos d'une) manifestation d'enfants kurdes », a indiqué Ammar Qorabi, président de l'ONDHS, dans un communiqué. Massoud Hamed, 30 ans, étudiant en journalisme à Damas, avait été accusé par la Cour de sûreté de l'Etat, un tribunal d'exception, d' « appartenir à une organisation secrète » et d'avoir « tenté de rattacher une partie du territoire syrien à un pays tiers », selon le communiqué. Ces accusations sont portées systématiquement contre les Kurdes, soulignent des militants des droits de l'Homme syriens. L'ONDHS a appelé « les autorités à libérer tous les prisonniers de conscience en Syrie ». Massoud Hamed était détenu à la prison de Adra, dans la banlieue de Damas. Le journaliste a passé sa première année de détention à l’isolement. Il aurait été torturé à répétition dans le mois qui a suivi son arrestation. Il aurait notamment été frappé sur la plante des pieds avec un fouet clouté. En raison de ces mauvais traitements, Massoud Hamed a aujourd’hui les pieds entièrement paralysés, il souffre de vertiges et de maux de dos. Par ailleurs, il n’est pas autorisé à porter ses lunettes, une interdiction qui a entraîné une grave baisse de son acuité visuelle. Massoud Hamed avait obtenu le prix Reporters sans frontière qui a mené une campagne sans relâche pour le libérer.

De plus, le président de l'Organisation syrienne de défense des droits de l'Homme, Me Mohannad al-Hassani, a, le 7 juillet, déclaré que les autorités syriennes ont arrêté une jeune Kurde soupçonnée d'appartenir au Parti de l'union démocratique. « Les services de renseignements ont arrêté (la veille) Faydane Abdel Rahmane Qoumboz, vraisemblablement pour son activisme au sein du Parti de l'union démocratique de Syrie » a déclaré M. Hassani. Ce parti kurde est né d'une scission au sein du parti clandestin Yakiti (Unité). La militante de 24 ans est originaire de la région d'Afrin dans le gouvernorat d'Alep. De violents affrontements dans ce gouvernorat ainsi qu'à Qamichli entre manifestants kurdes et forces de l'ordre ont fait 40 morts en mars 2004 selon des sources kurdes, et 25 morts selon les autorités. « Nous réclamons la libération de la citoyenne Faydane Abdel Rahmane Qoumboz ou sa poursuite devant une cour impartiale susceptible de garantir un jugement équitable au cas où il existerait une justification légale à un tel jugement », a ajouté M. Hassani. « Nous condamnons les arrestations politiques sous toutes leurs formes et appelons les autorités à clore définitivement ce dossier », a encore indiqué l'avocat.

Par ailleurs, le procès de l'opposant syrien Kamal Labouani, accusé de contacts avec les États-Unis en vue d'inciter à «une agression contre la Syrie», s'est poursuivi les 17 puis le 25 juillet à Damas, a indiqué l'Organisation nationale des droits de l'Homme en Syrie (ONDHS). Kamal Labouani, fondateur du Rassemblement libéral démocratique en Syrie, a été arrêté en novembre 2005 à l'aéroport international de Damas. Il rentrait d'une tournée en Europe et aux États-Unis où il s'était notamment entretenu avec le conseiller adjoint à la sécurité nationale du président américain George W. Bush. Son procès s'est ouvert le 11 mai à Damas. Les accusations contre M. Labouani sont fondées sur ses rencontres avec des responsables européens et américains et sur des déclarations qu'il a faites, notamment sur la télévision satellitaire américaine al-Hurra. M. Labouani avait été emprisonné pendant trois ans pour avoir participé au «Printemps de Damas», la brève période de libéralisation qui a suivi l'accession de Bachar al-Assad à la présidence en 2000.

D’autre part, treize membres des Frères musulmans (interdits) ont été libérés en Syrie, selon, Mohannad al-Hassani, qualifiant cette mesure de signe «positif». «Les autorités syriennes ont libéré treize prisonniers islamistes, membres des Frères musulmans, incarcérés depuis 1981-1983», a, le 7 juillet, déclaré Me Mohannad al-Hassani, sans préciser leur dates exactes de libération. Les Frères musulmans syriens ont été durement réprimés en février 1982 à Hama, au nord de Damas, avec plusieurs milliers de morts et d'arrestations dans cette ville prise d'assaut par l'armée. La loi 49 de 1980 prescrit la peine de mort contre les membres de la confrérie interdite. Depuis le milieu des années 1990, les Frères musulmans condamnés à mort ne sont plus exécutés, leurs sentences étant commuées en longues peines de prison. En outre, M. Hassani a indiqué que Souheir Atassi (présidente du Forum Atassi pour le dialogue démocratique), Samar Labouani (épouse de l'opposant emprisonné Kamal Labouani), l'ancien député Riad Seif, le docteur Walid al-Bounni et l'ingénieur Fawaz Tello avaient été informés qu'ils ne pouvaient pas quitter le territoire syrien. M. Hassani, qui affirme qu'«aucune loi (...) ne stipule l'interdiction de voyager», a appelé les autorités à «annuler cette mesure punitive».

ISTANBUL : UNE JOURNALISTE TURQUE POURSUIVIE POUR AVOIR DÉFENDU LE DROIT A L’OBJECTION DE CONSCIENCE, UN AUTRE CONDAMNÉ POUR « INSULTE A L’IDENTITÉ TURQUE ».

Un tribunal d'Istanbul a, le 27 juillet, acquitté la journaliste et romancière turque Perihan Magden, poursuivie sur une plainte de l'état-major des armées pour avoir défendu dans un article le droit à l'objection de conscience en Turquie. La cour a estimé que Mme Magden n'était pas sortie des limites de la liberté d'expression et que le délit de « décourager le peuple du service militaire par voie de presse », pour lequel elle encourait jusqu'à trois ans de prison, n'était pas constitué, a déclaré son avocat Me Fikret Ilkiz. Dans un article publié en décembre par l'hebdomadaire Yeni Aktüel, l'auteur de plusieurs romans à succès, dont « Le Roman de deux Jeunes Filles » (2002), avait pris la défense d'un militant homosexuel refusant d'accomplir le service militaire obligatoire et proposé que soit offerte comme solution de remplacement la possibilité d'un service civil.

Tout citoyen turc est appelé sous les drapeaux à partir de 18 ans pour servir de six à 15 mois selon son niveau d'éducation. La Turquie ne reconnaît pas le droit à l'objection de conscience, les réfractaires pouvant encourir jusqu'à cinq ans de prison. Lors de la première audience du procès, début juin, Mme Magden avait été conspuée dans les couloirs du tribunal par des manifestants nationalistes l'accusant de faire le jeu du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Un important dispositif policier a été établi autour de la salle d'audience, a indiqué Me Ilkiz, précisant que Mme Magden n'avait pas assisté à l'audience.



De plus, la Cour de cassation turque a confirmé la condamnation à six mois de prison avec sursis d'un journaliste arménien de Turquie, Hrant Dink, accusé d'«insulte à l'identité turque», a, le 12 juillet, indiqué son avocate. M. Dink, directeur de la publication du journal bilingue turc-arménien Agos à Istanbul, devra aller en prison s'il est condamné pour des délits similaires dans les cinq prochaines années, a expliqué Fethiye Cetin. «C'est une décision regrettable pour la Turquie», a-t-elle commenté.

M. Dink a été condamné en octobre 2005 par un tribunal d'Istanbul pour un article paru le 13 février 2004 dans son journal. Dans cet article consacré à la mémoire collective des massacres d'Arméniens commis entre 1915 et 1917 en Anatolie pendant l'empire ottoman, le journaliste appelait les Arméniens à «se tourner maintenant vers le sang neuf de l'Arménie indépendante», seule capable de les libérer du poids de la Diaspora. Saisie en appel, une chambre de la Cour de cassation a décidé de casser le jugement en raison de vices de procédure. Le procureur de cette cour avait pourtant réclamé qu'il soit acquitté, mais les juges ont finalement décidé de confirmer la peine de prison, selon Me Cetin. La question arménienne est particulièrement sensible en Turquie, qui rejette l'emploi du terme «génocide» pour qualifier les événements alors même que plusieurs pays ont en revanche officiellement reconnu le génocide. M. Dink est visé par une deuxième procédure en justice. Il est actuellement jugé à Istanbul pour «tentative d'influencer la justice» pour avoir commenté ses propres démêlés judiciaires. Il encourt jusqu'à trois ans de prison.

STRASBOURG : SÉRIE DE CONDAMNATIONS DE LA TURQUIE POUR VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a, le 27 juillet, condamné la Turquie pour n'avoir pas sanctionné des gardes de village qui avaient abattu un homme soupçonné à tort d'être un « terroriste » kurde, selon la terminologie officielle. La CEDH a jugé que la Turquie avait violé l'article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l'homme. Agé de 52 ans, Mehmet Mihdi Bilgin avait été tué en 1994 dans la province kurde de Batman par des gardes de villages qui expliquèrent qu'ils l'avaient abattu dans un contexte d'opérations armées du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

En 1995, dix gardes firent l'objet de poursuites pénales pour homicide volontaire et furent renvoyées devant les assises, mais en 1997 la cour d'assises suspendit le jugement en arguant du fait qu'ils avaient commis un délit dans l'exercice de leurs fonctions. L'année suivante, le conseil administratif de Besiri, l'un des villages concernés, décida qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites. La CEDH a estimé que le comportement des gardes demeurait « injustifiable, même dans un contexte dit du « feu de l'action » » et a mis en avant les « flagrantes contradictions dans la version des faits données par les autorités turques ». Au delà de la violation du droit à la vie, la Cour a également conclu à la violation de l'article 2 en raison de l'absence d'enquête effective menée sur l'affaire et à celle du droit à un recours effectif (article 13). Elle a alloué 9.000 euros à l'épouse du défunt, 6.000 euros à sa fille et 4.000 euros à chacun de ses six autres enfants pour préjudice matériel et moral

Par ailleurs, la Turquie a, le 25 juillet, été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour avoir condamné en 2000 un journaliste et un propriétaire de journal pour des articles jugés pro-kurdes. La CEDH a jugé que la Turquie avait enfreint l'article 10 (liberté d'expression) de la Convention Européenne des droits de l'homme en poursuivant le rédacteur en chef et le propriétaire du journal Özgür Bakis pour « propagande séparatiste ». Ce journal avait notamment publié une lettre et un article d'un responsable du PKK évoquant la lutte armée de ce mouvement ainsi que le déroulement du procès du leader du PKK, Abdullah Ocalan. Pour ces faits, Cihan Capan, le rédacteur en chef avait été condamné en 2000 à une peine de 13 mois de prison et à plusieurs amendes tandis que le propriétaire du journal Halis Dogan s'était vu infliger plusieurs amendes. Le journal fut d'abord saisi puis interdit de publication pendant trois jours. Tout en reconnaissant certains des articles brossaient « un tableau des plus négatifs de l'Etat turc », la Cour a estimé que les motifs retenus par les autorités turques ne pouvaient être considérés comme « suffisant pour justifier l'ingérence dans le droit des requérants à la liberté d'expression ». Elle a notamment relevé que les articles n'exhortaient « pas à l'usage de la violence, ni à la résistance armée, ni au soulèvement ». La peine de prison infligée à M. Dogan n'avait jamais été exécutée, ce dernier ayant quitté la Turquie pour la Suisse où il réside désormais. La Cour a alloué 5.000 euros à M. Capan et 7.000 euros à M. Dogan pour préjudice moral.

La Cour européenne a également jugé que la Turquie avait violé la liberté d’expression de l’ancien Premier ministre turc, Necmettin Erbakan. Condamné dans son pays pour des propos jugés haineux, Necmettin Erbakan, a obtenu gain de cause à Strasbourg, où la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a, le 6 juillet, estimé que ses droits à la liberté d'expression et à un procès équitable avaient été violés. M. Erbakan, qui fut Premier ministre de Turquie de juin 1996 à juin 1997, avait été condamné en 1998 à une peine prison pour des propos jugés haineux tenus alors qu'il était président du Refah Partisi (Parti de la Prospérité), une formation dissoute la même année pour « activités contraires aux principes de laïcité ». Selon l'accusation, le dirigeant islamiste avait en 1994, dans le cadre d'élections municipales à Bingöl, incité le peuple à la haine en tenant notamment des propos sur les différences entre religions. Un enregistrement, qui est consigné dans l'arrêt bien que son authenticité ait été contestée, indique qu'il aurait déclaré qu'en votant pour le Refah, les électeurs ne deviendraient pas « les esclaves des chrétiens ». Il aurait également reproché aux autres partis d'être « amoureux de l'infidèle ».

Le 10 mars 2000, la cour turque de sûreté de l'Etat avait conclu qu'en distinguant entre « croyants » et « non croyants », M. Erbakan avait dépassé les limites admissibles de la liberté de la discussion politique. Condamné à un an de prison il bénéficia en janvier 2001 d'un sursis à l'exécution de cette peine. La Cour européenne a indiqué dans son arrêt avoir tenu compte de « la très sévère sanction infligée à cet homme politique notoire », jugée hors de proportion avec « l'intérêt de la société démocratique d'assurer le libre jeu du débat politique ». S'il est « crucial » que les hommes politiques évitent de diffuser en public des propos intolérants il faut également tenir compte du « caractère fondamental du libre jeu du débat politique » avant de prononcer une sanction lourde, a-t-elle ajouté. La Cour européenne a en outre estimé qu'il n'était pas établi qu'au moment de l'engagement des poursuites, déclenchées 4 ans après, le discours incriminé engendrait « un risque actuel » et un danger « imminent » pour la société. Invoquant la Convention européenne des droits de l'homme, M. Erbakan soutenait par ailleurs que sa cause n'avait pas été jugée par un tribunal indépendant et impartial et, conformément à sa jurisprudence constante, la Cour de Strasbourg a sanctionné la présence d'un militaire parmi les magistrats de la Cour de sûreté de l'Etat qui avait prononcé la sentence. Cette présence constitue pour les juges de Strasbourg « un motif légitime de redouter un manque d'indépendance et d'impartialité de cette juridiction ».

De plus, la Cour européenne des droits de l'homme a, le 3 juillet, également pris une décision encourageant l'Etat turc à supprimer les cours de « culture religieuse et morale » pour les jeunes alévis. Les jeunes alévis étaient obligés jusqu'à aujourd'hui d'assister à des cours sur l'islam sunnite. En conséquence, les alévis avaient lancé en 2005 une campagne pour interdire ces cours de religion. La décision de la Cour européenne des droits de l'homme arrive à point nommé. Le quotidien Hürriyet cite le ministre de l'Education nationale turc, Hüseyin Celik, qui affirme qu'à partir de l'année prochaine les cours de « culture religieuse et morale » seront ouverts aux croyances des alévis. On trouvera dans les ouvrages scolaires les fondamentaux de la doctrine chiite, des références à Fatima [la fille du prophète Mahomet, épouse de l'imam Ali, lequel est à l'origine du chiisme], l'histoire de sa famille... » En revanche, le ministre estime que, « puisque 99 % des habitants du pays sont musulmans, il ne peut pas donner une place égale à toutes les religions ». Par ailleurs, le quotidien indique que « l'application de la décision prendra du temps ». Dans la Constitution turque, imposée par les auteurs du coup d’État militaire de 1980, il est inscrit que les cours de religion sont obligatoires en primaire et au collège. Il faudra donc peut-être changer la Constitution. Pour l'instant, le journal rapporte que les parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants à ces cours peuvent « en exprimer le souhait » à l'administration. Le secrétaire général de la Fédération des alevis, Fevzi Gümüs, cité dans Hürriyet, a déclaré que la prise de position de la Cour était « une avancée dans le combat », mais que, « dans une éducation moderne, scientifique, démocratique et laïque, les cours de culture religieuse et morale doivent êtres supprimés ».

AINSI QUE...

LA PRINCIPALE FORMATION KURDE DE TURQUIE, LE PARTI POUR UNE SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE (DTP), DANS LE COLLIMATEUR DES AUTORITÉS TURQUES.



La police turque a, le 30 juillet, placé en détention quelque 130 personnes lors d'une réunion organisée par le principal Parti kurde du pays, arguant que cet événement était lié au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La police a affirmé que la réunion, qui s'est tenue à Urfa avait été organisée au nom d'une « organisation terroriste », terme utilisé pour désigner le PKK. Le Parti pour une société démocratique (DTP), principale formation pro-kurde du pays, a déclaré que le seul but de cette réunion était d'avoir un débat sur les problèmes de la ville. Les détenus doivent comparaître devant un tribunal et certains pourraient être accusés d'actes criminels, ont indiqué les mêmes sources.

Les hommes politiques kurdes sont souvent accusés d'être des instruments du PKK par les autorités turques. Le DTP a été créé fin 2005 par d'anciens députés kurdes dans le but de résoudre le problème kurde par des moyens pacifiques. Plusieurs responsables du parti, qui n'est pas représenté au Parlement, sont d’ores et déjà sous le coup de poursuites judiciaires pour « complicité avec le PKK ». Le mois dernier, un procureur turc a ouvert une enquête pour déterminer si la première convention du DTP avait fait de la propagande pour le PKK après que des participants eurent agité des drapeaux kurdes et des affiches représentant le leader du PKK, Abdullah Öcalan.

De plus, l’agence de presse semi-officielle turque Anatolie, a, le 6 juillet, rapporté qu’Ahmet Türk, homme politique kurde qui a été récemment élu à la tête du principal mouvement pro-kurde de Turquie, le Parti pour une société démocratique (DTP), et Aysel Tugluk, ex-co-présidente de cette formation, ont été inculpés par le parquet d'Ankara pour avoir distribué des tracts en langue kurde. Ils risquent jusqu'à 2 ans et demi de prison. Ils sont accusés d'avoir distribué des tracts à l'échelle nationale en kurde évoquant également le sort d’Abdullah Öcalan lors de la journée de la femme, le 8 mars, selon l'agence. Les partis sont tenus d'utiliser uniquement le turc, langue officielle, lors de leurs activités politiques aux termes de la loi sur les formations politiques.

LA JUSTICE TURQUE REFUSE DE REJUGER ABDULLAH OCALAN MALGRÉ LE VERDICT DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME.



Un tribunal d'Istanbul saisi en appel par Abdullah Öcalan a, le 25 juillet, refusé d'invalider une décision de justice s'opposant à ce que celui-ci soit rejugé. Un tribunal d'Ankara avait rejeté en mai une requête qui demandait à être rejugé, conformément à un arrêt en ce sens de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). La CEDH a recommandé en mai 2005 l'organisation d'un nouveau procès contre le chef du PKK, incarcéré depuis 1999 sur l'île-prison d'Imrali (nord-ouest), après avoir estimé que celui au terme duquel il avait été condamné à mort, en 1999, était « inéquitable ». La peine capitale prononcée contre Öcalan, 57 ans, avait été commuée en réclusion à vie en 2002 après l'abolition de la peine de mort en Turquie. La Turquie a indiqué qu'elle respecterait la recommandation de la CEDH mais elle doit au préalable amender sa législation.

Une loi votée en 2003 permet de rejuger les détenus dont le jugement a été infirmé par la CEDH, mais elle n'est pas rétroactive, ce qui exclut Abdullah Öcalan et une centaine d'autres personnes de ce droit. Les autorités turques craignent qu’un nouveau jugement puisse mettre le gouvernement dans une situation difficile vis-à-vis de l'opinion publique et exacerber les sentiments nationalistes dans le pays.

DES KURDES D’IRAN RÉFUGIÉS EN IRAK DEPUIS 25 ANS DEMANDENT AU HCR Á ÊTRE RÉINSTALLÉS DANS UN PAYS TIERS



Le Haut commissariat des Nations Unies (HCR), a, le 11 juillet, annoncé qu’un groupe de 200 Kurdes originaires d'Iran bloqués à la frontière irako-jordanienne refusent l'aide du HCR et plusieurs d'entre eux ont entamé une grève de la faim. Ce groupe, bloqué dans le no man's land entre les deux pays depuis un an et demi, exige d'être admis en Jordanie avant d'être réinstallé dans un pays tiers, a expliqué à Genève le porte-parole du HCR, William Spindler. « La plupart d'entre eux veulent aller aux Etats-Unis », a-t-il précisé devant la presse, ajoutant que le HCR n'avait pas les moyens d'obliger la Jordanie à ouvrir sa frontière. Le HCR encourage donc ce groupe à se rendre dans un camp de réfugiés situé à Kawa, au Kurdistan irakien, qui accueille déjà quelque 10.000 Kurdes d'Iran enregistrés auprès du HCR. « Leur intégration continue à progresser sans inquiétude grave sur le plan de la sécurité », a souligné M. Splindler.

Le HCR, qui a offert des secours et des soins médicaux, est « de plus en plus inquiet » pour la santé de ces 200 Kurdes « qui refusent systématiquement » son aide, « mettant en grave danger la vie des plus vulnérables », selon le porte-parole. Trois d'entre eux ont entamé des grèves de la faim au cours des deux dernières semaines et leur santé « s'est gravement dégradée », a-t-il ajouté. Ce groupe de Kurdes avait fui la révolution islamique il y a 25 ans et vivait jusqu'au début de 2005 dans un camp de réfugiés du centre de l'Irak qu'ils ont également abandonné lorsque la sécurité s'est dégradée dans la région.

LES KURDES MANIFESTENT POUR LE 83 ÈME ANNIVERSAIRE DU TRAITÉ DE LAUSANNE.



Environ 600 Kurdes ont, le 22 juillet, défilé dans le calme à Lausanne pour dénoncer le Traité de Lausanne, signé il y a 83 ans dans la capitale vaudoise. Ce texte a enterré pour longtemps le rêve des Kurdes d'avoir leur propre Etat autonome. Les manifestants ont rejoint le Palais de Rumine où fut signé le 24 juillet 1923 le Traité de Lausanne pour entonner l'hymne kurde.

Les manifestants, des hommes pour la plupart, parfois des familles, portaient des drapeaux aux couleurs kurdes et des banderoles dénonçaient la partition du peuple kurde en quatre pays. Les manifestants ont ensuite assisté à une conférence consacrée à la question kurde et aux conséquences du Traité de Lausanne pour le Kurdistan. Cette réunion était organisée par le Centre culturel du Kurdistan et le Centre kurde des droits de l'Homme, à Genève.