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Non-lieu pour un ex-officier syrien suspecté de crime contre l'humanité


Samedi 27 février 2021 à 15h41

Paris, 27 fév 2021 (AFP) — La justice française a rendu un non-lieu concernant Sami Kurdi, un ex-officier déserteur de l'armée syrienne suspecté de crimes contre l'humanité depuis 2017, a indiqué samedi à l'AFP une source judiciaire, confirmant une information du Parisien.

Une juge d'instruction antiterroriste parisienne a rendu le 25 janvier une ordonnance de non-lieu concernant cet ex-officier âgé de 33 ans et qui vit à Caen.

Officier dans l'armée syrienne, Sami Kurdi avait fait défection en février 2012 au profit de la rébellion. L'homme avait été un interlocuteur de journalistes de l'AFP en mai 2012. Il avait ensuite quitté le pays en 2013 avant de parvenir à joindre la France en octobre de cette année avec son épouse et ses trois enfants, pour y déposer une demande d'asile. Un quatrième enfant est né depuis.

L'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) avait signalé son cas à la justice, le suspectant, au vu de ses responsabilités, d'avoir commis ou participé à des crimes avant sa défection.

Une information judiciaire avait été ouverte en avril 2017 pour "crimes contre l'humanité, torture, et crimes de guerre".

M. Kurdi avait été convoqué en vue d'une mise en examen le 19 juin 2018 mais était ressorti de l'interrogatoire sous le statut de témoin assisté, a confirmé la source judiciaire.

Saisie par une juge d'instruction, l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH) a mené une enquête approfondie à son sujet, selon l'ordonnance de non-lieu consultée par l'AFP : surveillance de la ligne de téléphonie mobile de l'intéressé, nombreux interrogatoires, etc.

Sami Kurdi a fait l'objet d'attestations favorables de la part de journalistes l'ayant côtoyé en Syrie lorsqu'il était porte-parole de l'armée syrienne libre, mais aussi de citoyens de la ville de Rastan où il se trouvait.

Dans son PV de synthèse de décembre 2018, l'OCLCH a conclu que son enquête n'avait "pas permis de déterminer l'implication de Sami Kurdi dans les faits qui lui étaient reprochés" mais au contraire de démontrer qu'il "avait fait défection de l'armée régulière syrienne pour devenir porte-parole de l'Armée syrienne libre".

La juge avait signifié la fin des investigations en décembre 2018, mais après un an et demi sans mouvement dans le dossier, le Parquet national antiterroriste avait demandé de nouvelles investigations en août 2020.

La juge d'instruction Stéphanie Tacheau a finalement préféré clôturer le dossier le 25 janvier, soulignant "qu'aucune victime ne s'est manifestée, aucun crime précis ne peut lui être imputé, et que selon les éléments du dossier, il choisissait l'exil plutôt que le crime".

"C'est une satisfaction, mais nous restons profondément choqués de l'ouverture de cette enquête. Il n'aurait dû rencontrer l'institution judiciaire que dans un seul cadre, celui de la victime des crimes du régime de Bachar al-Assad" ont réagi à l'AFP Me Marie Dosé et Me Justine Lévy, qui l'ont défendu.

Dans une démarche rare, la juge d'instruction Stéphanie Tacheau justifie longuement son ordonnance de non-lieu, en tançant le Parquet national antiterroriste qui souhaitait la poursuite des investigations.

"Nos moyens d'enquête sont limités" et devraient éviter d'"être mobilisés" contre des personnes "à l'encontre desquelles il n'existe aucun élément probant après des mois d'enquête", s'agace-t-elle.

"Il est établi que Sami Kurdi a posé des actes forts démontrant qu'il s'opposait à la répression sanglante des civils lorsque l'armée syrienne en devenait l'outil", insiste la juge.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.