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avec revues de presse

Bulletin N° 175 | Octobre 1999

 

BERLIN : ÉLECTION DE DEUX KURDES AU SÉNAT

Après l’élection de Mlle. Nalin Baksi au Parlement suédois puis d’une autre jeune Kurde, Mlle Feleknas Uca au Parlement européen, deux Kurdes de nationalité allemande viennent d’être élus au Sénat de Berlin à la suite des élections du 10 octobre 1999. Il s’agit de M. Giyasettin Sayan et de Mlle Evrim Helin Baba, élus sur la liste du PDS. La communauté kurde déploie des efforts accrus pour s’intégrer et les jeunes de la deuxième génération s’investissent de plus en plus dans la vie politique de leur pays d’accueil.

UN APPEL INTERNATIONAL POUR LES DROITS FONDAMENTAUX DES KURDES EN TURQUIE

Cinq intellectuels de Turquie - Yashar Kemal, Orhan Pamuk, Ahmet Altan, et Mehmed Uzun, tous écrivains et Zülfü Livaneli, musicien et journaliste, ont lancé un appel international pour les droits culturels des Kurdes. À l’occasion d’une conférence de presse, le 11 octobre 1999 à Istanbul, la déclaration ci-dessous, signée par plus d’une cinquantaine de personnalités a été rendue publique. Parmi les signataires figurent Günter Grass, prix Nobel de Littérature 1999, José Saramago et Nadine Gordimer, Prix Nobel de Littérature, Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix, Costa Gavras, réalisateur, Arthur Miller, écrivain, Jack Lang, ancien ministre français, Maurice Béjart, chorégraphe, Ingmar Bergman, écrivain et réalisateur, Liv Ullman, comédienne…

Voici le texte intégral de cet appel :

" Le vingtième siècle, un des plus sanglants de l’histoire humaine, touche à sa fin. Une question revient sans cesse : le vingt-et-unième siècle sera-t-il aussi sanglant que le précédent? Continuerons-nous à vivre sous le règne de la guerre, de la violence, des armes ? Le racisme et la haine de l’autre vont-ils encore mettre notre monde à feu et à sang? L’oppression sera-t-elle encore une réponse aux revendications ethniques et sociales?

Nous répondons fermement "non". Les peuples du siècle qui naît ont l’ardente obligation de refuser toutes formes de discrimination et d’oppression.

Nous, les écrivains et artistes, signataires de ce texte, souhaitons que la Turquie soit à l’avant-garde de la défense des droits et de la démocratie. Nous sommes convaincus que la Turquie – qui fait partie du monde civilisé – a la volonté d’accorder la liberté, l’égalité, la justice à tous les peuples qui la constituent.

Aujourd’hui, la Turquie parait comme un pays qui ne respecte pas les obligations des droits de l’homme et de la démocratie. Des représentants officiels du gouvernement turc l’admettent. La question kurde est au cœur de ces problèmes. Tant que la Turquie n’apportera pas les réponses adéquates à la question kurde, elle ne parviendra ni à respecter les droits de l’homme ni à devenir une démocratie.

Nous sommes convaincus que la Turquie a les moyens de résoudre la question kurde. Aucune des menaces qui pesaient sur la jeune république turque de 1923 - née des décombres de l’empire ottoman - n’est à l’ordre du jour aujourd’hui. Les quinze millions de Kurdes en Turquie forment une entité importante de la république. Les Kurdes réclament la préservation de leur identité linguistique et culturelle, le droit de vivre comme des citoyens libres dans le cadre de la République de Turquie. Ils veulent pouvoir lire et écrire en kurde, étudier en kurde. Ils veulent vivre, travailler et servir leur pays tout en préservant la richesse de leur identité culturelle.

Les efforts de turquisation ont entraîné la mise hors-la-loi de la langue kurde. Un très grand nombre d’intellectuels ont été arrêtés, punis. Des milliers des villes, villages, hameaux, vallées, montagnes, collines ont vu leur nom débaptisé et turquisé. Les Kurdes eux-mêmes sont devenus des "‘Turcs des montagnes". La Constitution et les lois turques ont servi de cadre pour l’application de cette politique.

Aucune de ces mesures n’a atteint l’objectif assigné : les Kurdes ne sont pas devenus des Turcs. La question kurde n’est pas résolue. Les événements sanglants et la situation économique désastreuse des quinze dernières années sont la preuve que la violence n’est pas une solution. La violence ne parvient pas à transformer les Kurdes en Turcs; la violence ne de permet pas aux Kurdes d’obtenir leurs droits.

À l’aube du siècle naissant, il est temps pour la Turquie de montrer l’exemple en réalisant l’étape nécessaire vers la démocratie, en résolvant la question kurde, en intégrant ses citoyens kurdes avec leurs droits fondamentaux. La démocratie renforcera la Turquie économiquement, socialement, culturellement. La langue kurde compte parmi les plus riches de la civilisation mésopotamienne. Elle possède une littérature classique savante, une belle et riche tradition orale, une tradition musicale variée, elle est aussi la langue d’une littérature moderne florissante. L’histoire de cette langue fait partie du patrimoine mondial.

Au lieu d’êtres niés et méprisés, cette langue et cette culture devraient constituer une part dynamique de la richesse de la Turquie. Tout au long de leur histoire, les Kurdes ont constitué le tiers de la mosaïque des peuples d’Anatolie. Et ne doivent plus subir de discrimination. Leur dignité et leurs droits fondamentaux doivent êtres reconnus afin de constituer une partie dynamique de l’Anatolie et la Turquie. Le kurde doit être reconnu comme langue d’enseignement et d’éducation. La langue et l’identité culturelle kurdes doivent faire l’objet de garanties constitutionnelles.

Nous demandons au président de la République, au Premier ministre, au Parlement, au gouvernement, aux hommes en place : faites cesser cette honte. Au moment où vous pansez les blessures du tremblement de terre, songez -aussi à panser les plaies sociales qui saignent depuis soixante-dix ans.

La Turquie du vingt-et-unième siècle doit se dresser comme un phare, être le pays des valeurs humaines et démocratiques ".

Ce texte a également été signé par : Harold Pinter, Adonis, Michael Holroyd, Arne Ruth, Bibi Andersson, Erland Josephson, Johannes Salminen, Margaret Atwood, Yorman Kanluk, Antonis Samarakis, John Berger, Jaan Kaplinski, Kirsti Simonsuuri, Suzanne Brögger, Nikos Kasdaglis, Thorvald Steen, Adriaan van Dis, György Konrad, Sigmund Strömme, Mahmud Dowlatabadi, Alberto Manguel, Birgitta Trotzig, Margaret Drabble, Adame Michnik, Kerstin Ekman, Kal Nieminen, André Velter, Richard Falk, William Nygaard, Gunter Wallraff, Lady Antonia Fraser, Monika van Paemel, Georg Henrik von Wright, Juan Goytisolo, Herbert Pundik, Per Wästberg, Sir David Hare, Claude Regy, Moris Farhi, Ronald Harood, Klaus Rifbjerg, Homero Aridjis, Michael Higgins, Bernice Rubens, Elisabeth Nordgren.

L’Appel international a eu, au premier jour, un écho réduit dans la presse turque. Les journaux turcs se sont cantonnés à écrire que des Prix Nobels réclamaient plus de démocratie en Turquie. À aucun moment ils n’ont fait référence aux droits fondamentaux des Kurdes et à la question kurde contenus dans la déclaration. Le journal Sabah du 12 octobre 1999, a consacré un article à la page 23 en titrant " La déclaration des intellectuels : plus de démocratie " et le quotidien Milliyet l’a présenté dans le même sens en écrivant " déclaration pour la démocratie ". Le quotidien Hurriyet, quant à lui, a complètement ignoré ce texte important. Cependant, des éditorialistes libéraux l’ont évoqué dans leurs colonnes. L’exemple de l’appel montre que le contrôle de l’Etat sur les média demeure toujours très efficace, en tout cas pour tout ce qui touche la question kurde.


GUNTER GRASS : " LES KURDES SONT UNE GRANDE MINORITÉ OPPRIMÉE"

Le prix Nobel de littérature 1999, Gunter Grass, en visite à la Foire du livre de Frankfort, a appelé, le 15 octobre 1999, à une solution démocratique pour la question kurde. Interrogé sur les raisons qui l’ont conduites à signer l’appel international pour les droits fondamentaux des Kurdes, il a déclaré :

" J’espère qu’aujourd’hui on a compris en Turquie que les Kurdes ne sont pas des " Turcs de montagne ". Les Kurdes sont une grande minorité opprimée. Les Kurdes en grande majorité ne demandent pas l’indépendance mais à jouir de leurs droits culturels et du droit d’apprendre et de parler leur langue. Si la Turquie ne comprend pas cela, la terrible guerre qui se déroule actuellement et l’oppression continueront à sévir et la porte de l’Europe leur sera fermée. Il ne peut se passer autrement. Peut-être qu’un accord sera obtenu. ". Gunter Grass a également critiqué la politique étrangère de l’Allemagne en dénonçant l’extradition des Kurdes vers la Turquie qui font plus tard objet d’arrestation en Turquie.

LEYLA ZANA TRAUMATISÉE PAR LA TUERIE DE LA PRISON CENTRALE D’ANKARA

Après deux semaines d’interdiction, les députés kurdes emprisonnés ont, à partir du 5 octobre, à nouveau été autorisés à recevoir des visites de leurs proches une fois par semaine pour une durée de 45 minutes derrière des parloirs grillagés.

À cette occasion, les avocats ont appris que les trois députés hommes, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, ont été transférés dans un dortoir collectif où sont détenus de 45 à 50 prisonniers politiques pour la plupart accusés d’appartenance au PKK. De son côté, Leyla Zana, qui depuis 1994 logeait seule dans une cellule assez spacieuse est désormais obligée de partager celle-ci avec 5 autres femmes prisonnières politiques accusées d’appartenance à des mouvements turcs d’extrême gauche. Le manque de place les contraint à se relayer pour dormir à tout de rôle. Selon plusieurs témoignages, Leyla Zana reste traumatisée par la répression sauvage d’un mouvement de protestation de certains détenus de la prison centrale d’Ankara. De la fenêtre de sa cellule, elle a assisté à la mise à mort à coups de matraques et de gourdins de sept prisonniers par des centaines de policiers et de gendarmes dans la nuit du 26 septembre 1999. " Ces scènes d’une rare sauvagerie, les cris de suppliciés ne cessent de me hanter jour et nuit " a-t-elle déclaré à ses visiteurs qui l’ont trouvée traumatisée, émaciée et en état de choc. Au cours de la répression, Habib Gül, Ertan Özkan, Nihat Konak, Ümit Altintas, Halil, Türker, Mahir Ünsal, Sakir Dönmez, Abuzer Cat, Nihat Salmaz, Ahmet Devran, Zafer Karabiyik, Önder Gencaslan ont perdu la vie.

Le Premier ministre turc avait déclaré que " l’Etat est décidé à rétablir son autorité à n’importe quel prix ". En l’occurrence, le calme, relatif et éphémère, a été obtenu au prix de la mort de 12 hommes et de centaines de blessés. L’un des survivants de cette tuerie, Cemal Çakmak, dans un témoignage publié par le quotidien Özgür Politika du 7 octobre 1999, affirme que les forces de l’ordre turques disposaient des listes préétablies de meneurs qui ont été arrêtés au moment des troubles, battus à mort, puis mitraillés pour accréditer l’idée d’affrontements armés à l’intérieur de la prison.

En 1996, une tuerie similaire avait eu lieu dans la prison de Diyarbakir. Les familles des victimes avaient porté plainte et les meurtriers avaient été identifiés. Cependant de renvoi en renvoi, le procès dure encore et les assassins sont toujours en service et en liberté.

EN SIX ANS, L’ADMINISTRATION CLINTON A VENDU POUR $4,9 MILLIARDS D’ARMES À LA TURQUIE

Deux organismes américains, World Policy Institute et Federation of American Scientists, viennent de publier un rapport de 43p intitulé "Arming Repression :US Arms Sales to Turkey during the Clinton Administration". Ses auteurs, Tamar Gabelnick, William D. Hartung et Jennifer Washburn, soumettent à un examen rigoureux les relations militaires de Washington et donnent une série de chiffres qui, au-delà de la rhétorique des droits de l’homme, montrent dans quelle mesure l’Amérique arme la machine turque de guerre et de répression.

Selon le Département d’Etat américain, "les forces armées turques sont de l’ordre de 80 % dépendantes des équipements d’origine américaine". Ainsi sur les 4200 chars de l’armée turque 3800 sont des M-48 et M-60 de fabrication américaine. Hormis 44 avions de transport CN-235 espagnols, toute l’armada aérienne turque est d’origine américaine : 175 F-16, 87 F-5, 18 F-4E ainsi que 37 hélicoptères d’attaque Cobra et 55 hélicoptères de transport Sikorsky Black Hawk. L’essentiel des transports blindés de l’armée turque est formé de 2813 véhicules M-113 APC fournis par les Américains.

De 1950 à 1983, pendant la période dure de la guerre froide, les ventes d’armes américaines à la Turquie, "alliée stratégique de l’OTAN" s’élèvent au total à $ 1.196065. Avec la guerre du Kurdistan, opposant à partir de 1984 l’armée turque à la guérilla du PKK, elles s’emballent et atteignent pour la période de 1984-1998 un total de $10.466855—dont $4.927223 pour les six premières années (1993-1998) du président démocrate Bill Clinton.

Les auteurs établissent que les ventes ont, pour 77 % étés subventionnés par l’argent des contribuables américains. Depuis 1984, ces subventions directes ou indirectes s’élèvent à plus de $8 milliards. De plus, les Américains donnent aux militaires turcs, formation et instruction. Depuis 1950, ils ont ainsi formé 23 268 officiers turcs dont 2 900 depuis 1984. Ils rappellent que d’après des enquêtes indépendantes ces armes américaines ont été massivement utilisées dans une guerre civile qui a fait 37 000 morts (pour la plupart kurdes) et abouti à la destruction de 3 000 villages kurdes dans "le Sud-est de la Turquie" et produit entre 500 000 et 2,5 millions de réfugiés internes.

Leurrés par les perspectives annoncées d’un programme turc d’acquisition d’armement de $150 milliards d’ici 2030 dont $31 milliards pour les 8 prochaines années les dirigeants américains ont fermé les yeux sur les violations massives des droits de l’homme commises par Ankara, cela en violation de la loi américaine et des principes proclamés de la diplomatie américaine.

Les auteurs attirent l’attention sur la politique de deux poids deux mesures de Washington dans deux cas d’essence similaire, le Kosovo et les Kurdes en Turquie. " Dans les deux cas, les griefs des populations affectées—le déni des droits politiques et culturels fondamentaux et l’imposition de la violence militaire et paramilitaire-ont été ignorés par le régime qui a cherché à imposer sa volonté par la force des armes. Au-delà de l’intensité et de la durée de la tuerie, la différence la plus frappante entre les deux cas est la réponse des Etats-Unis. Au Kosovo, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont mené une guerre aérienne majeure pour conduire les forces serbes hors de la province. En Turquie, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont été les fournisseurs premiers d’armement au régime d’Ankara. Si l’administration Clinton peut justifier d’aller en guerre au sujet de la purification ethnique au Kosovo, elle devrait être capable de forger la volonté politique pour la tâche beaucoup moins prenante d’arrêter la fourniture des armes américaines qui sont utilisées pour alimenter la répression ethnique en Turquie".

NEWYORK : L’OPPOSITION IRAKIENNE CONSACRE LE DROIT DES KURDES AU FÉDÉRALISME

Sept ans après la réunion de l’opposition irakienne de Sallah-Ed-Din (Erbil) au Kurdistan irakien en 1992, et qui a donné naissance au Congrès National Irakien Unifié, une nouvelle réunion de l’Assemblée Nationale de ce dernier, s’est tenue à New York du 29 octobre au 1er novembre 1999, sous le parrainage de l’administration américaine, avec la participation de plusieurs organisations politiques et partis irakiens, dont le Mouvement d’entente politique, le Mouvement royaliste constitutionnel, le Front turkoman, le Mouvement assyrien, une délégation des tribus irakiennes, le Parti démocratatique du Kurdistan irakien de Massoud Barzani, représenté entre autres par Sami Abdoulrahman, Roj Shawish, Hoshyar Zibari et l’Union patriotique du Kurdistan représentée par son président Jalal Talabani ainsi que Fouad Massoum, Latif Rashid et Barham Saleh et enfin le Mouvement d’union islamiste au Kurdistan irakien.

Toutefois certains partis et mouvements politiques, comme le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, le Parti de Dawa islamique, le Parti communiste irakien et le Conseil libre irakien ont boycotté ce congrès.

Plusieurs personnalités américaines ont assisté à ces assises : Les sénateurs Sam Browrback et Bob Kerrey, l’Ambassadeur Schifter ainsi que M. Francis J. Rieciardone, coordinateur spécial pour la transition en Irak et David L. Mack, vice-président de l’Institut du Middle East. Elles ont confirmé le soutien du gouvernement américain à cette instance politique pour un changement démoc-ratique en Irak par le renversement du régime de Saddam Hussein.

Des ONG comme Human Rights Alliance et Indict (qui mène une campagne internationale pour le jugement des responsables irakiens ayant commis des crimes contre l’humanité) étaient également présentes.

A la suite des travaux du congrès, de nouvelles commissions et instances ont vu le jour :

- la constitution d’une direction provisoire que remplace le précèdent triumvirat directeur. Elle est composée de 7 personnalités irakiennes dont 2 Kurdes (Houshiar Zibari du P.D.K et Latif Rashid de l’U.P.K), un du Mouvement de l’entente, un du Mouvement royaliste constitutionnel, et Ahmed Al Chalabi, Riad Al Yamer, Mohamed Mohamed Ali (islamiste indépendant).

- La mise en place du conseil central qui a pour rôle de diriger les travaux du congrès (remplaçant l’Assemblée Nationale). Fonctionnant comme un mini -parlement, ce conseil central est composé de 65 membres représentant des personnalités et diverses factions selon les quotas suivants :

- 15 siéges pour les Kurdes - 12 siéges pour les Islamistes - 6 siéges pour les libéraux (groupe d’Ahmed Al Chalabi) - 5 siéges pour le Mouvement d’entente politique - 5 siéges pour le Mouvement royaliste constitutionnel. - 4 siéges pour les nationalistes arabes - 4 siéges pour l’Union Turkomane - 4 siéges pour la Coalition du Mouvement d’union islamiste au Kurdistan et de l’union islamiste - 3 siéges pour les Assyriens - 3 siéges pour l’Union des démocrates irakiens - 2 siéges pour les démocrates indépendants - 2 siéges pour les tribus irakiennes

Le congrès a adopté plusieurs résolutions destinées à accélérer la lutte contre le régime irakien dont celle de réactiver la commission juridique et la commission spéciale concernant les droits de l’homme en Irak afin de stopper les atrocités commises par l’armée irakienne contre la population civile.

Le congrès a souligné que la lutte des oppositions irakiennes doit se faire contre le régime de Saddam Hussein et épargne l’armée irakienne afin de la neutraliser dans l’effort mené pour le renversement du régime irakien

Enfin : le Congres a modifié un paragraphe relatif "à la fédération" à la suite de vives discussions dans la commission politique menées par Dr. Nadjmedine Karim, Dr. Ali Babakhan, membres de l’Institut kurde de Paris, et les représentants des partis kurdes.

A l’origine, ce paragraphe disait :

"Le Congrès national irakien déclare respecter la volonté du peuple kurde (en Irak) de choisir la forme du partenariat qui doit l’unir à l’ensemble des composantes du peuple irakien dans une même partie, à savoir le system fédéral".

Les débats ont permis de remplacer le mot "respecter" par celui, plus contraignant, d’" admettre ".

C’est la première fois qu’un vaste regroupement d’opposants irakiens consacre ainsi le droit des Kurdes irakiens à une fédération démocratique.

BRUXELLES : LA COMMISSION EUROPÉENNE REND UN AVIS FAVORABLE MAIS TEMPÉRÉ SUR LA CANDIDATURE TURQUE À L’UNION EUROPÉENNE

A la suite d’une semaine de discussion très chargée, la Commission européenne a, le 13 octobre 1999, rendu un rapport au ton favorable à la candidature turque mais tempéré par des demandes de réformes concrètes en matière de droits de l’homme et de protection des minorités. La Commission a fait la même remarque que l’année dernière à propos du poids du Conseil de sécurité nationale (MGK) dans la vie politique turque et a souligné que ce poids et les tribunaux d’exception (DGM) étaient " incompatibles avec le système démocratique " tout en accueillant favorablement la démilitarisation des Cours de sûreté de l’Etat. La Commission a d’autre part demandé à la Turquie de ne pas exécuter Abdullah Öcalan et a encouragé Ankara dans la voie de la démocratisation. L’Europe maintient d’autre part ses critiques sur les violations des droits de l’homme en soulignant que la torture était toujours largement répandue et la liberté de l’expression régulièrement restreinte. Cependant la solution à la question kurde a été vue comme la clé du progrès en ce domaine.

Dans le domaine économique, elle a appelé à ce que des réformes urgentes en matière fiscale soient rapidement entreprises. Les observateurs ont noté que le séisme du 17 août avait largement contribué à attirer une vague de sympathie à l’égard de la Turquie.

La presse turque a crié victoire à l’annonce du rapport de la Commission. Le quotidien turc Milliyet titrait le 14 octobre " Enfin l’Europe ! ". Son éditorialiste Güneri Civaoglu notait le même jour que " la porte de la salle d’attente de l’Union européenne était ouverte pour la Turquie ". Hürriyet, autre journal turc à grand tirage avançait même " Nous sommes en 28ème position " pour l’intégration dans l’UE. Le sort de la Turquie devrait se préciser à l’issue du sommet d’Helsinki prévu en décembre.

Quelques jours avant la publication de ce rapport, le Premier ministre Bülent Ecevit avait tenu un véritable plaidoyer contre les Européens. Au cours d’une intervention, le 6 octobre 1999, à la cérémonie d’ouverture de l’Université de Baskent, M. Ecevit a tout bonnement déclaré que l’Europe occidentale était raciste. " L’adhésion à l’Union européenne est notre droit. Toutefois, certains Européens ne nous considèrent pas européens. Quant à nous, grâce à cette attitude, nous nous sommes rendu compte que le monde n’est pas seulement l’Europe. Il y a des raisons psychologiques empêchant l’adhésion turque à l’Union européenne. Primo, la Turquie est un pays musulman. La deuxième raison est la discrimination raciale. L’Europe occidentale est raciste ! En effet, un sondage d’opinion réalisé il y a deux ans par la Commission européenne a démontré que les deux tiers des pays membres sont ouvertement racistes ! " a-t-il déclaré. Le Parlement européen votait le même jour une résolution en se bornant à reconnaître à la Turquie le droit de demander son adhésion.

ERBIL : LE PDK TIENT SON XIIème CONGRÈS

LE Parti démocratique du Kurdistan irakien (PDK) a tenu, du 6 au 14 octobre à Erbil son douzième Congrès.1473 délégués ont pris part aux travaux de ce congrès placé sous le signe de "paix, liberté et démocratie".Des représentants des agences de l’ONU et des ONG travaillant au Kurdistan, des partis politiques kurdes et irakiens ont assisté à ce congrès.Du vice-président américain Al Gore àMme.Mitterrand et Yasser Arafat de nombreuses personnalités, l'Internationale socialiste et nombre de partis politiques d’Europe et duProche-Orient ont tenu à envoyer des messages de sympathie, encourageant les délégués kurdes à rester fidèles aux idéaux de la démocratie et du dialogue pour consolider la paix qui règne dans la région depuis novembre 1997.

Dans son adresse inaugurale le président duPDK, Massoud Barzani, a lui-même mis l’accent sur la nécessité de développer l’expérience démocratique kurde en cours, de consolider le processus de paix et prôné "le respect du pluralisme, de la liberté et de la loi" tout en appelant les délégués à engager un sérieux effort de rénovation du parti.Il a, à cette occasion, exprimé le souhait de se retirer de la politique."Après 37 années de services dans les rangs du parti et maintenant que la paix, la liberté et une relative prospérité régnant dans notre région, le temps est venu pour moi de prendre ma retraite", a-t-il déclaré.Mais son "souhait" a été rejeté par les congressistes qui dans un souci de continuité et de fidélité l’ont reconduit à l’unanimité dans ses fonctions de président tandis que le vétérand Ali Abdullah, membre fondateur du PDK en 1946 et compagnon du général Barzani, était lui-aussi réélu à l’unanimité vice-président du Parti.

D’autres dirigeants du parti ont fait l’objet des critiques parfois vives pour leur gestion des affaires et l’aspiration au changement s’est traduite pour un assez large renouvellement des élus.Le scrutin à bulletins secret contôlé, dans un souci de transparence, par une commission de 12 assesseurs délégués par les ministères de la Justice, de l’Intérieur et par le PDK, la pluralité des candidatures (83 candidats pour 31 postes) a permis aux délégués de donner libre cours à leur aspirations.Le nouveau Comité central, de 31 membres, a élu un bureaux politique de 9 membres.

Parmis les résolutions du Congrès :

- proposer aux Parlement d’Erbil de voter une loi sur l’organisation d’élections municipales au suffrage universel;

- œuvrer pour la mise en place d’une cour administrative afin de statuer sur les doléances de citoyens envers l’administration kurde;

- œuvrer pour la création d’une cour de comptes pour surveiller la régularité et la transparence des dépenses publiques;

- œuvrer pour la création d’un ministère de l’emploi et des affaires sociales afin de coordonner la lutte contre le chômage et la pauvreté;

- créer un organisme chargé des media (presse écrite, radio, TV).

Les congressistes ont par ailleurs réaffirmé leur attachement à la résolution votée par le Parlement du Kurdistan en faveur d’un système fédéral dans le cadre d’un Irak démocratique et pluraliste.

Les orientations du congrès devraient se traduire par de changements importants dans les mois à venir où on s’attend notamment à une refonte du gouvernement d’Erbil.

Enfin, grâce aux média locaux et à la chaîne de télévision par satellite, Kurdistan TV, contrôlée par le PDK, les travaux du ce congrès "semi-public" ont bénéficié d’une large couverture médiatique.Le PDK revendique environ 200.000 adhérents.

SOULEIMANIEH : NOUVELLE RENCONTRE PDK-UPK

UNE délégation de haut niveau du PDK conduite par Neçirvan Barzani et comprenant huit autres membres du Bureau politique de ce parti s’est, le 22 octobre, rendu à Qala Çolan, près de Souleimanieh où elle a été "chaleureusement accueillie" par Jalal Talabani, secrétaire général de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et tous les membres du Bureau politique de l’UPK.

Les deux délégations ont longuement discuté des mesures concrètes d’application de l’accord de paix signé en septembre 1998 à Washington entre les deux parties.

Au terme de ces pourparlers il a notamment été décidé de :

- libérer en une semaine et sans condition les prisonniers encore détenus de part et d’autre;

- élaborer rapidement un plan de rapatriement des familles déplacées lors du conflit fratricide de 1994-1997;

- coordonner les efforts concernant l’application de la résolution 986 du Conseil de sécurité de l’ONU (Ndlr. résolution dite pétrole contre nourriture dont 13% des revenus sont consacrés aux régions kurdes) afin d’identifier les besoins de la population du Kurdistan irakien et d’établir des projets en ce sens;

- coordonner les approches envers l’opposition irakienne;

- assurer la liberté de circulation des personnes et des biens entre les deux régions (Ndlr. sous contrôle de l’UPK et du PDK);

- ouvrir en novembre des bureaux du PDK à Souleimanieh et Kallar et ceux de l’UPK à Erbil et Duhok.

Enfin l’épineuse question du "partage des revenues des douanes" a été discutée. Quelques jours après cette rencontre l’administration du PDK a accepté de verser une nouvelle somme de 3 millions de dollars à celle de l’UPK dans le cadre de ce "partage de revenus".

Les questions principales de formation d’un gouvernement unitaire de transition en vue d’organisation d’élections au Parlement n’ont pas été abordées à ce stade par les deux délégations qui ont convenu de poursuivre leur dialogue et de renforcer leurs liens bilatéraux.

En fait tout ce passe comme si la situation actuelle convenait aux deux partis. Ainsi, le lendemain du départ de la délégation du PDK, le bureau politique de l’UPK a décidé de "nommer" son secrétaire général "président de la région du Kurdistan" et d’établir à Souleimanieh une Cour d’appels spécifique, séparée de la Cour d’appels d’Erbil, qui jusque là statuait tous les tribunaux du Kurdistan irakiens. Le PDK a regretté "ces actes unilatéraux erronés intervenant à un moment où la population kurde reprend l’espoir dans une administration et un Parlement kurde unitaires".

APRES L’ASSASSINAT DE L’ANCIEN MINISTRE KISLALI, SES PROCHES ACCUSENT LE TERRORISME D’ÉTAT

M. Ahmet Taner Kislali qui en 1978-1979 fut ministre de la culture dans un cabinet Ecevit a été tué le 21 octobre à Ankara par l’explosion d’une bombe posée sur sa voiture.

Personnalité de centre gauche, M. Kislali était professeur à la Faculté des sciences politiques et un éditorialiste régulier du quotidien atatürkiste Cumhuriyet (République). Ses prises de position laïques et nationalistes étaient appréciées par les secteurs laïcs de l’opinion turque y compris chez les jeunes officiers.

La police turque a immédiatement parlé de la piste d’un groupuscule islamiste radical, IBDA-C, Front islamique des combattants du Grand Orient, qui dans un appel anonyme à une chaîne de télévision privée aurait revendiqué cet attentat. Les autorités ont promis d’arrêter rapidement les assassins.

Mais les proches de la victime, comme bon nombre d’observateurs de la scène politique turque des dernières décennies, sont d’un tout autre avis. L’assassinat de Kislali rappelle des précédents célèbres d’Abdi Ipekçi, directeur du quotidien Milliyet et d’Ugur Mumcu, professeur d’université et journaliste d’investigation, dont on sait maintenant qu’ils ont été assassinés à l’instigation de certains services de l’Etat, plus précisément du Bureau de la guerre spéciale de l’armée.

Le stratagème est identique : on choisit pour cibles des personnalités laïques et atatürkistes, leur assassinat suscite une large indignation des secteurs nationalistes et laïcs qui serrent les rangs autour de l’armée-défenseur-de-la-République-en-danger. Les ennemis de l’Etat (islamistes, communistes ou séparatistes kurdes selon la conjonction politique) sont mis au pilori et l’armée promet de les écraser et de défendre " les principes éternels du Grand Atatürk " et la patrie en danger.

La dernière grande représentation de cette comédie turque avait eu lieu lors de l’assassinat d’Ugur Mumcu en 1993 qui justement enquêtait sur les liens entre certains services de l’Etat, la mafia et la violence politique. Une foule d’un million de personnes s’était rassemblée à ses funérailles aux cris " plus jamais ça ! " Les " islamistes fanatiques " avaient été montrés du doigt. Et puis, à la stupéfaction de la famille Mumcu, l’enquête s’enlisait. Après plusieurs mutations de juges et de procureurs et à la suite de révélations dans la presse, le dernier procureur en charge du dossier a fini par dire à l’opiniâtre Mme Mumcu: " cessez de me harceler, l’instruction est bloquée car il s’agit d’un crime d’Etat. Je n’y peux rien ". Et finalement, le scandale étant devenu public, l’Etat turc a proposé d’indemniser la famille Mumcu pour " l’erreur commise ".

Le remake de cette sinistre comédie n’a cette fois-ci pas convaincu grand monde tellement la corde est usée. Ainsi lors des obsèques du prof. Kislali, le célèbre journaliste turc Ilhan Selçuk, ami à la fois d’Ugur Mumcu est d’A. Taner Kislali s’est exclamé : " Ça suffit. Il faut mettre un terme au terrorisme d’Etat ! ". La télévision a diffusé les images des généraux et des dignitaires civils du régime qui paraissaient décontenancés par cette apostrophe sans équivoque et inattendue. La foule a conspué le président Demirel aux cris " nous ne sommes pas fiers de toi ". Les cris de " Basbug Ecevit " ont également fusé et le couple Ecevit semblait effondré par cette interpellation car le mot " basbug ", équivalent turc du führer allemand de triste mémoire, est le titre dont s’affublait le colonel Türkes, défunt chef du Mouvement d’action nationaliste (MHP), néo-fasciste turc, partenaire de la coalition gouvernementale de B. Ecevit.

À quelques semaines du sommet de l’OSCE d’Istanbul et alors que certains dirigeants européens déploient tant d’efforts pour déceler quelques signes de démocratisation en Turquie afin de faire avaler l’idée de la candidature turque à l’Union européenne l’image d’un Etat turc policier et criminel fait tout de même mauvais effet.

UNE SOCIÉTÉ BRITANNIQUE ENSEIGNE À LA TURQUIE COMMENT IRRADIER LES KURDES

Dans un article publié le 31 octobre 1999, David Leppard, Paul Nuki et Gareth Walsh, journalistes au quotidien anglais Sunday Times, ont révélé qu’une société britannique conseillait la Turquie sur la façon d’irradier les Kurdes. La société d’armement, Aims Ltd, faisait l’objet d’une enquête par Scotland Yard depuis que Sunday Times avait divulgué que des mercenaires de la société se préparaient à assassiner Abdullah Öcalan, chef du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), pour ? 5,75 millions. Des nouvelles preuves sont venues corroborer les relations entre les autorités turques et la société en question depuis que Sunday Times a réussi à obtenir un document de cinq pages adressé à l’armée turque prouvant que Brian Smith, patron de Aims Ltd, leur avait conseillé d’irradier les combattants kurdes. Dans le document en question Brian Smith écrit : " La détection par radiation. C’est une méthode par laquelle une source radioactive est placée dans la cible et la source est ensuite interceptée. Ceci par avion ou par satellite. L’inconvénient est que la cible succombe au poison radioactif en 21 jours approximativement ". Un officier impliqué dans la négociation a déclaré que la société Aims proposait d’irradier les prisonniers à partir d’une source cachée dans une boîte métallique dissimulée sous la table d’interrogatoire. Dans un autre document, la société propose de fournir d’anciens agents des services secrets (SAS) pour aider les Turcs à " neutraliser " les bases suspectées de servir aux Kurdes au Sud de Chypre. Pour ?57 500 par mois, il était également proposé de rassembler des informations sur les Kurdes dans chaque pays de l’Union européenne.

Sunday Times a également révélé que la société Aims avait fourni des armes et des mercenaires à l’armée de Libération du Kosovo (UÇK) par l’intermédiaire des officiers turcs en poste au Kosovo, ceci en violation des sanctions des Nations Unies qui interdisaient toute fourniture d’armes et assistance à l’UÇK.

Toujours selon Sunday Times, la société Aims est une des deux firmes britanniques qui avaient été payées des centaines de milliers de livres pour fournir l’équipement militaire et des facilités d’entraînement à des membres des forces spéciales turques qui ont capturé A. Öcalan. Interrogé sur la question, Scotland Yard a rétorqué : " cette affaire est prise en considération par notre département des opérations spéciales. Le ministère public est saisi et nous attendons leur décision ".

AINSI QUE..

LES KURDES EN PROCÈS : EN CINQ ANS 79 489 PERSONNES ONT ÉTÉ JUGÉES PAR LES COURS DE SÛRETÉ DE L’ETAT DE DIYARBAKIR


D’après l’enquête menée par Me Sezgin Tanrikulu, responsable de la Fondation turque des droits de l’homme à Diyarbakir, en cinq ans 79 489 personnes ont été jugées dans 21 347 procès par les Cours de sûreté de l’Etat de Diyarbakir. Sur 12 061 jugements prononcés, 4 912 personnes ont été condamnées et 9 941 relaxées : 14 661 sur la base de l’article 169 du code pénal turc pour " soutien et assistance à une organisation illégale ", 9 886 sur la base de l’article 125 du code pénal turc pour " participation à des opérations armées au nom d’une organisation illégale " et 1 216 personnes pour " adhésion à une organisation armée " sur le fondement de l’article 168 du code turc.

92 PERSONNES ARRÊTÉES À DIYARBAKIR POUR " COLLUSION AVEC LE MOUVEMENT HIZ-BULLAH "


Les autorités turques ont lancé une vaste opération contre le Hizbullah, mouvement intégriste, qui jouissait jusqu’à présent de l’appui multiforme de la police qui s’en était amplement servie dans l’assassinat de militants nationalistes kurdes. Le quotidien turc Hürriyet annonce le 21 octobre 1999, qu’en une semaine 92 membres du Hizbullah ont été arrêtés à la suite des raides dans 40 mosquées de Diyarbakir. Le préfet de la région, Cemil Serhadli a déclaré, le 20 octobre, qu’en deux ans plus de 1235 personnes ont été placées en garde-à-vue et seules 685 ont été libérées à ce jour. Les autorités leur attribuent d’ores et déjà 48 crimes perpétrés dans la région. Cependant certains éléments du Hizbullah combattraient dans les rangs des Tchétchènes en liaison avec les services spéciaux et l’extrême droite turcs.

" MÉMORIAL POUR LE GÉNOCIDE DES TURCS PAR LES ARMÉNIENS " À IGDIR !


Alors que l’adoption par l’Assemblée nationale française de la reconnaissance du génocide arménien avait soulevé un tollé général en Turquie, les autorités turques ont célébré le 5 octobre 1999, l’inauguration d’un " monument commémorant le massacre perpétré par les Arméniens à Igdir entre 1915-1920 ". Érigé à la " mémoire des 90 000 Turcs massacrés par des bandes arméniennes", "le mémorial de génocide ", d’une hauteur de 43,5m et ayant coûté 400 milliards de livres turques, a été élevé à l’intersection des routes conduisant à Nahcivan, l’Iran et en Arménie. Le ministre d’Etat turc, Ramazan Mirzaoglu a émis le souhait que " l’édifice soit le mémorial de l’amitié et de la fraternité " !

LE COMITÉ DES MINISTRES DU CONSEIL DE L’EUROPE RAPPELLE À L’ORDRE LA TURQUIE


À quelques semaines du sommet d’Helsinki, une nouvelle crise vient troubler les relations entre l’Union européenne et la Turquie. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a, le 6 octobre 1999, rappelé à l’ordre la Turquie qui avait été condamnée en juillet 1997 par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit au respect de la propriété privée dans l’affaire Loizidou, expropriée de ses biens par l’armée turque en 1974 après l’invasion du nord de l’île. Condamnée à verser de lourdes indemnités à la victime pour le préjudice subi - plus de 570 500$ - la Turquie se refuse à remplir ces obligations en arguant de " l’indépendance " de la République turque de Chypre du Nord qu’elle est pourtant le seul à reconnaître.

En principe la non- application par un Etat membre d’une décision de la Cour européenne entraîne la suspension, voire l’exclusion de cet Etat du Conseil de l’Europe.

EXECUTIONS EXTRAJUDI-CIAIRES À ADANA


Le 6 octobre 1999, un employé de ménage habitant à Adana a été exécuté par la police devant les yeux de ses enfants et de sa femme. Après avoir fait irruption " par erreur " chez la victime, la police a tiré sur Murat Bektas qui était au téléphone avec son beau-frère au service militaire. L’épouse de la victime a déclaré que la police est rentrée en cassant la porte et a tiré sur son époux à bout portant en l’atteignant à la tête. Elle même blessée, elle s’est jetée sur son fils pour le protéger des balles puis elle a été enfermée dans une pièce alors que son mari se vidait de son sang. Les autorités turques soutiennent bien évidemment un autre discours en arguant que la victime hébergeait des terroristes et qu’il était armé. La police a également pris d’assaut l’appartement voisin en tuant Erdinç Aslan et en blessant Mustafa Köprü, tous deux membres présumés de DHKP-C (Front et parti révolutionnaire du peuple)

Muzaffer Çetinkaya, directeur adjoint de la section de lutte anti-terreur, a déclaré que " rien n’avait pu démontrer qu’il [Murat Bektas] était membre d’un groupe terroriste mais l’enquête continuait " ajoutant ensuite: " pourquoi voulez-vous que la police tue des citoyens innocents ? ". Certains ont, à juste titre compris de cette déclaration même que la police avait recours à des exécutions extrajudiciaires s’agissant des présumés coupables. En attendant le procureur de la république d’Adana, Cemal Sahir Gürçay, a ouvert une instruction et la famille s’est constituée partie civile. Cela étant les policiers ne sont nullement inquiétés et n’encourant aucune sanction, ils exercent toujours leurs fonctions en toute impunité.

Le quotidien turc Milliyet dans son numéro du 7 octobre 1999 a fait une brève énumération des dernières exécutions extrajudiciaires attribuées à la police turque sous le titre de " notre casier judiciaire est sali ". Parmi ces affaires figurent le meurtre, le 20 mai 1991, de Hatice Dilek, accusée d’être membre d’une organisation terroriste, l’exécution de Selma Çitlak et cinq autres personnes, le 13 août 1993 - un des policiers accusés était également mis en examen dans l’affaire dite de Susurluk -, l’exécution d’un adolescent de 14 ans et d’Hamdi Salgin le 11 février 1998 et le 13 mai 1996 d’Irfan Agdas, un distributeur de journaux d’extrême gauche etc…

NOUVEAUX ACTES DE CENSURE DES MÉDIA


Le RTUK, l’équivalent du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en France, a distribué, le 5 octobre 1999, une série de sanctions à l’encontre des radios et télévisions nationales turques. Des chaînes de télévisions telles que NTV, Kanal 7, BTV et Kanal 6 ont été condamnées à un jour d ’écran noir par le RTUK tandis que des radios, telles que MIHR, Radio FOREKS ou MORAL FM, accusés d’émissions séparatistes ou réactionnaires, ont été interdites pour un mois.

Par ailleurs, un projet de loi relatif à l’audiovisuel soulève de nombreuses réactions. Tandis qu’il prévoit la diffusion obligatoire de tous les communiqués présidentiels et gouvernementaux par les différentes chaînes de télévisions et les radios nationales, il interdit toute enquête sondage ou mini référendum sept jours précédant une élection. Pis encore, "toute information touchant aux secrets d’Etat" ne sera diffusée qu’après avoir prévenu le gouvernement.

ANKARA MENACE DE METTRE L’ALLEMAGNE SUR SA LISTE ROUGE


Le sous-secrétaire d’Etat turc à l’Industrie de la Défense, Yalçin Burçak, a mis une dernière fois en garde l’Allemagne des conséquences que peut engendrer le refus du gouvernement allemand de faire partie du projet turc de construction de chars. Il a déclaré que si le conseil de sécurité fédéral allemand s’opposait à la vente des chars Leopard II à la Turquie, l’Allemagne risquait de faire partie de la liste rouge, liste qui met au ban les pays critiquant la politique turque. Il a également précisé que l’Italie qui était en compétition avec ses chars Ariete s’était retiré du marché la semaine dernière. Le ministre allemand de la défense, Rudolph Scharping, a annoncé qu’il s’entretiendra avec ses homologues turcs prochainement, mais la rencontre a été programmée durant la réunion de l’OCDE à Istanbul prévue les 18 et 19 novembre 1999. L’opinion publique allemande et les Verts, partenaire de la coalition actuelle, s’opposent vivement à cette vente.

Cependant le conseil de sécurité fédéral allemand a par 3 voix contre 2, décidé, le 20 octobre 1999, de livrer un char Leopard 2A6 à la Turquie afin qu’elle puisse le tester. Annoncée triomphalement par la presse turque, cette décision a soulevé un tollé chez les Verts allemands, partenaire de la coalition du gouvernement dirigé par Gerard Schröder. Les autorités turques n’ont pas manqué de souligner que les réticences allemandes dues jusqu’à présent " à la question du Sud-est et des violations des droits de l’homme " avaient cessé. L’appel d’offre international turc est fort alléchant puisque la Turquie compte acheter plus de 1000 chars pour une somme de 15 milliards de DM et cela garantirait 6000 emplois pendant 10 ans avancent les autorités allemandes.

SELON UN GÉNÉRAL TURC LA TURQUIE EST LEPAYS LE PLUS SOLITAIRE DU MONDE


À l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la nouvelle année d’instruction des officiers turcs, le général Nahit Senogul, commandant des académies de guerre turques, a tenu un véritable discours d’épouvante devant les élèves officiers. S’adressant à l’assemblée, le général a déclaré : " Vous verrez ici la vérité : Vous apprendrez ici les ennemis historiques de notre pays. Vous apprendrez aussi les raisons pour lesquelles l’Union européenne ne nous a pas acceptés parmi les siens. Ici, vous apprendrez la grossièreté et la haine du monde arabe contre la nation turque. Ici, vous apprendrez que la Turquie est le pays le plus solitaire du monde. Ici, vous apprendrez que le pays qui a de nombreux ennemis à l’intérieur et à l’extérieur de son territoire n’est autre que la Turquie. Vous verrez ici les efforts infects de certains, désireux de prendre leur revanche sur la République d’Atatürk, sous couvert de la démocratie, des droits de l’homme et de l’autorité du droit, et en usant de ces grands principes. Et en sortant d’ici vous vous demanderez, hébétés, que la Turquie sauvegarde encore son intégrité avec son territoire et sa nation. Nous sommes obligés de régler nos problèmes nous mêmes. La guerre est le dernier et le puissant moyen que nous devrons utiliser ".

1999 A ÉTÉ LA PIRE ANNÉE POUR LE TOURISME EN TURQUIE


Le secteur de tourisme turc a vécu ses plus mauvais jours de la décennie 1990. Alors que l’année dernière le tourisme avait rapporté 8 milliards de dollars à la Turquie, en 1999 ce chiffre n’a été que de 5,5 milliards de dollars avec 4,5 millions de touristes en moins. Touché par sa mauvaise image à l’étranger du fait des violations des droits de l’homme mais également par le séisme du 17 août ayant affiché les failles de l’administration turque corrompue et inefficace, le secteur a enregistré son plus mauvais bilan. Les observateurs parlent de 2,5 milliards de dollars de pertes dont 375 millions seulement en TVA dans l’économie turque.

ANKARA UTILISE L’AIDE INTERNATIONALE DESTINÉE AUX VICTIMES DU SÉISME POUR PAYER LES SALAIRES DES FONCTIONNAIRES


Recep Önal, ministre d’Etat turc chargé de l’économie, a ouvertement déclaré au sommet de l’économie d’Antalya que les 500 millions de dollars reçus du Fonds monétaire international (FMI) pour les victimes du séisme du 17 août avaient été utilisés pour payer les salaires des fonctionnaires. Exposant les préjudices subis du fait du tremblement de terre, Recep Önal a enfin dévoilé ce qui était advenu de l’aide apportée par le FMI : " Nous étions dans une difficulté telle que nous ne pouvions même pas payer le salaire des fonctionnaires. Nous avons résolu le problème avec l’aide apportée par le FMI pour le séisme. Le trésor public n’est pas un organe producteur d’argent. Que va-t-on faire ? Nous allons reverser les impôts récoltés ces derniers temps dans la caisse de ce qui a été dépensé et utiliser pour le séisme ". À la sortie de la réunion, M. Önal s’est rendu compte de la gaffe et a simplement rétorqué que c’était un lapsus. Interrogé sur la question, le Premier ministre Bülent Ecevit qui avait déclaré que l’argent en question sera utilisé pour les victimes du séisme jusqu’au dernier centime a affirmé qu’il n’était pas au courant des déclarations de son ministre.


LEVÉE D’ÉTAT D’URGENCE DANS LA PROVINCE DE SIIRT


Au terme de sa réunion mensuelle, le Conseil national de sécurité (MGK), qui regroupe les plus hauts responsables civils et militaires de Turquie, a décidé le 27 octobre 1999, la levée de l’état d’urgence à Siirt [ndlr :province kurde]. La prolongation pour une durée de quatre mois de l’état d’urgence dans les provinces de Tunceli, de Diyarbakir, de Hakkari, de Sirnak et de Van a été arrêtée. Le Parlement turc qui sert de chambre d’enregistrement des décisions du MGK devraient voter la loi pour la forme.

LE PROCUREUR PRÈS DE LA COUR DE CASSATION TURQUE DEMANDE PLUS DE DROITS POUR L’ETAT ET MOINS POUR LES INDIVIDUS


Au cours d’une conférence de presse le 26 octobre 1999, Vural Savas, procureur près de la Cour de cassation turque, a appelé les institutions turques à combattre sérieusement les dangers qui guettent la Turquie. Dans un plaidoyer contre tous les acteurs politiques en Turquie, il a vivement critiqué ceux qui " placent l’individu au-dessus de l’Etat ou défendent la liberté d’opinion " et a appelé le peuple à se " protéger contre les terrorismes religieux et séparatiste ". Le procureur a ainsi avancé quelques solutions. Selon M. Savas, il faut placer dans des prisons militaires et non civiles ceux qui sont condamnés par les Cours de sûreté de l’Etat, rétablir la législation empêchant l’utilisation de la religion à des fins politiques. Il a une fois de plus appelé au rétablissement de la loi n°163-abrogée par Turgut Özal -qui compléterai légalement le paragraphe in fine de l’article 24 de la Constitution turque, interdisant de fonder l’ordre social, religieux, économique, politique ou légal sur des lois religieuses et prohibant l’utilisation de la religion, des sentiments ou opinions religieux, considérés sacrés, à des fins personnelles. Le procureur a été particulièrement virulent contre " ces politiciens et leaders de partis politiques, écrivains et organisations des droits de l’homme " qui " provoquent le séparatisme et les sentiments réactionnaires, sous couvert de la défense de la liberté de pensée ". Il a également condamné " ceux qui s’abstiennent de passer des lois anti-terreur " en prétextant que la Turquie ne pourra pas adhérer à l’Union européenne. Pour lutter contre le terrorisme, Vural Savas a suggéré de prendre exemple sur la législation britannique en matière de censure et sur le modèle allemand des règlements relatifs à la police.

Vural Savas est le procureur qui a demandé et obtenu l’interdiction du parti de la prospérité (RP- islamiste) en 1997, et a essayé en vain d’empêcher le parti de la démocratie du peuple (HADEP-pro-kurde) de participer aux élections générales du 18 avril 1999.

Les propos tenus par le procureur de la cour suprême turque ont soulevé de nombreuses réactions en Turquie. Tous les journaux turcs ont consacré leur Une à cette déclaration. Faisant un jeu de mot avec son nom [Savas veut dire la guerre en turc], certains avaient titré " la Mentalité de la Guerre ". D’autres ont très justement noté que M. Savas n’a pas obtenu ce qu’il espérait. La classe politique fortement mise en cause par le procureur, a vivement réagi. Le spectre du mini-coup d’état de 1997 fomenté par le conseil de sécurité nationale dirigée par l’armée est remonté dans les souvenirs. Alors que M. Savas voulait incarner " le héros national " venant au secours du peuple, rôle tant prisé par l’armée turque, il s’est trouvé face à une large opposition. Seul le procureur près de la cour de sûreté de l’Etat, Nuh Mete Yuksel, qui avait été décrié la semaine précédente par la classe politique turque pour avoir tenté d’entreprendre une perquisition de nuit chez la députée islamiste Merve Kavakçi [ndlr : M. Kavakçi a été exclue du Parlement turc pour avoir voulu faire le serment d’investiture voilée] a apporté son soutien à son confrère. L’intervention du procureur de la Cour suprême turque semble venir comme une riposte aux déclarations, au printemps dernier, du président de la Cour constitutionnelle turque, Ahmet Necdet Sezer, et de Sami Selçuk, président de la Cour de cassation, qui tous deux ont plaidé pour plus de démocratie et de libertés publiques en Turquie. M. Savas semble défendre une thèse contraire en demandant l’éradication totale de toute opposition.

SULEYMAN DEMIREL PLAIDE POUR LE DROIT À LA DIFFÉRENCE DEVANT LA MINORITÉ TURQUE DU KOSOVO


Ismet Berkan, journaliste au quotidien turc Hürriyet, a relaté dans ses colonnes du 20 octobre 1999, la visite, le 15 octobre 1999, du président turc Süleyman Demirel à la minorité turque du Kosovo. " Les différences devraient être vues comme une source de richesse. Pour cela il faut s’attacher à la démocratie et aux valeurs démocratiques. En réalité, la démocratie est le seul système qui puisse permettre aux peuples ayant une langue, une religion et une origine ethnique différentes de vivre ensemble à l’abri de l’oppression. Sans démocratie, il est aussi difficile de protéger la paix. Tout en respectant les différences, il est possible de se retrouver autour d’un but commun. Tant qu’on n’aura pas réussi cela, des drames comme l’épuration ethnique continueront à sévir dans notre région (…). L’importance que vous accordez à l’enseignement du turc, à la défense de votre culture, à l’augmentation des tirages de vos organes de presse et leur protection, constituent les éléments inaliénables de votre existence. Un peuple privé de sa langue et de parole est condamné à disparaître. Vos efforts tendant à défendre votre identité et à développer votre culture seront toujours soutenus par la Turquie " a déclaré le président Demirel qui tient cependant un tout autre discours pour le droit à la différence, la langue et à la culture des 15 à 20 millions de Kurdes de Turquie.