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avec revues de presse

Bulletin N° 219 | Juin 2003

 

IRAK : DÉBUT DE LA RECONSTRUCTION POLITIQUE

Quelques semaines après la chute du régime de Saddam Hussein et alors que les partisans de ce dernier poursuivent des actions sporadiques contre les postes américains, le processus de la reconstruction démarre progressivement. Dans les deux grandes métropoles du nord du pays, Kirkouk et Mossoul, les services de base comme l’eau et l’électricité ont été rapidement rétablis, les écoles, et les universités et les hôpitaux ont dès le début de mai rouvert leurs portes. L’approvisionnement en en essence qui posait de gros problèmes en raison du sabotage de certaines installations pétrolières par les milices du Baas a été progressivement améliorée grâce à notamment des importations à partir de la Turquie.

La plupart des villes du sud chiite ont également été en mesure de rétablir au moins partiellement leurs services. En revanche à Bagdad et Bassora où les destructions, les pillages et les sabotages ont été plus massifs, les choses avancent plus lentement et cette lenteur mécontente une partie de la population. Ce mécontentement est amplifié par les mesures drastiques de débaasisation prises par le nouvel administrateur civil américain, l’ancien ambassadeur Paul Bremer. Ce dernier, après avoir publié un décret posant interdiction du Parti Baas et l’interdiction de tout emploi public de quelque 20 000 à 30 000 cadres de ce parti, a aussi décidé la dissolution de l’armée irakienne. Toutes les milices armées sont désormais bannies et les Irakiens sont appelés à remettre aux autorités leurs armes.

Beaucoup d’Irakiens satisfaits de l’interdiction du Parti Baas totalitaire sont toutefois préoccupés par la perte du gagne-pain de centaines de milliers d’officiers et de soldats de l’armée dissoute. Dans un pays où 60% de la population dépend de l’aide humanitaire pour sa survie, les salaires (de misère) de tout le monde font vivre des familles. C’est sous la pression de celle-ci que finalement l’administration provisoire américaine a décidé de continuer à verser les salaires des officiers et à payer à des soldats démobilisés une indemnité pour solde de tout compte. Quant à la police, 85% de ses effectifs ont été recrutés après des stages intensifs incluant des notions de respect de procédures démocratiques et de droits de l’homme. Ils ont été affectés à des missions de maintien de l’ordre. Dans l’éducation, les purges sont restées limitées aux hauts-cadres et aux commissaires politiques du Baas. Les autres enseignants ont leur contrat renouvelé et leur salaire décompté passant en moyenne de 6 à 7 dollars par mois à 60 dollars par mois. Cette revalorisation du métier d’enseignant incite les professeurs à la retraite ainsi que certains des professions libérales à postuler pour des postes dans l’éducation nationale. La reprise des cours a permis de faire passer normalement les examens de fin d’année. Les diverses commissions pédagogiques travaillent d’arrache-pied pour préparer de nouveaux manuels scolaires sans portrait et éloges du dictateur déchu pour la rentrée de septembre.

Dans le domaine de l’éclosion des libertés démocratiques, les progrès sont plus rapides et spectaculaires. Les partis jusque là interdits sont désormais libres de leurs activités à condition de ne pas prôner la violence. Une centaine de quotidiens représentant toutes les sensibilités politiques paraissent. Les antennes paraboliques interdites sous la dictature, se vendent comme des petits pains pour une population avide d’informations. Les manifestations secrètement réprimées sous l’ancien régime, sont quotidiennes un peu partout dans le pays pour des motifs les plus variés, y compris contre la présence anglo-américaine.

La reconstruction politique débute par la mise en place de conseils municipaux. Ces derniers, à défaut d’être élus au suffrage universel, se veulent aussi représentatifs que possible. Les élections prendront du temps car, il faudra au préalable organiser un recensement fiable de la population, établir des registres électoraux et adopter une loi électorale dans un pays qui depuis 1958 n’a pas connu d’élections véritables, à l’exception notable du Kurdistan.

C’est d’ailleurs au Kurdistan qu’a démarré la mise en place de nouveaux conseils municipaux consensuels. A Mossoul, ville à majorité arabe, une personnalité arabe, général à la retraite dont la famille a été persécutée par l’ancien régime, a été élu gouverneur, avec un adjoint kurde. A Kirkouk, un conclave de 300 délégués représentatifs de toutes les communautés de la ville a élu un conseil de 30 membres. Celui-ci, à son tour, a élu, par une majorité de 20 voix une personnalité kurde indépendante, l’avocat, Abdel Rahman Mustafa, gouverneur de la ville. Un arabe, Ismael El Hadidi, a été élu premier adjoint et un Assyro-Chaldéen deuxième adjoint. Une personnalité turcopersane a été désignée directeur de cabinet du gouverneur.

Ces exemples ont servi de modèles pour les villes chiites du sud tandis que le processus rencontre des difficultés de mise en place dans le triangle sunnite incluant les villes de Samarra, Ramadi, et Tikrit, bastions du pouvoir baasiste déchu.

NEW YORK : LES KURDES IRAKIENS DEMANDENT LA RÉFORME DU PROGRAMME « PETROLE CONTRE NOURRITURE »

Le 16 avril dernier, le Président George W. Bush avait demandé à l’ONU la levée des sanctions économiques contre l’Irak. La résolution 1472 du Conseil de Sécurité des Nations-unies, élaborée par les Etats-Unis, vise à remplacer la résolution 986 qui chapotait la vente du pétrole irakien destinée au financement de la reconstruction du pays, avec le programme « pétrole-contre-nourriture ». Cette nouvelle résolution 1472 gérera les revenus pétroliers de l’Irak, dans un nouveau Fonds de développement de l’Irak (FDI). Les leaders kurdes se réjouissent de cette nouvelle résolution qui assurerait la transparence des dépenses de ces revenus pétroliers irakiens pour la reconstruction du pays.

Cependant, quelques zones d’ombres subsistent. Les propositions américaines ne précisent pas ce qu’il adviendra des quelque 2,5 milliards de dollars déjà alloués aux trois provinces Kurdes, mais non dépensés à ce jour en raison du début de la guerre de mars 2003. Si le statu quo économico-bureaucratique persiste, ce chiffre risque de doubler prochainement. De plus, la résolution 986 réservait 13% des revenus du pétrole aux trois provinces kurdes du nord. Mais la nouvelle résolution échafaudée par les Américains n’indique pas si l’FDI fonctionnera sur la même base que la précédente résolution, avec un fonds distinct pour les provinces kurdes. C’est grâce à ce programme différencié, que les autorités kurdes étaient parvenues à de très bons résultats avec le programme pétrole-contre-nourriture, en dépit de toutes les difficultés de gestion, d’incompétence, ou de lourdeur bureaucratique des agences de l’ONU et des entreprises de sabotage de Bagdad, alors que côté irakien, l’échec du programme « pétrole-contre-nourriture » incombait surtout au détournement de fonds onusiens par Saddam Hussein et ses dauphins.

Une lettre, co-signée par le responsable du PDK, Massoud Barzani, et de l’UPK, Jalal Talabani, adressée, le printemps dernier, au secrétaire général des Nations-unies, Kofi Annan, sollicite une discussion des projets de l’ONU concernant notamment l’autorisation de dépenser les 2,5 milliards bloqués depuis l’attaque de la coalition au printemps dernier. Malheureusement, les Nations-unies n’ont pas encore répondu à la demande des Kurdes qui craignent que les crédits alloués à la reconstruction de leur pays ne soient détournés de leur finalité.

Finalement, la résolution 1483, adoptée par le conseil de sécurité des Nations-unies, le 22 mai 2003, a entériné la victoire militaire américano-britannique en Irak qui n’a du coup pas été placé sous la tutelle de l’ONU. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont réussi à amener le Conseil de sécurité à leur confier la reconstruction de l’Irak, l’exploitation de ses ressources pétrolières et l’organisation, en collaboration avec l’ONU, d’un processus politique devant amener à des élections et à la formation d’un gouvernement à Bagdad.

La résolution 1483 annonce la disparition en six mois du programme « pétrole-contre-nourriture », la durée de l’application de la résolution qui sera examinée à nouveau dans 12 mois, la nomination d’un représentant indépendant de l’ONU en Irak pour la coordination de l’aide humanitaire et l’aide à la reconstruction du pays. Ce dernier devra régulièrement faire un rapport à l’ONU. Pour ce qui est des ressources pétrolières, le compte séquestre à la BNP est remplacé par un « Fonds de développement pour l’Irak » à la banque centrale irakienne. Les ressources seront dépensées sur décision de l’autorité administrant de la coalition américano-britannique, après consultation de l’administration irakienne intérimaire.

ANKARA : L’INTERMINABLE PROCÈS DES ANCIENS DÉPUTÉS KURDES

Lors de la troisième audience du procès des anciens députés du parti de la Démocratie (DEP), le 23 mai, la Cour s’est bornée à poursuivre l’audition des témoins de l’accusation tout en rejetant la demande de remise en liberté des avocats ainsi que toutes les demandes d’audition de témoins à décharge. Comme pour les précédentes audiences, le procès s’est déroulé sous haute surveillance policière, en présence de nombreux avocats, défenseurs des droits de l’homme, diplomates, journalistes, ainsi que des députés du Parlement européen.

Luigi Vinci, député italien au Parlement européen venu en observateur a dénoncé le refus des autorités turques de remise en liberté en déclarant : “ Ce procès a une valeur hautement politique et symbolique. Ce serait une erreur [pour Ankara] de sous-estimer son importance ”. Selon lui, la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) qui juge les ex-députés aurait dû déjà décider de la libération conditionnelle des prisonniers. “ Le fait de ne pas les avoir libérés jusqu’à présent a maintenant des répercussions sur les relations euro-turques ”, a-t-il estimé. Il a souligné que la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg qui avait jugé le premier procès inéquitable avait aussi, par cette décision, sommé la Turquie, candidate à l’intégration à l’Union européenne, de libérer les ex-députés kurdes.

L’audience a été reportée au 20 juin. Lors de cette quatrième audience, les avocats de la défense ont dénoncé la partialité de la Cour de sûreté de l’Etat et ainsi que la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme relative au principe de l’impartialité d’un procès.

“ Le second procès se déroule comme la suite du premier, violant les réformes apportées à la Constitution et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ” a déclaré Me Sezgin Tanrikulu pour la défense. “ La Cour a toujours accepté les demandes du parquet tout en refusant toutes demandes formulées par la défense. Le principe de base aurait dû imposer un traitement égal entre les avocats de la défense et le parquet et de mettre fin à toutes les violations constatées jusqu’aujourd’hui. Mais depuis le début nous assistons ici à un faux et superficiel procès… Le président de la cour n’a pas fait preuve de distance égale entre la défense et le parquet. Il a pris toutes ses décisions au regard des allégations du ministère public… À chaque fois qu’il a été procédé à l’audition des témoins, le parquet a fait tout son possible pour y mettre fin et a exigé que l’on pose des questions collectivement. Finalement, nous n’avons pas pu interroger des témoins qui étaient cités de toute façon à charge… ” a souligné Me Tanrikulu.

À la demande de Me Yusuf Alatas, avocat de la défense, la Cour a décidé à la majorité et malgré l’objection du parquet, de procéder à l’audition de quatre témoins. “ La Cour écoute des témoins pour des faits vieux de plus de 10 ans mais lorsqu’il s’agit des témoins de la défense, elle refuse en soutenant que les témoins ne peuvent pas apporter d’éléments fiables vu le délai écoulé depuis les faits ”, ajouté Me Alatas.

“ Je suis de la tribu Dorken qui a refusé de faire partie des protecteurs de village. Le fils des chefs des protecteurs de village Abdullah Dursun, a décidé de gagner le maquis. Il était le seul à avoir fait des études. Dans cette affaire, la tribu Dursun a tenu pour responsable la mienne. Etant le seul à avoir étudié, ils m’ont alors kidnappé et séquestré. Leyla Zana a servi de médiatrice pour trouver une solution à cette affaire ”, a déclaré l’un des témoins, en ajoutant “ selon nos traditions, lorsqu’une femme sert de médiatrice, on ne peut qu’accepter la solution… Mais ces faits n’ont rien d’acte politique".

L’ancien député Hatip Dicle a souligné que c’est avec les encouragements du président de l’époque Turgut Ozal qu’ils ont pris l’initiative de servir d’intermédiaire pour en finir avec les souffrances, les larmes et l’effusion de sang. Selim Sadak a ajouté pour sa part que “ Turgut Ozal devrait figurer parmi les martyres de la démocratie. Il voulait trouver une solution à la question kurde. Et son cœur ne s’est pas arrêté de battre seul, mais a été arrêté ”.

Orhan Dogan a indiqué que “ N’oubliez pas les Rosenberg… C’est 53 ans après que le témoin de l’affaire Rosenberg a surgi… Nous nous sommes affichés courageusement comme une alternative à de mauvaises politiques. Ils nous ont proposé des ministères, des présidences de commissions ou encore des marchés publics, mais nous avons refusé ”.

Leyla Zana n’a pas pu prendre la parole par manque de temps. La cour a une nouvelle fois refusé la libération provisoire des députés et a ajourné au 18 juillet la prochaine audience pour interroger quatre autres témoins.

Par ailleurs, l’ancien député du parti de la Juste Voie (DYP) et chef de la tribu Bucak, Sedat Bucak, témoin-clé du procès des députés du DEP, a été pour la première fois entendu par la Cour d’Assises N°2 d’Istanbul pour son implication dans le scandale de Susurluk [ndlr : accident de voiture le 3 novembre 1996 dans la ville de Susurluk mettant en lumière les collusions existant entre l’Etat, la mafia et la police en Turquie]. Poursuivi pour “ dissimulation d’informations relatives à Abdullah Çatli, recherché par un mandat d’arrêt ”, “ constitution de bande criminelle ” et “ possession d’armes de catégorie sérieuse et grave ”, sanctionnés de 11 à 20 ans de prison, Sedat Bucak, qui ne bénéficie plus de son immunité parlementaire, son parti n’ayant pas franchi la barre de 10 % aux dernières élections, s’est présenté à la Cour libre de ses mouvements et accompagné d’une horde de gardes, membres de sa tribu.

“ Les événements ont débuté en 1991 avec mes engagements dans la politique. À l’époque, j’avais fait la connaissance de Leyla Zana et de Sedat Yurttas, élus tous les deux sur la liste du parti de la Démocratie (DEP), ils demandaient constamment à me rencontrer et me suggéraient de ne pas prendre de position du côté de l’Etat. J’ai informé immédiatement le secrétariat général du Conseil national de sécurité (MGK) et commencé à agir selon les directives du MGK. J’ai également informé le Premier ministre de l’époque Suleyman Demirel qu’Abdullah Ocalan voulait me rencontrer. S. Demirel m’a demandé d’aller immédiatement à la direction de sûreté d’Ankara. Je m’y suis d’ailleurs rendu avec la voiture officielle de Demirel. Mehmet Cansever, chef de la direction de la sûreté d’Ankara, m’a reçu dans son bureau où se trouvaient de nombreux personnels de différents organes des renseignements et même du MIT [ndlr : services secrets turcs]. C’est eux qui ont décidé de mes agissements ” a déclaré S. Bucak.

L’ancien député a également mis l’accent sur le fait qu’il avait été approché par de nombreuses personnalités, du Premier ministre aux ministres, sans parler de l’armée, pour qu’il collabore avec l’Etat. « Lorsque Demirel m’a demandé mon aide, j’ai répliqué que la tribu Bucak avait toujours collaboré avec l’Etat, mais que mon oncle avait été jugé pour cette collaboration sous le régime militaire, c’est pourquoi je craignais que cela m’arrive un jour ». À cela, Demirel s’est énervé en rétorquant “Ecoute-moi, je suis le Premier ministre. À partir de maintenant je suis ton père aussi bien que ton oncle. Il ne t’arrivera rien. Apporte donc ton aide ”.

Interrogé sur sa collaboration au cours des périodes régies par les lois anti-terreur, il a déclaré que son rôle consistait à “ attirer le peuple du côté de l’Etat pour constituer le corps de gardiens de village. Dans chaque famille de ma tribu, l’on trouve des gardiens de village et tout mon combat consistait en cela. ”

Pour ce qui concerne sa rencontre avec les protagonistes de l’affaire de Susurluk, il a déclaré : “ J’avais fait la connaissance de Huseyin Kocadag avant le coup d’Etat de 1980, alors qu’il était directeur de la sûreté à Urfa. Abdullah Çatli [ndlr : mafieux, homme de main de l’Etat, décédé dans l’accident], que je connaissais sous le nom de Mehmet Özbay, je l’ai rencontré à Istanbul en 1994 au cours d’un dîner auquel de hauts fonctionnaires de l’Etat, de l’armée, des renseignements généraux et de la Direction de sûreté, étaient conviés. ” Confirmant les nombreuses visites d’A. Çatli à Siverek chez les Bucak, il a ajouté “ A. Çatli était toujours entouré de hauts fonctionnaires de l’Etat et de l’armée. À l’époque, malgré les poursuites, A. Çatli ne semblait pas être inquiété par les poursuites de l’Etat et portait toujours des armes dans son sac ”

“ J’ai retrouvé Çatli à Istanbul après un coup de téléphone pendant mon retour de Siverek. Puis nous avons rejoint Huseyin Kocadag, sommes partis pour Yalova puis à Izmir. À notre retour vers Istanbul, nous avons eu cet accident. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé après l’accident et je ne sais rien à propos des armes ” a poursuivi Sedat Bucak, alors que le coffre de la voiture accidentée était bourré d’armes.

Interrogé sur les photos prises à Siverek avec A. Çatli et de nombreux autres hauts fonctionnaires de l’Etat, il a confirmé l’existence de ces photos mais “ pour ma sécurité et la sécurité de l’Etat je ne veux pas produire ces photos ” a-t-il lancé.

La Cour a ajourné le procès en statuant que Sedat Bucak n’avait pas l’obligation de se présenter aux prochaines audiences. Le 26 juin, elle a prononcé l’acquittement de l’ex-député mafieux et chef de milice.

PARIS : LES ONG DENONCENT LES IRRÉGULARITÉS DANS LE PROCÈS DE LEYLA ZANA ET DE SES COLLÈGUES ET DEMANDENT UN PROCÈS ÉQUITABLE ET IMPARTIAL

La Fédération interna-tionale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), les Femmes solidaires, la Fondation France-Libertés, le Comité Inter-national pour la libération des députés kurdes emprisonnés en Turquie (CILDEKT) et l’Institut kurde de Paris, s’inquiètent du déroulement du nouveau procès en cours contre Leyla Zana et ses collègues à Ankara qui doivent se présenter le 20 juin à la 4ème audience d’un procès qui fait fi des conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme. Voici le texte cosigné par ces cinq organisations :

« Leyla Zana est la première femme parlementaire kurde portée par son peuple, élue au Parlement turc avec d’autres parlementaires d’origine kurde, lors des élections législatives de 1991 ».

Au cours de la cérémonie d’investiture, elle prononce à la tribune quelques mots en kurde, qui créent le scandale. En décembre 1994, Leyla Zana, et trois autres députés du Parti de la démocratie (DEP), Orhan Dogan, Hadip Dicle et Selim Sadak, sont condamnés à 15 ans de prison pour “ délit d’opinion et soutien supposé exprimé à l’égard du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ”. Née en 1961 dans un petit village dans la province de Diyarbakir, dont son mari Mehdi Zana était maire, mariée à 15 ans, Leyla Zana ne se destinait certainement pas à devenir le symbole de la lutte des Kurdes de Turquie. Elevée dans une famille traditionaliste kurde où l’on n’envoie pas les filles à l’école (elle y sera restée un an et demi seulement), elle ne forgera sa conscience politique qu’au fil de la répression.

En 1995, le Parlement européen lui décerne le prix “ Sakharov pour la liberté de l’esprit ” et en 2001, la Cour européenne des droits de l’Homme condamne la Turquie pour violation de la Convention pour non respect du droit à un procès équitable. Pour autant, Leyla Zana et ses proches n’ont pas pu faire valoir leurs droits. Néanmoins, en vertu des nouvelles réformes législatives adoptées par le Parlement Turc dans le cadre de l’adhésion à l’Union européenne, ils sont aujourd’hui re-jugés - … après neuf ans d’emprisonnement à la prison Centrale d’Ulucanlar – Ankara – par la même Cour sensée faire sienne la décision rendue par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

Alors que l’arrêt de la CEDH condamnait avec insistance le rôle prépondérant du Procureur dans ce procès au détriment de la défense, nous avons après nos observations, forte inquiétude que la même Cour de Sûreté de l’Etat (DGM) d’Ankara à l’origine de leur condamnation persiste et aboutisse à la même décision à l’issue d’une procédure non équitable.

Vendredi 20 Juin 2003, les anciens députés comparaissent ainsi pour la quatrième fois cette année devant la Cour de sûreté de l’Etat. Et déjà, depuis la première audience de ce “ nouveau procès ” le 28 mars dernier, de nombreuses irrégularités ont été constatées par la FIDH et d’autres ONGs nationales et internationales. En effet, bien que tenue par les termes de l’arrêt de la Cour de Strasbourg, le procureur de la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara a constamment interféré dans les travaux du Juge en refusant systématiquement à la défense le droit d’interroger les témoins à charge, tous gardiens de villages ou membres des forces de sécurité. A l’inverse, la défense, menée par Maître Yusuf Alatas du Barreau d’Ankara, n’a pu interroger les témoins de l’accusation ni faire entendre des témoins à décharge. Lors de la dernière audience du 23 mai, la Cour a en effet rejeté, sans aucun motif pertinent, toutes les demandes de la défense tendant aussi bien à la libération provisionnelle des accusés, qu’à l’audition de témoins de la défense, en violation flagrante des termes de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Par ailleurs, les renvois répétitifs des audiences à des dates ultérieures n’ont pour but que de lasser les observateurs venus des différents pays européens.

Ce procès politique est symptomatique des enjeux auxquels sont confrontés les autorités turques dans le cadre du processus d’adhésion à l’Union européenne. Alors que le gouvernement AKP de Recep Tayyip Erdogan fait preuve d’un effort politique significatif de réforme à travers l’adoption d’une série de réformes législatives dans le cadre de l’harmonisation visant à satisfaire aux critères de Copenhague – le 6ième paquet étant débattu par le Parlement turc ces jours ci -, le système judiciaire turc (aux ordres du Conseil National de Sécurité (MGK)), s’inscrit en porte à faux avec les principes mêmes de Conseil de l’Europe en détournant de manière scandaleuse le sens même de la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

L’arsenal de lois restrictives et sécuritaires, avec en toile de fond la Constitution autoritaire héritée du coup d’Etat du 12 Septembre 1980 – dont le préambule consacre le nationalisme turc dit “ Kémalisme ” comme principe fondamental de la République - grève une réelle volonté de réformes. “Il est impossible de parler de jugement impartial et indépendant en Turquie tant que perdureront les articles 140, 144 et 159 de la Constitution…” reconnaissait le 21 mai dernier, le président de la Cour de cassation turque, Eraslan Ozkaya. Le 6 juin dernier, le Parlement européen a “invité le gouvernement turc à présenter, dans les meilleurs délais, une feuille de route et un calendrier clair pour la mise en oeuvre des critères de Copenhague…”. A la veille du procès de Leyla Zana et de ses amis, et à l’heure du Conseil européen de Thessalonique (du 19 au 20 juin), la Cour de Sûreté de l’Etat d’Ankara doit saisir cette nouvelle occasion de s’engager sur la voix de la démocratisation et de l’Etat de droit en accordant la libération provisoire immédiate des anciens députés kurdes, et en leur assurant un procès équitable, public et impartial.

IRAN : NOUVELLE GENERATION, NOUVELLE RÉVOLUTION ?

Le bras de fer entre d’une part les réformateurs, nombreux au Parlement aux côté du Président Khatami, qui prônent une normalisation des relations avec le reste de la communauté internationale pour que le pays ne subisse pas la même mésavanture que l’Irak, et les conservateurs siégeant au Conseil des gardiens de la constitution, dirigé par le Guide suprême de la révolution, l’Ayatollah Ali Khamenei, risque de conduire soit à une démission en bloc des partisans de Khatami, soit à un référendum populaire: deux projets de loi, contestant l’emprise des conservateurs sur le pouvoir, votées par le Parlement, respectivement le 2 avril et le 9 mai dernier ont été rejetés par le Conseil des gardiens de la constitution, qui veillent rigoureusement comme des sphinx aux portes du temple de la révolution islamique. Depuis la première élection triomphale du président réformateur Khatami en 1997, les réformateurs ont vu différents projets de réformes bloqués par les organes constitutionnels sous contrôle des conservateurs.

Le 21 mai dernier, 116 députés, religieux réformateurs, intellectuels, ou leaders étudiants ont même exprimé, dans une lettre ouverte publiée par la presse, leur rejet de la ‘dictature religieuse, acte impensable quelques années auparavant.

Au delà des pressions exercées par Washington qui a catalogué le pays sur la liste des Etats voyous, et exige le démantèlement du Hezbollah libanais, financé et armé par l’Iran, Téhéran vit, avec inquiétude, le pro-américanisme de la population. En effet, en avril dernier, la vox populi n’a pas hésité à réclamer un changement du régime avec l’aide des marines américains. Nombre d’intel-lectuels iraniens estiment que la meilleure défense de l’Iran contre les Américains serait de démocratiser le pays pour priver ces derniers de leurs arguments d’attaque. Les conservateurs, eux ont peur d’un effet domino, que la moindre ouverture démocratique ne déclenche une dynamique aboutissant à l’effondrement de leur pouvoir. Des larges secteurs de la population commencent à perdre tout espoir dans la capacité de Khatami et de ses « réformateurs » à réformer une république islamique qui s’avère irréformable. Dans ce contexte, la crise iranienne est appelée à s’aggraver dans les mois à venir. Pour sauver la mise, le régime tente par des actes de provocation dans le domaine des armes nucléaires et des missiles de jouer sur la corde nationaliste en vue de mobiliser les iraniens contre les visées hégémoniques de l’impérialisme américain.

SOUS LA PRESSION DE L’ARMÉE TURQUE, LE GOUVERNEMENT ENVISAGE DE REMETTRE EN CAUSE LES RÉFORMES RELATIVES À LA DIFFUSION DE LA LANGUE KURDE

Le gouvernement turc envisagerait de faire machine arrière sur la question de la diffusion d’émissions en langue kurde sur les ondes de la Radio-télévision d’Etat (TRT), a laissé entendre le 16 juin le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul. “ Il y a peut-être de gros problèmes pour la diffusion en kurde par la TRT ”, a confié le ministre dans une interview publiée par le quotidien turc Vatan, faisant référence aux nombreuses objections militaires à cette réforme, l’armée turque étant particulièrement réticente à toute concession culturelle. La diffusion en kurde par la TRT pourrait encourager d’autres minorités à réclamer des émissions dans leur propre langue, a expliqué M. Gul pour qui des émissions en kurde posent également “ la menace que cette langue puisse être considérée comme une seconde langue officielle ”. “ Nous estimons qu’il est approprié pour des stations privées de le faire (diffuser des émissions en kurde) ”, a-t-il affirmé. “ Si on met en place certaines règles et qu’on surveille ces émissions, il n’y aura pas de problème ”, a-t-il ajouté.

Le parlement avait autorisé de telles émissions de même que l’enseignement privé des “ langues autres que le turc ” en août 2003 dans le cadre de réformes visant à favoriser l’adhésion du pays à l’Union européenne, mais jusqu’à présent ces réformes sont restées lettre morte, certaines écoles privées se plaignant de difficultés bureaucratiques pour obtenir l’autorisation d’enseigner et la TRT refusant toute diffusion en kurde. Le 17 février 2003, la TRT a même fait appel auprès du Conseil d’Etat de la décision les contraignant à diffuser quelques heures par semaine en kurde, estimant qu’une telle obligation était contraire à ses statuts, rapporte le 16 juin le quotidien turc Radikal qui ajoute que le Conseil d’Etat n’a toujours pas rendu un avis sur la question. La saisine du Conseil d’Etat faite en toute discrétion a même étonné le président du RTUK (ndlr : l’équivalent turc du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA)), Fatih Karaca qui a critiqué l’ancien président de la TRT, Yucel Yener en déclarant “ il a participé à toutes les réunions et protocoles avec le RTUK avant l’élaboration du règlement et puis on apprend qu’il a saisi le Conseil d’Etat…je n’arrive pas à concilier cette attitude avec le sérieux de l’Etat ”.

Face à cette situation, le gouvernement vient de soumettre au parlement de nouveaux projets de réforme, notamment l’autorisation pour les chaînes de radio et télévision privées de diffuser en kurde. Le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, considéré avec suspicion par les militaires en raison de ses origines islamistes, a d’ores et déjà pris acte des objections de l’armée turque en renonçant à faire voter une loi qui aurait autorisé l’établissement de salles de prière dans les immeubles d’habitation. Le ministre turc de la Justice et porte-parole du gouvernement Cemil Çicek a affirmé le 11 juin à la télévision que ce projet de loi visait à faciliter les activités des groupes religieux non-musulmans, mais avait été abandonné en raison des “ préjugés ” à l’encontre de son parti. Les mesures avaient été débattues le 10 juin pendant plus de six heures en conseil des ministres.

Interrogé sur le rôle de l’armée dans l’élaboration des réformes, M. Çicek a estimé que l’armée est “ la seule institution non-gouvernementale en Turquie qui prend le temps d’analyser en détail ces questions et d’émettre une opinion ”. L’armée, bien qu’officiellement en faveur de l’adhésion du pays à l’Union Européenne, a récemment fait état, par des fuites orchestrées dans la presse, de son inquiétude quant à certaines réformes envisagées.

L’Union européenne a fait de la reconnaissance des droits culturels de la minorité kurde une des aunes de la libéralisation du pays, condition nécessaire à l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Turquie à l’horizon 2005.

STRASBOURG : LE PARLEMENT EUROPÉEN ADOPTE UNE RÉSOLUTION SUR LA TURQUIE EN METTANT L’ACCENT SUR “ LA NECESSITÉ D’UNE RÉFORME COMPLÉTE DE L’ETAT ”

Le Parlement européen a, le 5 juin, adopté une résolution sur la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, élaboré par M. Arie Ooslander (PPE-DE), par 216 voix pour, 75 voix contre et 38 abstentions, en soulignant “ la nécessité d’une réforme complète de l’Etat ” et invitant “ le gouvernement turc à mettre en place un nouveau système politique et constitutionnel garant des principes d’un régime laïc et d’un contrôle du pouvoir militaire par le pouvoir civil ”. Voici de larges extraits de cette résolution :

Les députés européens constatent que “ l’armée conserve un rôle de pierre angulaire dans l’État et la société turcs; déplore que son rôle excessif freine l’évolution de la Turquie vers un système démocratique et pluraliste; préconise que la Turquie profite de ce que le gouvernement actuel bénéficie d’un large soutien parlementaire pour mettre en place un nouveau régime politique et constitutionnel garantissant les principes d’un régime laïque sans suprématie militaire par rapport aux institutions civiles, afin de ramener la puissance traditionnelle de la bureaucratie et de l’armée (“ Etat profond ”) aux formes habituellement admises dans les États membres ”

“ Estime que dans le cadre de la réforme de l’État, la suppression à terme du Conseil national de sécurité dans sa forme et sa position actuelles sera nécessaire afin d’aligner le contrôle exercé par l’administration civile sur les militaires sur les pratiques observées dans les États membres de l’Union européenne; est conscient que le changement structurel souhaité sera très difficile à accepter ”

“ Suggère que les représentants militaires se retirent des organes civils, tels que les Hauts conseils de l’éducation et de l’audiovisuel, afin d’assurer une pleine indépendance de ces institutions; invite instamment les autorités turques à instaurer un contrôle parlementaire complet sur le budget militaire, en tant que volet du budget national ”

“ …Souligne que les modifications demandées sont si fondamentales qu’elles exigent l’élaboration d’une nouvelle Constitution explicitement fondée sur les principes démocratiques, lesquels créeront notamment l’équilibre entre les droits des individus et des minorités et les droits collectifs, conformément aux normes européennes usuelles, telles que formulées dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales… ”

“ Estime que le concept turc de la nation et de l’État laïque doit également être fondé sur la tolérance et la non-discrimination des communautés religieuses et des groupes minoritaires; estime que l’élaboration d’une nouvelle constitution doit faciliter la mise en œuvre de ces principes… ”

“ Encourage les autorités turques à consolider le principe de primauté du droit international sur la loi nationale en cas de divergence substantielle ayant trait au respect des droits de l’homme et de l’État de droit… ”

“ …Invite la Turquie à s’engager sans délai dans un processus d’adhésion au statut de la Cour pénale internationale; estime qu’il s’agit d’un élément fondamental dans les relations entre la Turquie et l’Union européenne; souligne que la Turquie est le seul membre du Conseil de l’Europe à ne pas encore avoir signé ce statut ”

“ Déplore que la Turquie ait très longtemps différé l’exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sur lesquelles l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a insisté par le biais d’une résolution adoptée le 23 septembre 2002… ”

“ Demande instamment l’amnistie pour les prisonniers d’opinion qui purgent leur peine dans les prisons turques bien qu’ils aient exprimé leur opinion de façon pacifique; salue les réformes qui permettent la réouverture des procès dont les jugements violaient la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales; se félicite, dans ce contexte, de la réouverture de la procédure contre Leyla Zana, lauréate du Prix Sakharov du Parlement européen, et trois autres anciens députés du parti de la démocratie (DEP) emprisonnés depuis plus de neuf ans; exige un procès équitable et leur libération provisoire immédiate ”

“ …Demande aux autorités turques d’adopter des mesures énergiques et cohérentes, afin d’améliorer la qualité du système judiciaire et les qualifications des juges, auxquels incombe la grande responsabilité de créer une nouvelle culture juridique au service du citoyen… ”

“ Préconise que le système électoral fasse en sorte que la composition du Parlement rende pleinement justice au principe de la représentation démocratique, notamment en ce qui concerne la représentation de la population kurde et d’autres minorités ”

“ Se félicite vivement du vote du Parlement turc du 2 août 2002 en faveur de l’abolition de la peine de mort en temps de paix et de la signature ultérieure du protocole nº 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, le 15 janvier 2003; se réjouit de ces étapes importantes, mais demande également que cette abolition soit étendue aux crimes commis en temps de guerre ”

“ Condamne la décision prise par la Cour constitutionnelle turque d’interdire le HADEP et préconise que cette décision soit reconsidérée; considère que cette interdiction va à l’encontre de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et qu’elle viole les droits élémentaires à la liberté d’expression et de réunion; estime que l’exercice de poursuites politiques à l’égard de partis tels que le HADEP et le DEHAP, qui tous deux font l’objet d’une procédure d’interdiction analogue, va à l’encontre des principes démocratiques fondamentaux ”

“ Rappelle l’engagement pris par le gouvernement turc d’éradiquer définitivement la torture (tolérance zéro); constate avec préoccupation que les pratiques de torture se poursuivent et que les tortionnaires jouissent souvent de l’impunité; demande que les mesures les plus énergiques et conséquentes soient prises pour lutter contre cette pratique barbare et que le Centre pour le traitement et la rééducation des victimes de la torture de Diyarbakir, qui bénéficie du soutien de la Commission, puisse poursuivre sans entrave ses activités ”

“ Demande à la Turquie d’appliquer les normes internationales dans les prisons et de ne pas pratiquer l’isolement des prisonniers… Est préoccupé par la poursuite de cas de grève de la faim dans les prisons turques, et encourage les efforts engagés pour parvenir, par le biais du dialogue, à une solution permettant d’éviter d’autres morts ”

“ Demande aux autorités turques que tous les prisonniers, y compris ceux qui sont en situation de détention et placés sous la juridiction des tribunaux de sécurité d’État, puissent avoir un accès réel à l’assistance juridique; invite le gouvernement turc à adopter rapidement une législation visant à abolir l’article 31, paragraphe 1, de la loi modifiant certains article du Code de procédure pénale (1992, nº3842), qui refuse aux détenus emprisonnés pour des délits relevant de la juridiction des tribunaux de sécurité d’État, le droit à une assistance juridique au cours des premières 48 heures de leur détention ”

“ Est profondément préoccupé par les rapports faisant état de fréquentes violences sexuelles et de viols perpétrés par des agents de sécurité de l’État sur des femmes détenues; constate que les femmes d’origine kurde et les femmes dont les convictions politiques sont jugées inacceptables par les autorités ou les militaires sont particulièrement exposées à ces violences; exige la garantie que les fouilles pratiquées sur des détenues ne soient opérées que par du personnel féminin et que les abus de pouvoir fassent l’objet de sanctions ”

“ Note que la présence de populations d’origine kurde dans plusieurs pays, y compris la Turquie, ne doit pas empêcher celle-ci d’établir des relations plus souples et plus constructives avec ses propres citoyens d’origine kurde, comme avec les autres minorités ethniques et religieuses… ”

“ Demande à la Turquie de veiller à la diversité culturelle et de garantir les droits culturels de tous les citoyens, quelle que soit leur origine, de veiller à assurer un véritable accès à la radiodiffusion et à la télédiffusion, y compris aux médias privés, et l’éducation en langue kurde et dans d’autres langues non turcophones, et ce par l’application des mesures existantes et la suppression des restrictions qui empêchent encore cet accès ”

“ Invite la Turquie à prendre d’autres mesures dans le cadre de l’intégrité territoriale du pays, qui répondent aux intérêts légitimes de la population kurde et des ressortissants des autres minorités en Turquie, et à veiller à ce que ceux-ci soient associés à la vie politique ”

“ Respecte la priorité accordée au turc comme première langue nationale, mais souligne que cela ne doit pas se faire au détriment d’autres langues autochtones (par exemple le kurde et l’arménien) et liturgiques (telles que l’araméen/syriaque), dont l’usage constitue un droit démocratique des citoyens… Invite la Turquie à respecter et mettre en valeur le patrimoine culturel arménien et syriaque, composantes de l’identité nationale turque ”

“ S’inquiète des récentes circulaires du ministère turc de l’éducation nationale intimant aux écoles primaires et secondaires du pays de prendre part à une campagne négationniste à propos de l’oppression des minorités au cours de l’histoire de la Turquie, en particulier à l’égard de la communauté arménienne ”

“ Exhorte les autorités turques à mettre immédiatement un terme à tous les niveaux (national, régional, local) à toute activité discriminatoire qui entrave la vie des minorités religieuses, notamment dans le domaine des droits de propriété, des donations, de l’immobilier et de l’entretien des édifices religieux et du champ de compétence des directions d’écoles…”

“ … Est satisfait de la levée de l’état d’urgence le 30 novembre 2002 dans les deux dernières provinces restantes de Diyarbakir et Sirnak, mais exhorte la Turquie à contribuer à la disparition des tensions avec la population kurde et à s’efforcer de combler le sous-développement économique et social des régions où elles habitent, à faciliter le retour vers les villages ‘vidés’ et le retour des réfugiés de l’étranger et à organiser le démantèlement des milices armées des villages kurdes et syriens orthodoxes ”

“ Demande aux autorités turques d’assurer un contrôle civil sur toute activité militaire éventuelle dans ces régions et d’exiger des forces de sécurité (police et armée) qu’elles répondent de leurs actes en toutes circonstances ”

“ Demande à la Turquie de coopérer avec ses voisins, à savoir l’Iran, la Syrie et l’Irak, afin de respecter et protéger les frontières tout en permettant aux citoyens d’origine kurde de ces pays de développer leurs relations humaines, culturelles et économiques; invite le gouvernement turc à continuer de s’abstenir de toute violation de l’intégrité territoriale de l’Irak et à respecter la compétence que détient l’Irak pour réaménager ses propres organisations administratives ”

AINSI QUE...

PAUL WOLFOWITZ SE DIT DEÇU PAR L’ATTI-TUDE TURQUE AU COURS DE LA GUERRE EN IRAK ET DEMANDE SA PLEINE COOPÉRA-TION


Le secrétaire adjoint à la Défense Paul Wolfowitz a sévèrement critiqué le 6 mai le refus de la Turquie d’appuyer l’intervention militaire américaine et demandé à Ankara de se conformer désormais à la ligne définie par Washington à l’égard de l’Iran et de la Syrie. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a rétorqué devant des journalistes : “ La Turquie, depuis le tout début, n’a jamais commis d’erreur et a pris toutes les mesures nécessaires en toute sincérité ”.

Dans une interview à la télévision privée CNN-Türk, M. Wolfowitz s’est dit très déçu par l’attitude des militaires turcs. “ Je pense que pour une raison quelconque, ils n’ont pas joué le rôle clé et n’ont pas eu le comportement que nous attendions d’eux ”, a-t-il déclaré. M. Wolfowitz a prévenu qu’il appartenait désormais à la Turquie de se racheter par son attitude en Irak aussi bien que vis-à-vis de l’Iran et de la Syrie. “ Si nous voulons tourner la page, cela dépendra de la coopération de la Turquie qui au lieu de dire (...) “ Bon, nous ne nous soucions pas des problèmes des Américains en Iran et en Syrie, ils sont nos voisins ”, avancera et dira “ Nous avons fait une erreur, nous aurions dû savoir à quel point les choses étaient mauvaises en Irak, mais nous le savons maintenant. Essayons de voir quelle aide nous pouvons apporter aux Américains ”.

“ Je voudrais voir une attitude différente de celle que j’ai détectée ”, a-t-il poursuivi, ajoutant, “ peut-être qu’elle est déjà là, je ne suis pas allé en Turquie depuis un moment ”. Le refus du Parlement turc de laisser débarquer les troupes américaines sur le sol turc avait conduit l’administration Bush à revoir ses plans de guerre et à annuler 6 milliards de dollars d’aide à destination d’Ankara. “ C’est vrai que nous n’avons pas obtenu le soutien complet que nous attendions, mais je crois qu’au bout du compte, la Turquie a payé un prix plus fort que nous ”, a commenté M. Wolfowitz. Début mai, les Etats-Unis ont fermé leur principale mission militaire turque, dans un remaniement global de leur dispositif militaire au Proche-Orient.

Cependant, la Turquie a décidé d’ouvrir ses bases militaires, ports et aéroports aux forces de la coalition en Irak afin de fournir un soutien logistique et de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dans le pays, a affirmé le 24 juin Abdullah Gul, le ministre turc des Affaires étrangères. Il n’a pas précisé la date d’entrée en vigueur de cette décision, ni si les bases militaires étaient concernées. Abdullah Gul a annoncé que des troupes de maintien de la paix pourraient utiliser ces bases pour une année. Il a expliqué que la présence de ces troupes sur le sol turc n’était pas soumise à l’approbation du parlement, contrairement à l’utilisation de bases pour des opérations militaires. Autoriser l’utilisation d’infrastructures à des fins humanitaires n’exige pas l’approbation du parlement, selon des responsables.

Cette annonce apparaît comme une tentative de réchauffement des relations entre Ankara et Washington, après que le parlement turc eut décidé en mars 2003 de ne pas autoriser les forces américaines à utiliser des bases turques pour les opérations militaires en Irak.

La Turquie permet déjà aux forces de la coalition d’acheminer l’assistance humanitaire dans le Kurdistan irakien par un de ses ports du sud et par la frontière entre les deux pays. Selon des diplomates, Ankara devrait maintenir comme condition qu’aucun soldat ou arme n’entre en Irak par son territoire. Selon des responsables, les Etats-Unis n’ont pas encore répondu à la proposition turque.

La Turquie avait fermé pour un jour le poste-frontière de Habur le 18 juin après que le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) eut empêché la veille 40 Irakiens se disant hommes d’affaires originaires de la ville de Kirkouk de se rendre en Turquie sans documents de voyage.

Par ailleurs, l’envoyé spécial de l’Onu en Irak, Sergio Vieira de Mello, a effectué le 19 juin une visite à Erbil dans le Kurdistan irakien pour s’entretenir avec des responsables du Parti démocratique du Kurdistan (PDK). Durant sa brève visite, M. Vieira de Mello a également inspecté plusieurs projets menés par des agences de l’Onu et rencontré des parents d’Irakiens disparus sous le régime déchu de Saddam Hussein.

LE PRÉSIDENT DE LA COUR DE CASSATION TURQUE DÉCLARE QUE LA CONSTITUTION TURQUE EMPECHE L’IMPARTIALITÉ DES JUGEMENTS


Au cours du symposium organisé à Ankara, le 21 mai, par les facultés de droit sur le thème du “ droit au jugement impartial ”, le président de la Cour de cassation turque, Eraslan Ozkaya, a déclaré dans son discours d’ouverture qu’il est impossible de parler de jugement impartial et indépendant en Turquie tant que perdureront les articles 140, 144 et 159 de la Constitution, de même que le code du Haut Conseil de la magistrature et plus particulièrement certaines dispositions de ce code. Il a souligné que le principe d’impartialité de la justice est régi par la Constitution de 1982 et certaines dispositions législatives, mais que la Constitution de 1982 est beaucoup plus coercitive au regard des droits et libertés individuels et du droit à une justice impartiale que la Constitution de 1961. Selon M. Ozkaya, élaborée par un principe philosophique limitant les droits et les libertés individuels, la Constitution de 1982 porte par voie de conséquence préjudice à l’impartialité du jugement. “ Tant que ces dispositions ne seront pas abrogées, la justice turque continuera à perdre de sa crédibilité ” a-t-il déclaré.

Le symposium s’est déroulé en présence du ministre turc de la justice, Cemil Çiçek, du procureur général près de la Cour de cassation, Nuri Ok, de son prédécesseur Sahib Kanadoglu et les magistrats de la Cour de cassation turque.

LE COMITÉ ANTI-TORTURE DU CONSEIL DE L’EUROPE DÉNONCE LA PERSISTANCE DE LA TORTURE DANS LES COMMISSARIATS TURCS


Le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe (CPT) a dénoncé dans un rapport publié le 25 juin la persistance de la torture dans les commissariats turcs, notamment dans les provinces kurdes. Les experts du CPT indiquent que des cas de chocs électriques, de coups et de privation de sommeil contre des prisonniers en garde-à-vue leur ont été rapportés.

Lors de deux visites en Turquie, en mars puis en septembre 2002, les experts du CPT ont interrogé “ un nombre considérable ” de personnes ayant été placées en garde-à-vue dans la province kurde de Diyarbakir, placée sous état d’urgence jusqu’à fin novembre 2002. “ Environ la moitié des personnes interrogées ont affirmé qu’elles avaient subi des mauvais traitements lors de la garde-à-vue dans les locaux de la police ou de la gendarmerie ”, affirme le CPT, dans ce rapport publié avec l’accord des autorités d’Ankara.

Les experts de l’organisation européenne font notamment état de “ coups, compression des testicules, aspersion d’eau glacée sur les prisonniers nus qui sont ensuite maintenus au froid, privation de sommeil, position debout prolongée (...), chocs électriques sur les orteils, les parties génitales et/ou les oreilles ”. Au vu de ces informations, le CPT demande que soit organisée une enquête, par un organe judiciaire indépendant, sur les méthodes utilisées par le service anti-terroriste de la police de Diyarbakir pour interroger les prisonniers gardés à vue.

Le Comité dénonce par ailleurs la non-confidentialité des examens médicaux subis par les prisonniers. Ainsi, “ les personnes qui ont été maltraitées peuvent être facilement dissuadées d’en informer le médecin, et le médecin peut être facilement dissuadé de soulever le problème auprès du détenu. De plus, (...) certains médecins qui avaient tenu à faire état des blessures qu’ils avaient observées ont fait l’objet de menaces et/ou ont été mutés à un autre poste ”, relèvent les experts.

PROCÈS D’UN OUVRAGE HISTOIRIQUE ÉCRIT PAR MASSOUD BARZANI


Le procès “ pour propagande séparatiste ” contre deux éditeurs et un traducteur turcs d’un livre sur l’histoire des Kurdes écrit par le dirigeant kurde irakien Massoud Barzani s’est ouvert le 8 mai devant une Cour de Sûreté de l’Etat d’Istanbul. Le procureur a réclamé jusqu’à sept ans de prison à l’encontre d’Ahmet Zeki Okcuoglu et Bedir Vatansever, respectivement éditeur et imprimeur de ce livre sorti en janvier 2003, et de Vahdettin Ince, traducteur de l’ouvrage en arabe.

L’acte d’accusation incrimine l’emploi, dans ce livre intitulé “ Barzani et le mouvement de libération nationale kurde ”, du terme “ Kurdistan turc ” pour désigner le “ sud-est de la Turquie ”. Le parquet estime également que l’ouvrage du chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) critique le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Ataturk. Le livre contient une correspondance entre le leader indien Nehru et sa fille, Indra Gandhi, future Premier ministre. Le passage en question dit : “ Kemal Pasha a brutalement massacré les Kurdes après le soulèvement de 1925. Il a fondé des cours spéciales d’indépendance pour juger des milliers de Kurdes et a envoyé le leader kurde et d’autres encore à la potence. Alors qu’ils donnaient leur dernier souffle, leur espoir d’un Kurdistan indépendant n’a jamais été ébranlé. Les Turcs qui ont combattu pour leur liberté, sont aujourd’hui, ironie de l’histoire, en train d’éliminer les Kurdes qui demandent à leur tour leur liberté. C’est tellement surprenant de voir comment le nationalisme cesse soudainement d’être un reflex de défense de la patrie et se transforme en une agression contre d’autres droits ”.

Aucun des trois accusés n’était présent à l’audience et la cour a prononcé un mandat d’amener à l’encontre de M. Okcuoglu pour entendre son témoignage. L’audience a été ajournée à une date ultérieure.

LA COUR CONSTITU-TIONNELLE ACCORDE 45 JOURS AU DEHAP POUR LA PRÉPARATION DE SA DÉFENSE


La Cour constitutionnelle a accordé un délai supplémentaire de 45 jours au parti démocratique du peuple (Dehap, pro-kurde) pour préparer sa défense dans deux procédures lancées par le procureur de la cour de cassation, Sabih Kanadoglu, contre le Dehap en mars et en avril 2003, a annoncé le 7 mai le vice-président de la Cour, Hasim Kilic.

M. Kilic a indiqué que le président du Dehap Mehmet Abbasoglu avait demandé un délai de trois mois pour préparer la défense de sa formation mais que la Cour avait décidé de lui accorder 45 jours. La première l’accuse d’avoir falsifié des documents ayant trait à l’ouverture de représentations dans le pays afin de pouvoir présenter des candidats aux élections législatives de novembre 2002. La seconde concerne des accusations de “ collusion avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, rebaptisé Kadek) ”. Le Dehap, qui nie toute relation avec le PKK, n’a obtenu aucun siège au parlement au scrutin de novembre 2002 faute d’avoir franchi la barre des 10% de suffrages nécessaires à l’échelle nationale. Le parti a été fondé en 1999 par des sympathisants du parti démocratique du peuple (Hadep) qui a été interdit le 13 mars par la Cour constitutionnelle “ pour association avec les rebelles sécessionnistes kurdes ”

Par ailleurs, l’ex-président du parti démocratique du peuple (Dehap, pro-kurde), Mahmut Abbasoglu, et trois anciens dirigeants du parti ont été condamnés le 26 juin à près de deux ans de prison chacun pour “ falsification dans les documents officiels ”. Les quatre personnes étaient accusées d’avoir falsifié des documents ayant trait à l’ouverture des sections du parti dans le pays afin de pouvoir présenter des candidats aux élections législatives de novembre 2002.

Vingt-deux autres ex-responsables du parti ont été acquittés dans cette affaire. M. Abbasoglu ne s’était pas présenté pour un nouvel mandat lors d’un congrès de son parti le 8 juin. Il a été remplacé à la tête du parti par Tuncer Bakirhan. Le Dehap, qui nie tout lien avec le PKK, est menacé de fermeture par la justice turque pour “ liens présumés avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan ” (PKK- rebaptisé KADEK).

Le parti a été fondé en 1999 par des sympathisants du parti démocratique du peuple (HADEP), formation qui a été interdite le 13 mars par la Cour constitutionnelle pour “ association avec les rebelles sécessionnistes kurdes ”.

PERQUISITION AU SIÈGE DE L’ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L’HOMME ET SAISIE DES ARCHIVES ET DU MATERIEL


Le secrétaire général de la fondation turque des droits de l’homme (TIHV), Sedat Aslantas, dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a vivement critiqué les perquisitions effectuées le 6 mai par la police turque au siège de l’association turque des droits de l’homme (IHD). “ Au cours d’une perquisition de deux heures, les policiers ont saisi deux nombreuses archives, mais aussi les ordinateurs et les disquettes au siège de l’IHD puis ont procédé à la même perquisition à la branche d’Ankara de l’association ”.

Les documents saisis constituent les 17 ans d’histoire de l’association des droits de l’homme et contiennent les bilans de violations des droits de l’homme, comme des témoignages ou encore des correspondances avec des organisations de défense des droits de l’homme et des officiels. Sedat Aslantas tout en dénonçant la violation de plusieurs conventions internationales par ces perquisitions, souligne que celles-ci ont eu lieu alors que le ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gul, faisait le discours d’ouverture de la réunion de consultation organisée par le secrétariat général de l’UE avec la présence de l’IHD.

LE CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ (MGK) PRÉCONISE DE L’OUVERTURE DE TROIS CONULATS TURCS AU KURDISTAN D’IRAK


Selon le quotidien Hurriyet du 1er mai, le Conseil national de sécurité (MGK), au cours de sa réunion ordinaire du 30 avril, a recommandé l’ouverture de trois consulats turcs au Kurdistan d’Irak, dans les villes de Mossoul, Kirkouk et Suleymaniyeh. “ Le dialogue sera ouvert et chaleureux avec les Kurdes afin d’éviter les conflits entre les Arabes et les Kurdes ” a précisé le MGK, qui a également décidé de dépêcher un émissaire spécial auprès de Massoud Barzani.

LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR NE PAS AVOIR MENÉ “ D’ENQUÊTE ADÉQUATE ” SUR LES CIRCONSTANCES DU DÉCÉS D’UN JOURNALISTE KURDE


La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné le 9 mai la Turquie à indemniser le père d’un journaliste tué estimant qu’Ankara n’avait pas mené une “ enquête adéquate ” sur son décès.

La cour a en revanche rejeté le grief d’atteinte au droit à la vie invoqué par le père qui reprochait à des membres des services secrets de l’Etat d’avoir enlevé, torturé et tué son fils, Ferhat Tepe, reporter au journal pro-kurde Ozgur Gundem à Biltis, ou d’avoir été commanditaire de ces actes. “ Les circonstances du décès de Ferhat Tepe et le fait qu’il ait travaillé pour un journal pro-kurde militent en faveur des allégations de son père ”, a estimé la cour dans son arrêt. La juridiction ne peut toutefois “ conclure au-delà de tout doute raisonnable ” qu’il a été la victime d’un agent de l’Etat ou d’une personne agissant en son nom.

Le gouvernement soutenait que Ferhat Tepe avait été assassiné par le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Pour tenter d’élucider les circonstances controversées de la mort du journaliste, trois représentants de la Cour ont entendu 24 témoins à Ankara en octobre 2000. La cour a souligné que l’enquête n’avait pas été approfondie et que les autorités policières et judiciaires n’avaient pas pris de mesures pour identifier de possibles témoins. Elle a conclu qu’il y avait eu violation de la Convention européenne des droits de l’Homme “ du fait que les autorités nationales ont failli à mener une enquête adéquate et effective sur les circonstances du décès du fils du requérant ”. Elle a alloué au requérant 14.500 euros de préjudice moral et 14.500 euros pour les frais et dépens.

L’ANCIEN PREMIER MINISTRE TURC, NECMETTIN ERBAKAN, DE RETOUR SUR LA SCÈNE POLITIQUE APRÈS CINQ ANS D’INTERDICTION


L’ancien Premier ministre turc Necmettin Erbakan a été élu à la tête de son parti pro-islamique, le 11 mai, après avoir été empêché de briguer un mandat politique pendant cinq ans. Il a été élu à l’unanimité chef d’un nouveau parti islamique, le Parti du Bonheur (Saadet partisi), réuni en congrès. Son retour ne devrait cependant pas changer beaucoup la donne sur l’échiquier politique turc.

En 1998, une décision de justice l’avait exclu de la vie politique nationale après avoir dissous pour “ activités anti-laïques ” le parti de la Prospérité (Refah), alors unique parti islamique de Turquie, qu’il présidait depuis 30 ans. Necmettin Erbakan avait été désigné Premier ministre d’un gouvernement de coalition en 1996, avant que celui-ci ne s’effondre un an plus tard sous les menaces de la toute-puissante armée turque. Le parti du Bonheur n’a pas enregistré de suffrage suffisant pour entrer au Parlement lors des élections législatives de novembre 2002, remportées de façon écrasante par un autre parti islamique, le Parti de la Justice et du Développement (AKP), fondé par une grande partie des élus qui étaient auparavant proches de M. Erbakan.

M. Erbakan, 76 ans, représente la vieille garde par rapport au plus jeune et plus charismatique Premier ministre actuel Recep Tayyip Erdogan, dissident du Parti du Bonheur.

MASSOUD BARZANI REÇOIT UNE DÉLÉGATION TURQUE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES


Le leader du parti démocratique du Kurdistan (PDK) d’Irak, Massoud Barzani, a, le 24 mai, accueilli une délégation du ministère turc des affaires étrangères dans son fief de Selahaddin. Composée des ambassadeurs Ecvet Tezcan et de Selim Karaosmanoglu et aussi du directeur du bureau d’Irak du ministère des affaires étrangères, Kerim Uras, la délégation a reçu un accueil convivial par M. Barzani qui a déclaré qu’ “ une nouvelle page s’ouvrait avec la Turquie ”. E. Tezcan, quant à lui, déclaré que “ la démocratie et la liberté existent réellement [au Kurdistan] ”

“ Il est temps d’améliorer notre coopération. (...) Nous avons le projet d’ouvrir des consulats à Souleimanieh et Erbil. L’invitation en est venue du nord de l’Irak ”, avait déclaré, le 18 mai, le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul.

AFFRONTEMENTS À GIRESUN ET DANS LA PROVINCE KURDE DE DERSIM ENTRE LES SOLDATS TURCS ET LES MEMBRES DU TIKKO ET DU PKK


Trois membres d’une organisation maoïste clandestine ont été tués lors d’un affrontement avec les forces turques à Giresun (sur le littoral de la mer Noire, près de la frontière géorgienne), tandis qu’un soldat a été tué au cours d’un accrochage avec des combattants kurdes à Dersim, selon les autorités turques le 21 mai.

L’incident à Giresun s’est produit dans la localité d’Alucra lorsque des militants extrémistes du TIKKO (armée de libération des paysans et des ouvriers de Turquie, illégale) ont répondu par des tirs aux appels à la reddition, selon les autorités. À Dersim, un accrochage a eu lieu près du village d’Ataclar entre des militaires en mission de ratissage et un groupe du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

L’ALLEMAGNE COMPTE 600 000 RESSORTISSANTS ORIGINAIRES DE LA TURQUIE. Selon le quotidien turc Hurriyet du 22 mai, l’Allemagne compte 600 000 ressortissants originaires de la Turquie. L’Ambassade de Turquie à Berlin annonce que plus de 100 000 d’entre eux ont obtenu la naturalisation après la réforme de 2000 et que cela constitue un électorat de 470 000 personnes.

LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR “ TRAITEMENT INHUMAIN ET DÉGRADANT ”


La Cour européenne des droits de l’homme a, le 19 juin, condamné la Turquie pour des mauvais traitements infligés pendant sa garde-à-vue à un Kurde condamné pour “ séparatisme ”, dont elle a par ailleurs estimé le procès inéquitable. La Cour a estimé que Hulki Gunes, un Kurde de 40 ans arrêté en 1992 près de Diyarbakir, soupçonné d’avoir participé à une fusillade où un soldat avait trouvé la mort, avait subi un “ traitement inhumain ou dégradant ” lors de sa garde-à-vue. M. Gunes s’était notamment plaint d’avoir subi des électrochocs et des coups sur différentes parties du corps.

La Cour a d’autre part estimé que le procès du requérant, condamné le 11 mars 1994 à la réclusion à perpétuité pour “ séparatisme et atteinte à la sûreté de l’Etat ”, avait été inéquitable, car la Cour de sûreté de l’Etat qui l’avait condamné comportait un juge militaire. La CEDH a enfin condamné Ankara pour n’avoir pas laissé au requérant la possibilité de faire interroger par la Cour de sûreté les gendarmes qui l’accusaient, et dont le témoignage était le seul à charge. “ La Cour ne méconnaît pas les indéniables difficultés de la lutte contre le terrorisme (...), mais elle estime que ces facteurs ne peuvent conduire à limiter à tel point les droits de la défense d’un accusé, quel qu’il soit ”, estiment les juges.

Le requérant, actuellement détenu à Diyarbakir, s’est vu allouer 25.000 euros de dommages et intérêts, ainsi que 3.500 euros pour les dépens.

SIX COMBATTANTS DU PKK TUÉS EN MOINS DE DEUX SEMAINES AU KURDISTAN DE TURQUIE


Deux combattants kurdes du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK rebaptisé Kadek) ont été tués, le 24 juin, lors d’un accrochage avec l’armée turque près du village de Meselidere, province de Siirt. Deux combattants PKK avaient été tués le 19 juin lors d’un accrochage avec l’armée turque dans la province kurde de Bingol, où deux autres combattants du PKK avaient été tués le 15 juin.

Depuis plusieurs semaines, des organisations civiles de la région organisent des manifestations dans le pays pour réclamer une amnistie générale pour les combattants kurdes afin d’établir une paix durable. Le ministre turc de l’Intérieur, Abdulkadir Aksu, a proposé le 27 juin une amnistie aux combattants kurdes. La proposition de loi, dévoilée lors d’une conférence de presse télévisée, propose le pardon pur et simple pour certains et des réductions de peine pour d’autres. “ Il s’agit d’un pas nouveau et très important du gouvernement pour rétablir la paix ”, a notamment déclaré le ministre. La proposition de loi, qui pourrait être soumise au parlement dès la semaine prochaine, envisage le pardon pour ceux qui se rendent et qui n’ont pas commis de crimes de sang et des réductions de peine pour les autres, à condition qu’ils donnent des informations sur leur organisation. Les dirigeants sont exclus de toute offre d’amnistie. Les personnes déjà condamnées se verront offrir des réductions de peine de moitié ou des trois-quarts, à condition de coopérer avec les autorités. L’offre du gouvernement, la huitième du genre, a été dénoncée par Tuncer Bakirhan, le dirigeant du Parti démocratique du peuple (DEHAP-pro-kurde), qui réclame une amnistie générale.

REPRESSION POLICIÈRE CONTRE DES MANIFESTANTS DEMANDANT L’AMNISTIE GÉNÉRALE ET ACCROCHAGE À BINGOL FAISANT DEUX MORTS DANS LES RANGS DU PKK


La police turque a interpellé le 16 juin 114 personnes dans la ville kurde de Bingol alors qu’elles manifestaient pour réclamer une amnistie générale pour permettre aux combattants kurdes de déposer leurs armes et de regagner la vie civile. Dans un premier temps, 61 personnes dont 60 femmes de la “ Plateforme féminine ”, avaient été interpellées par les forces de sécurité. Ensuite, un autre groupe de 53 personnes a également été interpellé. Quatre avocats, qui en faisaient partie, ont été relâchés, selon les autorités turques.

340 organisations non gouvernementales, défenseurs des droits de l’homme, partis politiques pro-kurdes et syndicats ont appelé le 14 juin le gouvernement turc à proclamer une amnistie générale pour les militants kurdes, dans le but de stabiliser la paix dans cette région. “ Une amnistie sans conditions et sans limites est le seul moyen de venir à bout des tensions ”, affirme un texte signé par ces organisations. “ Réclamer le repentir ne résoudra pas les problèmes, mais créera les conditions pour qu’ils prolifèrent ”, affirme le texte présenté lors d’une conférence de presse à Diyarbakir.

Le gouvernement prépare actuellement une loi d’amnistie, limitée à d’éventuels repentis, mais qui serait d’application plus large que des précédentes dispositions légales prises à l’égard de militants pro-kurdes, leur demandant de se repentir et de livrer des informations sur le PKK. Ces textes excluaient également des dirigeants de ce mouvement. Les responsables militaires turcs estiment que quelque 5.000 membres du PKK ont trouvé refuge dans les montagnes du Kurdistan irakien et après la guerre en Irak, les Américains ont affirmé qu’ils ne tolèreraient pas la présence de “ ces miliciens ” sur le sol irakien et poussent Ankara à décréter une amnistie.

Le gouvernement souhaite faire voter par le parlement de nouvelles réformes concernant les droits des Kurdes avant le sommet européen de Salonique (Grèce) des 20 et 21 juin.

Par ailleurs, deux combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) ont été tués lors d’un accrochage avec l’armée turque au cours d’une opération militaire, qui s’est déroulée le 15 juin dans la province kurde de Bingol. Le gouverneur de Bingol, Huseyin Avni Cos, a déclaré que cette opération avait été déclenchée l’assassinat d’un maire de village de la province par des membres du PKK la semaine précédente.

L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE ACCUSE LA TURQUIE DE “ COLONISER ” LA PARTIE TURQUE DE CHYPRE


La Turquie et la République turque de Chypre du nord (RTCN, reconnue seulement par Ankara) ont, le 25 juin, dénoncé un rapport adopté la veille à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (ACPE) et qui accuse la Turquie de “ coloniser ” la partie turque de Chypre. “ Ce n’est pas vrai. Ces allégations sont dénuées de fondement ”, a déclaré à la presse le chef de la diplomatie turque Abdullah Gul.

Le rapport accuse la Turquie de procéder à une “ colonisation déguisée ” dans le nord de Chypre depuis l’intervention militaire turque de 1974 qui a divisé l’île en secteurs turc et grec (sud). Sur les quelque 200.000 habitants de la RTCN, 115.000 sont des colons venus essentiellement d’Anatolie, selon le document. Des milliers de Chypriotes-turcs ont quitté leur pays pour la Grande-Bretagne et d’autres pays du Commonwealth. L’ACPE a adopté, le 24 juin, par 68 voix contre 15 et 2 abstentions une recommandation demandant “ à la Turquie, ainsi qu’à l’administration locale subordonnée chypriote turque du nord de Chypre, de mettre fin au processus de colonisation par les colons turcs ”.

“ La Turquie n’est pas une force d’occupation et n’a jamais eu de telle intention ”, a souligné M. Gul. “ Ce rapport inéquitable et partial ne reflète pas les réalités à Chypre ”, a déclaré pour sa part le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Huseyin Dirioz. Le président de la RTCN Rauf Denktas a qualifié le rapport de contre-productif dans la recherche d’une solution à la division de l’île. “ Si ce rapport vise à apporter la paix et un consensus sur l’île, il ne sert sans doute pas cet objectif ”, selon M. Denktash.

Le rapport qui n’a pas de caractère contraignant recommande au conseil des ministres du Conseil de l’Europe de charger le Comité européen sur la population (CAHP) d’effectuer un recensement à Chypre et de promouvoir “ l’idée de créer un fonds qui financerait les éventuels retours volontaires des colons turcs en Turquie ”. Des efforts sont en cours pour relancer le dialogue entre les dirigeants chypriotes grecs et turcs sur la base d’un plan de réunification de l’île mis en avant par le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, et sur lequel les négociations avaient échoué en mars 2003. Des mesures de confiance ont été mises en place depuis, notamment l’ouverture par les autorités chypriotes-turques de la ligne de démarcation séparant les deux secteurs. La République de Chypre a signé le 16 avril un traité d’adhésion à l’Union européenne, laissant pour l’instant la RTCN au ban de l’Europe.

LA CONDAMNATION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME POUR VIOLATION DE LA LIBERTÉ DE L’EXPRESSION N’EMPECHE PAS LES AUTORITÉS TURQUES DE POURSUIVRE UN AUTEUR POUR LE MÊME LIVRE


Condamné à plus d’un an de prison par la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) d’Istanbul n°2 pour un livre intitulé “ La faillite du paradigme ” (Paradigmanin iflasi), Fikret Baskaya, universitaire turc, s’est le 2 juin présenté devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara n°1, pour la publication de la huitième édition du même livre. Fikret Baskaya avait purgé sa peine de prison alors que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Turquie notamment pour violation de la liberté de l’expression.

Ainsi, Fikret Baskaya risque sur la base de la loi 8/1 anti-terreur turque d’un an et 4 mois de prison jusqu’à quatre ans de prison pour un livre qui reste dans le cadre de la liberté de l’expression de l’auteur selon le jugement même de la Cour européenne des droits de l’homme dont l’autorité reste ainsi théorique tant qu’elle n’inflige que des amendes .

LES KURDES DE TURQUIE REFUGIÉS AU KURDISTAN IRAKIEN DEMANDENT À RENTRER CHEZ EUX


Selon le quotidien turc Milliyet du 15 juin, la Sous-commission relative des réfugiés de la commission des droits de l’homme du Parlement turc, a décidé de se rendre au Kurdistan irakien pour examiner la situation des 12 000 réfugiés kurdes de Turquie, contraints à l’exil en 1990 du fait de l’oppression exercée par les autorités turques. “ Partis il y a 13 ans avec le message “ la Turquie est devenue invivable pour les Kurdes ”, au moment où les combats étaient intenses avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les 12 000 Kurdes désireux de revenir avec la fin de la terreur, laisse la Turquie dans l’embarras ” écrit le journal.

Président de la sous-commission, le député du parti de la Justice et du développement (AKP), Faruk Unsal, a déclaré qu’après avoir discuté avec une délégation composée de 140 réfugiés en attente à Sirnak, ils se rendront au Kurdistan pour étudier la question sur le terrain dans les camps de Makhmour et de Zeli dans la province de Mossoul qui était jusqu’à la chute du régime de Saddam Hussein sous le contrôle de celui-ci.

UNE RADIO INTERDITE DES ONDES POUR UN MOIS ET SANS MISE EN DEMEURE POUR AVOIR DIFFUSÉ EN KURDE


Alors que le président de l’organe de contrôle et de régulation des radios et télévisions turques (RTUK) critique ouvertement l’ancien président de la chaîne nationale turque (TRT) pour avoir saisi en catimini le Conseil d’Etat afin de s’opposer à la diffusion des émissions en kurde sur la TRT, il décide en même temps d’interdire la radio Dunya (Monde) émettant en kurde dans le cadre strict de la réglementation turque. Par décision datée du 12 juin, Fatih Karaca oppose une interdiction d’un mois à la radio Dunya, incriminée pour un programme intitulé “ la langue et la littérature kurdes ”. “ La violation du principe de non-diffusion contre l’existence et l’indépendance de la République de Turquie et l’unité indivisible de l’Etat et de son peuple a été constaté… Par conséquent… il n’y a pas lieu de mettre en demeure ” précise le texte signé par F. Karaca fixant au 10 juillet l’arrêt des émissions.

Le directeur éditorial de la radio, Sabri Ejder Oziç, se dit surpris par la décision en déclarant “ le RTUK n’évoque pas dans sa décision comme infraction le contenu du programme. Le seul problème est l’utilisation de la langue kurde. Les réformes apportées à la Constitution en vue d’une adhésion à l’Union européenne nous octroient pourtant ce droit. Nous avons fait tellement attention à la diffusion ; nous avons respecté la durée imposée par les règlements, alors que nous ne diffusions qu’une demi-heure par semaine en kurde, nous faisions une traduction simultanée en turc, et diffusions quelques chansons en kurde ”. Pour les responsables turcs même une demi-heure de musique kurde par semaine constitue une menace grave pour l’existence de leur république qui apparemment semble bien fragile.

TROP DE ROUGE, VERT ET JAUNE ” LE DÉCOR D’UNE PIÈCE DE THÉATRE SAISI PAR LA POLICE TURQUE


La police turque est intervenue, le 17 juin dans un théâtre du de la province kurde de Hakkari pour saisir un décor qui comportait à leur goût trop de rouge, vert et jaune, les couleurs du drapeau kurde.

L’intervention a eu lieu après qu’un professeur, qui avait assisté à une répétition de la pièce, eut téléphoné aux autorités pour dénoncer un soit-disant complot, rapporte, le 19 juin, le quotidien turc Radikal. La représentation des trois couleurs donne souvent lieu à des accusations de propagande et de soutien au séparatisme. Les acteurs, qui ont été interpellés pour témoigner devant le procureur, ont annulé les représentations, selon le quotidien turc Milliyet. L’un deux, Mahir Gunsiray, a démenti que la pièce, intitulée Gavara, ait quoi que ce soit à voir avec le problème kurde, et dit sa “ surprise ” face à la saisie du décor. “ Cet incident représente vraiment un mauvais coup à un moment où le parlement travaille à l’adoption de réformes pour permettre au pays de rejoindre l’Union européenne ”, a-t-il déclaré.

LE MINISTÈRE TURC DE L’ÉDUCATION NATIONALE DEMANDE AUX ETABLISSEMENTS SCOLAIRES D’ORGANISER DES CONFÉRENCES ET DES CONCOURS DE COMPOSITION POUR LUTTER CONTRE TOUT ARGUMENT RELATIF AU GÉNOCIDE ARMÉNIEN


Selon le quotidien turc Hurriyet du 12 mai, une circulaire du ministère turc de l’éducation nationale datée du 14 avril 2003 envoyée à tous les établissements scolaires en Turquie, y compris les écoles arméniennes, demande l’organisation “ des conférences et de concours de compositions ” dans le but de “ lutter contre les arguments relatifs au génocide arménien ”.

La circulaire précise que les rapports sur l’organisation des conférences devront être adressé par la direction des établissements au ministère de l’éducation nationale avant le 30 mai 2003 et cite des livres de référence - selon les turcs- sur la question tel que “ Les massacres perpétrés par les Arméniens à Adana et les relations franco-arméniennes ” de Yusuf Ziya Bildirici ou encore “ l’église arménienne et la terreur ” de Erdal Ilter.

Le document prévoit également l’organisation dans tous les collèges d’un concours de composition sur le thème de “ la révolte et les activités arméniennes au cours de la première guerre mondiale ”. Les résultats devront être proclamés le 1er septembre et les lauréats publiés dans la Revue d’éducation éclairée par la science et l’intelligence.

LES FAILLITES DES BANQUES TURQUES ONT COÛTÉ 40 MILLIARDS À LA TURQUIE SELON LE FMI


À la réunion organisée le 8 mai par le conseil de contrôle et d’organisation bancaire turque (BDDK) à Istanbul, la première adjointe du président du FMI, Mme Anne Krueger, a déclaré que la gestion risquée et le mauvais contrôle du système bancaire avaient coûté à la Turquie 40 milliards de dollars. “ Si une organisation et un contrôle nécessaire avaient été élaborés au préalable, on n’aurait pas à affronter une telle perte ” a-t-elle déclaré.

LE PKK MENACE DE REPRENDRE LES HOSTILITÉS ALORS QUE LE DEHAP DEPOSE AU PARLEMENT TURC UNE PETITION D’UN MILLION DE SIGNATAIRES DEMANDANT UNE AMNISTIE GÉNÉRALE


Murat Karayilan, un des dirigeants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK-rebaptisé Kadek), a menacé de reprendre les hostilités en Turquie, minimisant la portée des mesures d’amnistie proposées le 29 juin par le gouvernement aux combattants, selon le quotidien pro-kurde Ozgur Politika publié en Allemagne. “ Le projet [d’amnistie] impose la repentance. Il dit : “ nous vous annihilerons si vous ne vous rendez pas et ne fournissez pas d’informations ” ”, estime Murat Karayilan, commandant de premier plan au sein du PKK, d’après un article publié le 30 juin dans le quotidien.

Si le gouvernement turc “ insiste sur l’annihilation et le reniement, nous n’aurons plus qu’une seule option. Et c’est une guerre pour l’honneur ”, a ajouté Murat Karayilan. “ Une nouvelle guerre ne sera pas comme l’ancienne. Si la guerre débute, la vie économique, politique et sociale sera paralysée ”, a-t-il averti.

Un autre dirigeant de haut rang, Mustafa Karasu, a, le 3 juillet, déclaré dans le même journal sous le titre de “ soit une solution, soit la guerre ! ”, que “ Cela fait quatre ans… Soit une solution ou soit une défense légitime est à l’ordre du jour. Aussi, allons-nous vers un point critique ”.

Le projet de loi, annoncé par le ministre turc de l’Intérieur Abdulkadir Aksu, envisage le pardon pour ceux qui se rendent et qui n’ont pas commis de crimes de sang et des réductions de peine pour les autres, à condition qu’ils donnent des informations sur leur organisation.

L’offre du gouvernement, la huitième du genre, a une nouvelle fois été dénoncée le 2 juillet par le principal parti pro-kurde de Turquie, le Parti démocratique du peuple (DEHAP), qui a réclamé une amnistie générale dans une pétition d’un million de signatures remise au Parlement. “ Il y a une nécessité pour une amnistie politique afin de parvenir à une paix sociale ”, a indiqué Osman Ozcelik, le vice-président du parti DEHAP. Il a affirmé que la proposition du gouvernement était dégradante car il appelle les combattants à se repentir et fournir aux autorités des informations sur leur organisation.

Les personnes déjà condamnées se verront offrir des réductions de peine de moitié ou des trois-quarts, à condition de coopérer avec les autorités.

ACQUITTEMENT EN GRÈCE DANS L’AFFAIRE DU SÉJOUR CLANDESTIN D’ABDULLAH OCALAN


Dix Grecs dont un amiral à la retraite, jugés dans l’affaire du séjour clandestin d’Abdullah Ocalan, leader du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ont été acquittés le 27 juin par un tribunal d’Athènes. A. Ocalan, qui purge en Turquie une peine de détention à vie, a lui aussi été acquitté par le tribunal grec, de même que deux autres Kurdes qui l’accompagnaient en 1999.

L’affaire avait soulevé un tollé en Grèce et entraîné le limogeage des ministres des Affaires étrangères, de l’Ordre public et de l’Intérieur, Theodoros Pangalos, Philippos Petsalnikos et Alecos Papadopoulos. Tous trois ont déposé devant le tribunal en tant que témoins. L’amiral à la retraite Antonis Naxakis, connu pour ses vues ultra-nationalistes, était le principal accusé grec du procès. Il a affirmé devant le tribunal qu’il avait été “ utilisé ” par le gouvernement socialiste alors au pouvoir en Grèce pour livrer A. Ocalan aux autorités turques. M. Pangalos a déclaré au tribunal que l’amiral Naxakis avait été “ abusé ” et pensait qu’ “ il serait simple de faire obtenir l’asile politique ” à Abdullah Ocalan, une mesure en faveur de laquelle 100 parlementaires grecs avaient lancé un appel. L’amiral Naxakis n’a joué qu’un rôle “ technique ” dans l’affaire et “ ceux qui ont amené Ocalan en Grèce ne sont pas au banc des accusés ”, a déclaré l’ancien ministre des affaires étrangères.

La Turquie a, le 2 juillet, dénoncé et s’est dite “ surprise ” de l’acquittement prononcé. Selon le communiqué du ministère turc, le verdict du tribunal athénien “ ne répond absolument pas aux attentes de la communauté internationale en matière de lutte antiterroriste et ne satisfait pas l’opinion publique turque ”. A. Ocalan avait séjourné clandestinement à Athènes les 28 et 29 janvier 1999. Il avait ensuite été évacué avec l’aide des services de renseignement grecs vers l’ambassade de Grèce à Nairobi, au Kenya.

Le procureur Orhan Erbay a non seulement requis et obtenu l’acquittement contre Sedat Bucak mais n’a pas manqué non plus de saluer la collaboration avec l’Etat de ce chef de tribu en faisant largement l’éloge de ce témoin clé du premier procès des députés du DEP qui eux ont été condamnés à 15 ans de prison sans jamais avoir eu le droit d’interroger S. Bucak.