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La CEDH presse la Turquie de libérer l'opposant kurde Demirtas


Mardi 20 novembre 2018 à 11h46

Strasbourg, 20 nov 2018 (AFP) — La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a demandé mardi à la Turquie de libérer "dans les plus brefs délais" le leader prokurde Selahattin Demirtas, estimant que son emprisonnement visait à "étouffer le pluralisme" politique.

Détenu depuis novembre 2016, l'opposant kurde, candidat malheureux à la présidentielle de juin en Turquie, est l'un des chefs du Parti démocratique des peuples (HDP).

La CEDH a condamné la Turquie à verser 10.000 euros au requérant pour dommage moral, et 15.000 euros pour frais et dépens.

La cour de Strasbourg "admet" que M. Demirtas, 45 ans, a été arrêté pour des "raisons plausibles" car les autorités turques le soupçonnaient d'avoir commis une infraction pénale. Mais les motifs invoqués pour justifier la durée de sa détention ne sont, selon elle, pas "suffisants".

"Sa détention provisoire constitue une atteinte injustifiée à la libre expression de l'opinion du peuple et au droit du requérant d'être élu et d'exercer son mandat parlementaire", ont estimé les juges européens, saisis par M. Demirtas.

"Les prolongations de la privation de liberté de l'intéressé, notamment pendant deux campagnes électorales critiques, à savoir le référendum et l'élection présidentielle, poursuivaient un but inavoué prédominant, celui d'étouffer le pluralisme et de limiter le libre jeu du débat politique, qui se trouve au coeur même de la notion de société démocratique", a encore souligné la CEDH.

Un des sept juges de la CEDH, la magistrate turque Isil Karakas, a manifesté une opinion en partie dissidente dans ce dossier, estimant que M. Demirtas n'avait pas apporté de preuves suffisantes d'"intentions cachées" des autorités à son encontre. Selon elle il n'a donc pas été établi, au-delà de tout doute raisonnable, que la détention provisoire du requérant avait pour but d'étouffer le pluralisme politique.

Selahattin Demirtas, écroué depuis novembre 2016 et condamné en septembre à 4 ans et 8 mois de prison pour "propagande terroriste", est poursuivi dans de nombreux dossiers et encourt jusqu'à 142 ans de prison dans le cadre de son principal procès. Cela ne l'a pas empêché de recueillir 8,4% des voix à la présidentielle du 24 juin, remportée par Recep Tayyip Erdogan.

Ce dernier a plusieurs fois accusé le HDP d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe classé terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux.

Le HDP, troisième force au Parlement, a ainsi été fortement touché par les purges menées après le putsch manqué de juillet 2016. De nombreux responsables du parti sont incarcérés ou font l'objet de poursuites judiciaires. Le HDP dénonce des procès "politiques" visant à réduire au silence un parti farouchement opposé à M. Erdogan.

La cour européenne avait condamné la semaine passée la Russie pour des motifs similaires, reconnaissant le caractère "politique" des multiples arrestations de l'opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.