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La Turquie fustige le vote au Congrès US sur le "génocide" arménien


Jeudi 11 octobre 2007 à 10h29

ANKARA, 11 oct 2007 (AFP) — La Turquie a fermement dénoncé jeudi l'adoption par une commission du Congrès américain d'un texte qui reconnaît le "génocide" arménien sous l'empire ottoman, susceptible de porter atteinte aux liens bilatéraux déjà mis à mal par l'Irak.

La Turquie nie catégoriquement l'étiquette de "génocide" pour la mort de centaines de milliers d'Arméniens après 1915 sous l'Empire ottoman auquel à succédé la Turquie en 1923 et parle de représailles contre un peuple qui s'est allié avec l'ennemi russe en pleine première Guerre mondiale.

Le texte, adopté mercredi par 27 voix contre 21, doit à présent être envoyé à la Chambre pour un possible vote en séance plénière.

Le président turc Abdullah Gul a qualifié d'"inacceptable" ce texte, qui fait fi des avertissements d'Ankara et de ceux du président George W. Bush qui, inquiet de représailles turques, avait mobilisé tout son gouvernement contre la résolution.

Ce vote tombe à un très mauvais moment alors que les Turcs font des plans pour intervenir militairement en Irak contre les rebelles séparatistes kurdes de Turquie (PKK) qui utilisent le nord de ce pays pour mener des attaques contre les forces turques.

L'intervention en 2003 des troupes américaines en Irak voisin et musulman avait provoqué des sentiments anti-américains en Turquie, dont le Parlement avait refusé d'autoriser le passage des unités américaines par son sol pour envahir le nord de ce pays.

Les Américains n'ont pas oublié ce camouflet venant d'un pays allié de l'Otan et ont depuis noué de proches relations avec les factions kurdes qui administrent le nord de l'Irak. Dans cette zone le PKK a établi des sanctuaires sous l'oeil bienveillant de Washington et des Kurdes d'Irak, selon Ankara.

La recrudescence des activités du PKK, organisation terroriste pour Ankara et Washington, et les pertes dans les rangs de l'armée turque ont exaspéré le gouvernement d'Ankara.

Ce dernier, pressé par une opinion publique en émoi, a finalement décidé d'écouter ses généraux qui veulent anéantir ces bases implantées dans la montagne irakienne malgré l'opposition affichée de Washington et de Bagdad.

M. Erdogan a expliqué mercredi soir sur une chaîne de télévision qu'un texte autorisant l'envoi pour un an de soldats à l'étranger, en l'occurrence l'Irak, devait être remis dès jeudi au Parlement pour un vote qui interviendrait la semaine prochaine.

Il a cependant indiqué qu'aucune opération militaire n'était prévue dans l'immédiat, les Turcs voulant d'abord utiliser l'arme de la dissuasion.

Par la voix de ses dirigeants, le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir), a mis en garde Washington sur les conséquences de l'adoption de la résolution controversée.

Egemen Bagis, vice-président de l'AKP actuellement à Washington pour faire du lobbying contre ce texte, a menacé de ne plus mettre à la disposition des Etats-unis la base aérienne d'Incirlik (sud).

Cette base est la plaque tournante des matériels américains vers l'Irak et l'Afghanistan. Par elle transitent 70% du ravitaillement aérien destiné à l'Irak, un tiers du carburant et 95% des engins blindés.

Mais Ankara veut espérer encore que le texte n'ira pas plus loin.

"Nous espérons encore que la Chambre des représentants aura assez de bon sens pour ne pas faire avancer davantage cette résolution", a déclaré le gouvernement dans un communiqué.

"Faire avancer cette résolution qui mettra en péril dans une période extrêmement sensible un partenariat stratégique (...) sera une attitude irresponsable", estime Ankara qui ajoute qu'"il est inacceptable que la nation turque soit accusée d'un crime qu'elle n'a jamais commis au cours de son histoire".

La presse turque ne mâche pas ses mots jeudi à l'égard des élus américains qui ont voté le texte: "27 imbéciles américains", écrit le journal Vatan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.