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Irak: au Kurdistan, une école ambulante pour améliorer le sort des Roms


Samedi 27 novembre 2010 à 06h15

SOULEIMANIYEH (Irak), 27 nov 2010 (AFP) — Agés de 6 à 45 ans, les élèves suivent sous une tente des cours que leurs professeurs ont préparés dans leur voiture: bienvenue à "Al-Rouhal" (les nomades), une école pas comme les autres, la première créée au Kurdistan irakien pour une population Rom démunie.

Elle a ouvert ses portes mercredi dans la banlieue sud de Souleimaniyeh, à 270 km au nord de Bagdad, à l'initiative d'une enseignante, Hana Fadhel Ahmed, bouleversée par les conditions dans lesquelles vit cette communauté dans la seconde ville du Kurdistan.

"J'avais suggéré au printemps aux services de l'éducation de Souleimaniyeh de mettre en place des formations professionnelles pour les gitans vivant près de la ville", explique Hana Fadhel Ahmed, qui a été nommée directrice d'al-Rouhal.

"Ils m'ont demandé de recenser les personnes susceptibles d'être intéressées."

Selon elle, 383 Roms vivent dans des tentes installées aux abords de Souleimaniyeh, soit environ 70 familles. "Aucun d'entre eux ne sait lire ou écrire."

Les élèves ont été répartis par tranches d'âge. Six heures de cours collectifs sont ainsi prévues le matin pour 70 enfants de 6 à 12 ans tandis que l'après-midi, deux classes ont lieu simultanément pendant deux heures, la première pour les 13-24 ans, la seconde pour leurs aînés, la limite d'âge ayant été fixée à 45 ans.

"Et quand ils bougeront, nous les suivrons", annonce Mme Ahmed. "Ils se déplacent environ tous les quatre mois, mais uniquement à l'intérieur du Kurdistan car la Turquie ne veut pas d'eux."

A en croire l'historien kurde Serdar Mohamed, la plupart de ces gens du voyage vivant en Irak sont originaires d'Iran. Il n'existe pas de chiffres précis mais les chefs de tribus Roms estiment leur nombre à 60.000 en Irak.

Relativement protégés par l'ancien régime de Saddam Hussein dont ils pimentaient avec leur musique et leurs danses les fêtes les plus fastueuses, ils ont été rejetés après la chute de l'ex-président en 2003 et contraints à vivre dans le dénuement le plus total.

"Le gouvernement autonome du Kurdistan nous a donné des papiers", indique Hassan Rahim, 65 ans. "Mais nous demeurons des citoyens de seconde zone et nous vivons dans des tentes."

Des conditions de vie qui choquent Bahyah Rahim, une enseignante de 37 ans: "Certains élèves ne mangent pas à leur faim et ne se lavent même pas le visage parce qu'il n'y a pas assez d'eau dans leur camp."

"Alors il faut repartir de zéro avec eux car ils ne connaissent rien du système scolaire. Ils ne savent pas qu'il faut rester assis en cours, respecter et écouter son professeur", poursuit-elle.

Certains des Roms parviennent tant bien que mal à gagner un peu d'argent en vendant des vêtements qu'ils fabriquent, mais beaucoup sont livrés à la mendicité.

"Et certains ont recours au vol ou à la prostitution", affirme la directrice. "Alors cette école vise aussi à les ramener sur le droit chemin."

Près d'elle, Karim, 12 ans, reconnaît qu'il faisait la manche sur un marché de Souleimaniyeh avant de venir à l'école. "Je suis content de ne plus devoir mendier et j'espère que l'école me permettra de trouver un bon travail."

La petite Maryam, 9 ans, se dit elle aussi "heureuse" de cette opportunité d'étudier: "Nos parents nous ont encouragés à venir à l'école avec mon frère."

Al-Rouhal dispose de moyens limités, au point que les cinq enseignantes préparent leurs cours dans leur voiture, garée à proximité de la tente. Selon la directrice, les autorités ont promis d'augmenter le nombre de professeurs.

Du haut de ses 65 ans, Hassan Rahim regrette lui que l'école n'ait pas été ouverte il y a 10, 20 ou 30 ans.

"Mais au moins, elle sera profitable à nos enfants."

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.