Page Précédente

Combats entre les rebelles arabes et les Kurdes: un autre front en Syrie


Mardi 30 octobre 2012 à 11h30

AZAZ (Syrie), 30 oct 2012 (AFP) — Mohammed Hafar a été tué par balle alors qu'il tentait de porter secours à son frère Faysal, mortellement blessé dans des combats entre rebelles arabes et milices kurdes dans le nord de la Syrie, près de la frontière turque.

Quatre rebelles ont péri dans ces affrontements, les deuxièmes en quarante-huit heures, près du village kurde de Yazi Bah, selon des combattants rebelles rencontrés dans leur bastion d'Azaz.

Des combattants en treillis armés de kalachnikovs se sont rassemblés devant la maison des Hafar, ils ont porté le corps de Mohammed à travers des rues jonchées d'ordures jusqu'au cimetière.

Dans le cortège, des blessés sur des béquilles ont tenu à rendre un dernier hommage au défunt.

Parmi eux, Fahad, 20 ans, blessé, selon lui, dans les combats contre les forces gouvernementales dans la ville d'Alep (nord).

"L'ennemi est à présent le PKK (milice kurde), ce sont les chiens d'Assad", (Bachar al-Assad) le président syrien, marmonne-t-il en colère, affalé dans une chaise en plastique devant la maison des Hafar. "Quand ils nous tuent, on les tue".

Abou Sabri acquiesce.

"Nous allons les punir. Je ne dis pas qu'on va le faire maintenant, mais bientôt, vous verrez", menace cet homme de 28 ans.

Les tensions se sont aggravées entre le PYD --branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (rebelles kurdes turcs, gauche laïque), que les rebelles accusent d'être des laquais du régime-- et les insurgés sunnites qui souvent affirment vouloir un régime islamiste.

des sbires du régime

Des combats entre Arabes et Kurdes ont éclaté vendredi à Alep faisant 30 morts.

Abou Chaabane, 50 ans, qui tient un magasin de sièges-auto et connaissait Mohammed Hafar depuis toujours, est dévasté: "Il était comme un fils pour moi".

Comme la plupart des habitants, il dit ne jamais avoir eu de problème avec les Kurdes avec lesquels ils cohabitaient. A la question de savoir ce qui a changé, il répond l'ignorer et préfère ne pas en parler.

Depuis le début de la guerre, les Kurdes ont cherché à rester à l'écart du conflit dans le nord de la Syrie.

Selon les Kurdes, ils ont ainsi interdit aux rebelles d'entrer armés dans la ville d'Afrine et conclu un accord avec les autorités pour le départ des forces gouvernementales.

Les troupes se sont retirées mais un poste des forces de sécurité demeure avec un portrait du président Assad accroché à la façade.

Pour les jusqu'au-boutistes de l'ASL, les membres du PYD ne sont rien d'autre que des sbires du régime, armés et payés pour tenir les rebelles à distance. Des guides arabes accompagnant l'AFP disent ne plus se sentir en sécurité dans les villages kurdes.

Peter Harling, analyste de l'International Crisis Group estime que le PYD a réussi à exploiter le conflit, créant des frictions avec l'opposition armée, particulièrement dans la zone clé de la frontière turque.

"Il y a beaucoup de tensions entre les groupes armés de l'opposition à propos des routes de transit des armes. Le fait que plusieurs des postes frontaliers sont contrôlés par les Kurdes a provoqué aussi des tensions avec les Kurdes", explique-t-il.

Selon l'analyste, le PYD veut rester neutre dans le conflit, mais il est déterminé à profiter de la situation quel que soit le résultat.

Quelque 600.000 Kurdes vivent dans la région située au nord-est d'Alep, et la crainte est grande de voir les tensions communautaires s'envenimer dans les zones frontalières de la Turquie d'où l'armée s'est retirée.

La minorité kurde (15% des 23 millions de Syriens) est hostile au régime de Bachar al-Assad, qui l'a réprimée, mais se méfie de l'opposition qu'elle juge peu encline à reconnaître sa spécificité.

"Dans les zones d'où les rebelles ont chassé l'armée, il y a un vide en matière de sécurité. Certains des combattants ne souhaitent pas du tout la démocratie. Ce sont juste des seigneurs de guerre qui profitent du chaos", a dénoncé le président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.